Une façon d’inventer ?
Joseph Fourier et la chaleur,
les Champollion,
l’égyptologie et le déchiffrement des hiéroglyphes
Jean Dhombres, mathématicien et historien, EHESS
Résumé du texte complet, incluant les illustrations, disponible en pdf, ici
Je tente la difficile tâche d’indiquer une sorte de façon commune d’inventer qu’on appelle analyse et synthèse, à partir de deux auteurs, le mathématicien physicien Joseph Fourier qui a établi les équations de diffusion de la chaleur et le savant linguiste Jean-François Champollion dont on connaît le succès pour le déchiffrement des hiéroglyphes, et qui fut aidé par son frère aîné. Bien sûr je juxtapose des situations savantes bien différentes, mais je peux le faire dans la mesure où les deux hommes se rencontrèrent, Fourier étant préfet à Grenoble au moment où le jeune Champollion commençait au lycée à se passionner pour les langues en vue de penser le déchiffrement des hiéroglyphes. Une date alors les réunit, l’année 1822, devenue pour nous un bicentenaire : c’est celle de la publication de la Théorie analytique de la chaleur par Fourier, et c’est aussi celle de la publication de la Lettre de Champollion à Dacier dans laquelle il explique son déchiffrement à partir des noms grecs lus sur la pierre de Rosette découverte par le polytechnicien Bouchard en 1799, et présentée à Fourier à l’Institut d’Egypte. Car Champollion et Fourier, tous les deux ont connu la terre d’Egypte, l’un avant son travail scientifique, et l’autre après avoir réussi le déchiffrement. Voilà bien des mots et des faits qui peuvent étonner aujourd’hui, et on peut en faire un récit, plusieurs en fait, en faisant vivre les conditions intellectuelles et idéologiques de l’après Révolution, des Lumières aussi à transmettre en un Orient qui voit la conquête comme une nouvelle croisade, les gens qui la mènent ayant remplacé la religion par le progrès scientifique.