FOURIER ET SON SCULPTEUR, EDME-NICOLAS FAILLOT
Un des témoignages les plus connus de la présence post-mortem de Joseph FOURIER à Auxerre est le monument qui se trouvait au centre de l’actuelle place du Maréchal Leclerc, face à l’ancienne bibliothèque. Ce monument était dû au sculpteur auxerrois Edme-Nicolas FAILLOT (1810 – 1849).
Edme-Nicolas FAILLOT a de commun avec FOURIER une origine très modeste. Son père était un pauvre agriculteur-voiturier qui avait beaucoup de mal à nourrir ses cinq enfants. Autant les quatre autres étaient robustes et pouvaient aider leur père, autant Edme était souffreteux durant toute sa vie à la suite d’une naissance avant terme. Son père le considérait comme propre à rien ce qui eut pour heureuse conséquence qu’il ait pu aller à l’école des Frères Ignorantins, où il se révéla bon élève. Cette réussite scolaire, si étrangère au milieu social de son père, ne fit qu’accentuer le ressentiment de ce dernier à son égard. Heureusement qu’un des frères d’Edme s’était installé comme herboriste à Paris et avait besoin d’un aide. C’est ainsi qu’Edme arrivera à Paris le jour des funérailles de Louis XVIII (1824).
Dans l’officine d’herboriste, il prit l’habitude de croquer les portraits des clients ce qui permit de découvrir son aptitude au dessin. Il alla suivre des cours gratuits de dessin et ses progrès furent très rapides.. Il se retrouva ensuite dans l’atelier du statuaire BRIDAN où il s’initia avec succès dans le modelage au point qu’il fut ensuite admis dans l’atelier du sculpteur JACQUOT, grand prix de Rome. C’est dans cet atelier qu’il put exécuter ses premières œuvres (bas-reliefs funéraires, modèles pour des fabricants de bronze,…
. Par ailleurs il taillait dans le marbre les plâtres de son maître.
Croyant qu’il suffisait de maîtriser son art pour avoir des commandes suffisantes, il se mit à son compte et vécut en réalité chichement en créant des modèles de pendules, de vases, de coupes. Il obtint ainsi une médaille de l’Ecole des Beaux-Arts et put réaliser à Auxerre, en 1837, deux œuvres funéraires : un médaillon de l’Abbé Viard dans la cathédrale et un monument funéraire dans l’abbatiale Saint Germain.
C’est à cette époque qu’il fut reconnu par ses pairs comme un sculpteur de talent à travers un Déluge (183 qui fit l’admiration de Rude, puis un Satan donnant le signal du sabbat et un colossal Saint Jérôme du désert (1843)qui se trouve au musée d’Auxerre.
Joseph FOURIER fit irruption dans la vie d’Edme-Nicolas FAILLOT, non pas par sa stature de mathématicien ou d’homme public, mais à travers les antiquités égyptiennes et le rôle qu’il a joué en cette matière lors de l’expédition d’Egypte et la rédaction de la Description de l’Egypte. C’est en effet un amateur d’antiquités égyptiennes, Mr GAU DE GENTILLY qui légua, en 1844, 4 000 francs pour la réalisation d’un buste de FOURIER à mettre à la bibliothèque d’Auxerre. Une souscription complémentaire eut un tel succès qu’il y eut finalement les fonds nécessaires pour l’érection d’une statue. Un concours fut organisé que FAILLOT remporta brillamment. Il proposait de représenter FOURIER en habit d’Académicien, méditant sur un cahier de calculs mathématiques qu’il tenait à la main. S’ajoutaient à la statue elle-même deux bas-reliefs, l’un représentant FOURIER en Egypte, prononçant l’éloge funèbre de KLEBER, l’autre représentant FOURIER en préfet de l’Isère, présidant les travaux d’assèchement des marécages de la région de Bourgoin. Statue et bas-reliefs furent coulés en bronze et érigés, après moult discussions, dans un jardin botanique qui se trouvait à Auxerre, près de la Porte de Paris. Entre temps FAILLOT décéda en 1849, à l’âge de 39 ans, lors de l’épidémie de choléra. En 1882 la statue fut transférée au centre de la place de la Bibliothèque, l’actuelle place du Maréchal LECLERC (voir photo ci-dessous).
En 1942, sur ordre des autorités allemandes, la statue fut enlevée pour être fondue en Lorraine et alimenter ainsi l’industrie de l’armement allemande. Les deux bas-reliefs furent sauvés et se trouvent actuellement sur la façade de l’ancienne bibliothèque.
En 2011, l’idée de refaire à Auxerre une statue à la mémoire de cet immense savant qui aura par ailleurs marqué de son empreinte la vie scientifique et publique de l’époque, se fait à nouveau jour. Le projet suit son chemin…..
Daniel Reisz
L’essentiel de ce texte s’inspire d’un petit fascicule, datant de 1951 et dû à Emile Darde : Le sculpteur Edme-Nicolas FAILLOT (1810-1849), sa vie, son œuvre. aimablement mis à ma disposition par Bernard Clavreuil, bibliophile et membre de notre société.
