Comprendre Fourier, systèmes linéaires invariants

Comprendre Joseph Fourier – préliminaires 3 – systèmes linéaires invariants

 

Comprendre Joseph Fourier

Notion de système linéaire invariant

La catégorie « pédagogie » dans ce blog dédié à Fourier, sa vie, son œuvre, ne vise pas à présenter avec rigueur et exhaustivité un cours sur l’œuvre mathématique de Joseph Fourier, mais à planter quelques jalons pour orienter le lecteur. L’œuvre de Joseph Fourier aborde à un niveau élevé des questions délicates de la généralisation de notions qui n’ont été vraiment utilisées qu’à partir de la fin du XIXe siècle et ont donné leur pleine mesure à la fin du XXe siècle. Ces deux points (difficulté et exploitation tardive) ont entraîné, hors de milieux très étroits de spécialistes, une longue méconnaissance de l’homme et de son œuvre. Aujourd’hui encore, bien que les transformées de Fourier soient utilisées dans de multiples applications qui seraient inefficaces sans elles, Fourier reste inconnu du grand public.

Nous présentons quelques billets concernant les domaines de pensée où l’apport de Joseph Fourier a été déterminant pour le développement de la science des XXe et XXIe siècles. La pensée de Joseph Fourier nécessite très vite une bonne maîtrise des dérivées partielles, des équations différentielles, toutes techniques étudiées après le baccalauréat dans les grandes écoles scientifiques ou les sections mathématiques des facultés de sciences. Nous supposerons que nos lecteurs maîtrisent les seules mathématiques exigées au baccalauréat, aussi n’entreront nous pas dans le détail de démonstrations ardues, nous en tenant souvent à des généralités accessibles à l’honnête homme.

 En préliminaire, nous reviendrons d’abord sur des notions très souvent utilisées par Joseph Fourier, soit implicitement, soit explicitement. Ces notions sont toujours plus ou moins sous-jacentes et imbriquées : Préliminaire1 : Angle droit ; Produit scalaire ; Fonctions orthogonales – Préliminaire2 : – Notion de vecteur – Préliminaire3 : Les invariants en mathématique

Quelques considérations en marge de la transformée de Fourier

Avant de percevoir l’intérêt de la transformation de Fourier, il convient d’avoir en tête (sans vouloir entrer dans le détail) quelques notions de bases préliminaires concernant : les systèmes linéaires invariants, le produit scalaire, les fonctions orthogonales, le spectre d’une fonction (pdf).

 a) Systèmes linéaires invariants

Système linéaire : est linéaire un phénomène qui respecte la somme et la proportionnalité.

exemple : la dérivée d’une fonction est un système linéaire :      (f + g)’ = f’ + g’       et     (?f)’ = ? f’

Système invariant : est invariant un système qui se reproduit toujours de la même façon, ne dépend pas du moment où on effectue l’expérience.

D’un point de vue mathématique la fonction exponentielle est un invariant en ce qui concerne sa dérivée :

(ex)’=ex et (e?x)’=?e?x

Autre type d’invariant, mais au niveau de la dérivée seconde cette fois pour les fonctions sinus et cosinus :

(cos x)’à – sin x                   (cos x)’’à – cos x

(sin x)’à cos x                      (sin x)’’à – sin x

 ou avec (cos ?x)’= – ? (sin ?x)

Les fonction sinus et cosinus sont des familles stables par dérivation.

 [Si les système linéaires invariants se rencontrent fréquemment, ils ne sont pas universels : les phénomènes chaotiques ne rentrent pas dans ce cadre. Il importe donc de vérifier au cas par cas si l’on est en présence sur un système linéaire invariant.]

 Les propriétés des fonctions sinus et cosinus vont être d’un grand secours pour analyser les phénomènes linéaires invariants.

Remarque : en passant par l’écriture complexe, on a :             ei? = cos ? + i sin ?

Les fonctions périodiques et exponentielle peuvent jouer un rôle symétrique – Laplace utilise d’ailleurs la fonction exponentielle dans la transformée qui porte son nom – les particularités de calcul conduisent à utiliser l’une ou l’autre. Nous nous attacherons à présenter le cas où l’avantage revient à Fourier.

