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Fourier face à l’effet de serre

samedi, mai 14th, 2022

Fourier face à l’effet de serre

(actualité)

     Les lecteurs de ce blog savent que Joseph Fourier a étudié l’effet de serre ; nous en avons rendu compte dans un article de 2012. Le lecteur attentif de ce blog a depuis longtemps remarqué que ce blog renvoie au Mathouriste dès que les explications dérivent vers des concepts mathématiques trop pointus et naturellement, le Mathouriste lui aussi a traité de l’effet de serre ; si ma mémoire est bonne, c’était vers mi-2019, mais l’article a été mis a jour en 2021, lorsque les Prix Nobel ont été décernés cette année là.

     Vous aviez oublié ? Alors, si vous êtes inscrit à Toulouse, il vous reste une possibilité de rattrapage du 19 au 21 mai 2022 la CIIÉHM (1)…

tiendra son XXIVe colloque et au cours de ce colloque à l’Université Toulouse III, Paul-Sabatier, le vendredi 20 mai, Alain Juhel interviendra à 17 heures dans une conférence qui a pour thème « Fourier, de l’effet de serre à la spectroscopie : deux siècles pour le climat ». Trop tard pour vous inscrire (les inscriptions sont closes depuis le 3 mai). Cependant, si vous disposez d’une salle dans un coin de France et d’un public pour la remplir (dans le respect des conditions sanitaires), vous pourriez tenter d’inviter Alain Juhel (et, pourquoi pas, négocier un texte sans formules mathématiques). En effet, il ne sera pas seulement question, à l’amphi Fermat, de ressasser les vieilles lunes. Le résumé accessible sur la page du colloque nous a permis d’accéder à quelques éléments des propos que tiendra Alain Juhel :

« De la conférence Nobel 2021 au Canard enchaîné à l’occasion de la COP26, tout le monde le proclame : c’est Joseph Fourier le précurseur de la climatologie moderne en 1820.

Si la spectroscopie chimique fut inventée peu après (Kirchoff et Bunsen 1859), il fallut attendre encore un siècle pour un accès (relativement) commode aux signatures spectrales des composés chimiques, grâce à l’interféromètre de Michelson… et à la transformation de Fourier !

Relativement, car les ordinateurs, pourtant en plein essor (1960-70) étaient à la peine devant le volume des calculs. Tout change avec l’invention de la FFT (1964), et la miniaturisation aidant, de plus en plus de satellites embarquent des spectromètres infrarouges à transformée de Fourier, qu’il s’agisse d’étudier les atmosphères d’autres planètes ou les gaz à effet de serre de la nôtre.

Ce sont quelques jalons et protagonistes, connus (Bragg, Michelson, Cooley & Tuckey…) et moins connus (Duffieux, J. & P. Connes…) de cette histoire commune des mathématiques, de l’informatique et de la chimie que nous aimerions parcourir et faire découvrir. »

Alors ? Alain Juhel damera-t-il le pion au Matouriste ? Réponse le 19 mai 2022 à Toulouse !

(1) Pas de panique, vous avez le droit d’ignorer le petit nom de la Commission Inter Institut-de-Recherche-sur-l’Enseignement-des-Mathématiques d’Épistémologie et Histoire des Mathématiques, il est réservé aux familiers qui l’utilisent rarement et toujours en privé.

Fourier mathématicien

samedi, août 8th, 2020

Fourier mathématicien

Le dernier numéro de la série Dossiers Science (n°35, juin 2020, 12,90 €) est un dossier spécial consacré aux grandes théories mathématiques. Il nous propose un panorama, réalisé par le journaliste scientifique Marc Bousquet, de 65 théories mathématiques, concepts et énigmes expliquées simplement.

Pour un lecteur non spécialiste, c’est un plaisir d’accéder, grâce à une synthèse sans démonstration, aux idées que les mathématiciens tentent de confirmer et mettre en œuvre.

Pour un admirateur de Joseph Fourier, c’est l’occasion de tester l’importance de l’apport que la mathématique doit au physicien. Nous laissons donc aux lecteurs intéressés le soin de découvrir le reste de l’ouvrage pour ne rechercher dans les différents chapitres que les mentions de Fourier.

