Fourier et Buonarroti

Fourier et Buonarroti

(Grenoble, 1813-1814)

Depuis l’ouverture de ce site en 2012 Nous nous sommes beaucoup intéressés à l’œuvre scientifique de Joseph Fourier, œuvre qui reste très vivante et continue d’irriguer l’actualité. Les articles historiques sont plus rares… : les adhérents de l’association Société Joseph-Fourier se recrutent essentiellement chez les scientifiques, peut-être considèrent-ils que tout a été dit par Arago, par Champollion-Figeac, par Victor Cousin ou Émile Duché ?

Buanarroti (source Wikipedia)

       Ces idées reçues sont en passe d’être ébranlées : monsieur Jean-Marc Schiappa, historien, spécialiste de Babeuf (1760-1797), s’intéressant à Buonarroti (1761-1837), émule de Babeuf, nous interroge sur l’accueil fait à Buonarroti par le préfet Joseph Fourier lorsqu’il fut, en 1813, contraint de quitter Genève après avoir participé à la conspiration du général Malet et fit le choix de résider à Grenoble : « L’historiographie classique estime que le séjour grenoblois fut une pause des activités subversives de mon personnage [Buonarroti]. Après y avoir sacrifié, je n’y crois guère.

Cela ne correspond pas à son tempérament ni aux quelques récalcitrants grenoblois présents (et Buonarroti choisit cette ville quand il lui faut quitter Genève).

Trois semaines après son arrivée, Fourier écrit au Ministre qu’en fait Buonarroti est très calme et qu’il ne faut pas le surveiller. Écrire cela après une surveillance de vingt jours et quelques est assez surprenant…

Les possibles connexions maçonniques expliquent peut-être des choses. »

     Le questionnement de monsieur Schiappa et l’absence de réponse qui nous lui avons apportées mettent en évidence la nécessité de revenir aux sources archivistiques, à analyser le quotidien de la préfecture de l’Isère entre 1802 et 1815, à aller au-delà des publications du XIXe siècle. Monsieur Schiappa formule l’hypothèse d’un réseau maçonnique pour expliquer la bienveillance de Joseph Fourier vis à vis de Buonarroti dans sa réponse au Ministre.

Hypothèse pour hypothèse, nous en formulons une autre, qui s’appuie sur ce que nous connaissons de Joseph Fourier :

En messidor VII (juin 1799), en Égypte, Bonaparte en butte à l’hostilité du cheikh Ibrahim et de quatre oulémas en rébellion contre l’occupation française a chargé Joseph Fourier d’y voir de plus près. Consignes de Bonaparte « Vous vous mettez en relation avec eux. Mais pas de demi mesure, pas d’atermoiement. Il faut faire un exemple. Leur tête ou leur allégeance. » Quelques jours plus tard, Bonaparte, Fourier, le Cheikh et les Oulémas soupaient ensemble pour sceller une alliance qui ne se démentit pas jusqu’au départ des Français, fin 1801.

En 1813, Fourier reçoit donc, envoyé par le ministère, le dossier d’assignation à résidence de Buonarroti. Une réponse paresseuse eût été d’en déléguer le suivi aux services de police. Gageons que comme avec Ibrahim et les oulémas égyptiens, Fourier est allé au contact, se souvenant des engagements révolutionnaires de sa jeunesse, il put être sensible aux convictions sincères de Buonarroti et les deux hommes convenir d’un modus vivendi qui expliquerait la réponse assurée de Fourier au Ministre. Comme à son habitude, Fourier a recherché un compromis gagnant/gagnant : le préfet économise une surveillance épuisante à ses services, Buonarroti y gagne un temps sans tracasseries.

Hypothèse, bien sûr, qui devra subir la comparaison critique avec les documents entreposés sur les rayons des Archives départementales de l’Isère.

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R. Timon, né en 1944 a été instituteur, maître formateur, auteur de manuels pédagogiques avant d’écrire pour le Webpédagogique des articles traitant de mathématiques et destinés aux élèves de CM1, CM2 et sixième.

Category(s): actualité de la recherche
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