 

Ainsi, en va-t-il lors de la somme de carrés :

Alors que l’utilisation de l’exponentielle à la façon de Laplace conduit à des calculs inextricables, l’utilisation de la méthode de Fourier aboutit par la disparition des termes en sinus et cosinus à des calculs d’une grande simplicité :

f= ?1sin ?1x + ?2 cos ?2 x + ?3 sin ?3 x….

?f2 = ?21 + ?22 + ?23 ….

Vérifions cette propriété sur un exemple accessible à un élève de terminale : soit f(x)=3sin(x)+4cos(x)

f²(x)=9sin²(x)+16cos²(x)+24sin(x)cos(x) [application de l’identité (a+b)²=a²+b²+2ab]

Or, 2sin(x)cos(x)=cos(2x), cos²(x)=(1+cos(2x))/2 et sin²(x)=(1-cos(2x))/2,

donc : f²(x)=9(1+cos(2x))/2+16(1-cos(2x))/2+12cos(2x)

=(9+16)/2+(9-16+12)cos(2x)=(9+16).(1/2)+5cos(2x)

Or, une primitive de cos(2x) est G(x)=sin(2x)/2, (G’(x)=2cos(2x)/2=cos(2x))

Donc, l’intégrale de 0 à 2? de cos(2x) vaut G(2?)-G(0)=sin(4?)/2-sin(0)/2=0-0=0

Remarque : intégrer de – ? à ? reviendrait au même. En multipliant par 2 et en divisant par ?, cela redonne évidemment 0

De plus, l’intégrale de 0 à 2? de la fonction constante 1/2 vaut 2?/2= ?

En multipliant par (9+16) et en divisant par ?, on retombe bien sur 3²+4²

?f2(x)= 3²+4²

 

 ?f2 apparaît très fréquemment, ainsi, par exemple, en physique quand il est question d’énergie.

 La somme : ?f2 = ?21 + ?22 + ?23 …. n’est pas sans rappeler la formule de Pythagore : a2 = b2 + c2 . On peut considérer ?f2 comme une généralisation (cf. paragraphe ‘dimension infinie’) de la formule de Pythagore à des espaces vectoriels où les vecteurs possèdent plus de deux coordonnées.

Considérant la variété et la richesse des applications de la formule de Pythagore, il n’est alors pas étonnant, de trouver pour sa généralisation par Fourier autant de domaine divers.

Fourier et la généralisation en mathématique :

Fourier a toujours manifesté un penchant notoire pour la généralisation. Les solutions particulières d’un problème l’intéressent médiocrement. Il se saisit des questions dans leur globalité.

 » Aujourd’hui bien plus que naguère, les mathématiciens apprécient la portée des grands programmes visionnaires, qui ne sont jamais complètement formalisés. Ils apprécient également les procédés de calcul effectifs, auxquels l’informatique et les ordinateurs ont donné une portée nouvelle. Fourier entre en résonance avec la façon actuelle ce concevoir le travail mathématique. Si j’en juge par moi-même, je ne lis plus Fourier comme autrefois. Autrefois, avec l’impertinence de la jeunesse et la caution de mes aînés, je le traitais de haut. Aujourd’hui, je cherche ce qu’il veut dire et comment il a pu y arriver si bien. » [Jean-Pierre Kahane, août 2005]

La première étude de Fourier sur la détermination des racines d’une équation est emblématique de sa démarche : plutôt que de prolonger les études connues sur les solutions des équations de degrés un, deux, trois et quatre par l’étude des degré suivants, il s’attaque d’emblée au cas général de degré n d’où n’importe quelle solution se déduira.

About cm1

R. Timon, né en 1944 a été instituteur, maître formateur, auteur de manuels pédagogiques avant d’écrire pour le Webpédagogique des articles traitant de mathématiques et destinés aux élèves de CM1, CM2 et sixième.

Category(s): pédagogie

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