Voici le résultat d’un survol linéaire de l’ouvrage :

1/ page 74 : Les mathématiques financières citent, une première fois Joseph Fourier, sans surprise, puisque Bachelier, en 1900, a utilisé les méthodes de Fourier pour analyser l’aspect aléatoire des marchés financiers. »/…/ le mouvement désordonné de particules en suspension /…/ se retrouve dans un grand nombre de phénomènes, comme l’équation de la chaleur et de sa diffusion, formalisée par Joseph Fourier dès 1807. »

[note : Un chapitre entier, p.132-133, est consacré au mouvement brownien, mais sans citer Fourier.]

2/ page 125 : Les séries entières : « Certaines [séries] ont été étudiées de manière systématiques, car très utiles, comme les séries trigonométriques, les séries de Fourier ou les séries de Dirichlet. »

3/ pages 130-131 : L’analyse de Fourier. Un chapitre complet est consacré à la méthode de calcul proposée par Joseph Fourier.

4/ page 135 : « L’espace L², l’espace des fonctions de carré intégrale, est un espace de Hilbert et est l’espace idéal pour une bonne théorie de Fourier. »

5/ pages 146-147 : La théorie des ondelettes. Un chapitre entier est consacré à ce prolongement de la théorie de Fourier qui permet l’analyse d’un signal à l’aide de la transformation de Fourier.

6/ pages 172-173 : Les équations aux dérivées partielles. Les équations aux dérivées partielles : « [outre les équations d’Euler ou celles de Navier-Stokes] On peut citer également les équations de Fourier dans l’étude de la diffusion de la chaleur. »

7/ pages186-187 : L’analyse harmonique. « L’analyse harmonique trouve son origine dans les travaux du mathématicien Joseph Fourier, au début du XIXe siècle, portant sur l’équation de la chaleur. »

Cauchy et Fourier

samedi, avril 18th, 2020

Joseph Fourier

Cauchy et Fourier

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    Que l’on doive citer à brûle-pourpoint une poignée de mathématiciens… viendront sans doute Pythagore (sa table) et Thalès (son théorème), Ératosthène (son crible), Euclide (son postulat), Descartes (son plan si cartésien), Newton (sa pomme), Gauss (la courbe en cloche), Euler (les ponts de Königsberg) ; Viète, peut-être (les x et les y)… et Fourier n’apparaîtra pas. Son nom est attaché à la Théorie de la Chaleur, qui pour le profane ressort de la physique. Trop peu mathématicien Fourier ? Il maîtrisait pourtant le sujet : lorsque Lagrange a voulu le corriger, c’est Fourier qui lui a fait la leçon (et Jean-Pierre Kahane l’a bien montré : « il [Fourier] s’est heurté à l’incompréhension persistante de Lagrange, et deux pages dans les manuscrits de Lagrange, que j’ai consultées et commentées, confirment que Fourier avait raison contre Lagrange. Mais Lagrange était à l’époque de Fourier le plus respecté des mathématiciens français, et son jugement négatif sur Fourier a traversé les siècles. »).

      Mieux : Fourier a apporté sa pierre et laissé sa marque : deux notations spécifiques, très usuelles (Dhombres et Robert, dans leur ouvrage, ajoutent une autre invention de Fourier, qui touche les notations : l’équation aux dimensions. Joli jeu d’adaptation des mathématiques à la physique : les quantités numériques ne sont pas toutes de même nature. Et cela éclaire bien la nature double du génie de Fourier, mathématicien et physicien).

             

    

Elles se lisent  : « f chapeau » et « somme de 1830 à l’infini ». L’écriture ‘f chapeau’ qui renvoie aux méthodes introduites par Fourier n’a été adoptée qu’au XXe siècle lorsque l’usage de la Transformation de Fourier est devenu si courant et incontournable qu’il a fallu abréger les attendus. Tout étudiant de troisième cycle saura expliquer qu’il s’agit d’appliquer à la fonction f la transformation de Fourier qui transforme une fonction en une somme infinie de fonctions fréquentielles (sinus et cosinus). Le chapeau est une façon très raccourcie de noter ce que Fourier a expliqué en plusieurs centaines de pages dans sa Théorie de la Chaleur et que Lagrange a contesté jusqu’à son dernier souffle.

     Pour l’autre, Fourier a trouvé chez ses prédécesseurs le symbole de sommation qui était utilisé brut, sans indication de limites. Fourier y a ajouté l’indication des limites entre lesquelles cette somme est calculée et dès la terminale du lycée les élèves commencent à se familiariser avec ce symbole.

      Pour ceux qui ne seraient pas convaincus, qu’ils se tournent vers Cauchy. Cauchy (1789-1857) était de 20 ans le cadet de Joseph Fourier. Cauchy était précoce et c’est à 27 ans qu’il fut académicien, aussi les deux savants eurent-ils l’occasion de se côtoyer pendant 14 ans à l’Académie des sciences où ils siégèrent ensemble de 1816 à 1830. Royaliste convaincu et catholique fervent, Cauchy était par ailleurs d’un caractère si exigeant qu’il ne sut pas toujours entretenir de bonnes relations avec ses proches. Quoiqu’il en soit, aucune anecdote ne nous est parvenue des relations personnelles que les deux hommes ont pu entretenir bien qu’ils aient, tous deux, abordé l’analyse mathématique.

     C’est dans les cours que Cauchy donnait à l’École polytechnique que se trouve attribuée à Joseph Fourier l’invention de la notation de l’intégrale définie (compte-tenu du caractère de Cauchy, qui faisait souvent de mesquines querelles de priorité -par exemple avec Liouville, en 1847, à l’occasion du théorème Fonctions Holomorphes-, cette attribution d’invention de notation à Joseph Fourier peut être acceptée pour avérée)

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Fourier dans les marais

jeudi, avril 16th, 2020

Fourier devant

les marais de Bourgoin

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Le compte-rendu, par Jean-Charles Guillaume, de l’assèchement des marais de Bourgoin est publié par la SSHNY.

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     De la statue érigée en l’honneur de Joseph Fourier, ne restent que les deux plaques qui en ornaient le socle. L’une représente Fourier prononçant le discours funèbre de Kléber, l’autre le montrant dirigeant le chantier de l’assèchement des marais de Bourgoin.

Fourier à Bourgoin, bronze, Auxerre

Le choix du sujet de ces plaques était judicieux pour illustrer une biographie riche. A la mort de Kléber, Fourier est propulsé sous les projecteurs.

En 1795, Fourier n’était encore qu’un étudiant gouailleur ; il suivait les cours de l’École normale de l’an III et attirait l’attention d’un de ses professeurs, Monge, en le titillant sur les carences de la définition qu’il donnait de la droite. Monge n’oublia pas ; il garda un œil sur cet étudiant prometteur dont il put ensuite apprécier les compétences d’enseignant auprès de ses pairs de l’École normale, puis des premiers élèves de l’École polytechnique. Monge pensa naturellement Fourier, en mars 1798, lorsqu’il fallu constituer une cohorte de savants pour accompagner l’expédition secrète dont le Directoire confia le commandement au général Bonaparte.

     En Égypte, les affaires militaires virant au cauchemar, Bonaparte et Monge rentrèrent en France, fin août 1799  ; Fourier devint, vis à vis de Kléber, le représentant des savants de l’expédition ; Kléber assassiné, en juin 1800, Fourier s’est retrouvé en première ligne, Menou ne parvenant pas à voir plus loin que la gestion militaire des troupes démoralisées dont il avait maintenant la charge. Un tournant donc. Que Fourier négocia en valorisant le travail des savants qu’il représentait. Tournant si bien négocié que Bonaparte trouva rapidement un emploi au jeune professeur talentueux qui venait de sauver l’expédition d’Égypte en transformant le fiasco militaire en succès scientifique. Fourier fut donc nommé préfet de l’Isère.

     Devenu préfet, Fourier, imperturbable, applique sa méthode : face à un problème, une situation difficile, d’abord observer, analyser, répondre aux questions lorsqu’il est possible d’y répondre et continuer l’analyse avec les autres ; ne jamais brusquer, prendre chacun « dans le sens de l’épi ». Le préfet est en charge de l’intérêt de ses administrés ; parmi les dossiers, celui des marais de Bourgoin concerne le bien-être des 30 000 habitants de 35 communes, répartis sur 7 200 hectares insalubres. Il va y appliquer sa méthode : trouver et diriger des informateurs qui vont collecter des données fiables concernant les multiples problèmes, sérier les difficultés et les résoudre une à une en recherchant un consensus maximum. La conciliation d’abord, oui, mais sans être aveugle et sans hésiter à corriger les dévoiements qui risqueraient de compromettre le consensus recherché, voulu, indispensable.

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,  Ce sont les détails de cette aventure, l’assèchement des marais de Bourgoin, que Jean-Charles Guillaume est allé chercher, vérifier, compiler aux Archives de l’Isère où les procès-verbaux de réunion, les dossiers d’étude, les ordonnances d’exécution sont encore conservés. Il a livré, en février 2017, le fruit de ses recherches et la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne les publie aujourd’hui dans le 155e volume (année 2017) de son bulletin (pages 81 à 100).

La fonte Fourier

jeudi, décembre 12th, 2019

La fonte de caractères Fourier      

     Parmi les polices de caractères disponibles, on trouve un fonte Fourier-GUTenberg, créée, en 2003, par Michel Bovani ; ce qui nous incite à nous interroger sur les rapports que le scientifique Joseph Fourier a pu nouer avec la typographie et l’imprimerie, avant de conclure par une déclaration de l’auteur de la fonte.

1) L’environnement auxerrois : Le 22 avril 1760, Nicolas Restif épouse, à Auxerre, Agnès Lebègue, la cousine de Germaine Lebègue, elle-même épouse du tailleur d’habits, Joseph Fourier et future mère de Joseph Fourier qui deviendra le savant que nous connaissons. Les Fourier tiennent boutique à Auxerre, rue Notre-Dame (aujourd’hui rue Fourier) qui débouche place de l’hôtel de ville où se tient l’imprimerie-librairie Fournier où travaille Nicolas Rétif. Les Fournier, d’Auxerre, sont apparentés avec les Fournier parisiens graveurs-fondeurs reconnus. En 1778, Joseph a dix ans, le tailleur Fourier qui a déménagé pour laisser place à son beau-fils, habite place de Hôtel de ville, très proche donc de l’imprimerie Fournier.

Ces éléments nous permettent d’affirmer que le jeune Joseph Fourier, garçon éveillé, connaissait l’imprimerie Fournier et il est probable que, vers 1775, il la fréquentait et allait y glaner des chutes de papier.

2) Le bouillonnement révolutionnaire à Auxerre : Novembre 1789 : Le pouvoir révolutionnaire supprime les couvents. Libéré de ses engagements monastiques à Saint-Benoît-sur-Loire, le novice Joseph Fourier revient à Auxerre où il participe activement à la vie publique. Joseph Fourier y retrouve Nicolas Maure, membre du directoire révolutionnaire qui a épousé le 27 mai 1782 Anne Marguerite Fournier, la fille de François, l’imprimeur. Pour le compte du directoire, Joseph Fourier prendra des responsabilités qui lui vaudront des déboires sérieux : il ne sera sauvé de la guillotine que par la chute de Robespierre, mais, notre propos n’est pas là.

3) La campagne d’Égypte : 6 fructidor VI (23 août 1798) : Joseph Fourier a accepté la proposition de Gaspard Monge participer à l’expédition secrète préparée par le Directoire. Arrivé en Égypte avec une cohorte de deux cents savants il est nommé secrétaire de l’Institut d’Égypte. A ce titre, il suit de près la rédaction et la fabrication de la gazette voulue par Bonaparte ‘le courier de l’Égypte’ dont le premier numéro est publié le 12 fructidor VI.

4) L’élaboration de l’ouvrage ‘la description de l’Égypte’ : En 1802, Bonaparte charge Joseph Fourier, alors préfet de l’Isère, de suivre les travaux de publication de la description de l’Égypte, recueil des données scientifiques amassées par les savants qui ont participé à l’expédition d’Égypte. Les derniers volumes de cette édition prestigieuse, chef d’œuvre de l’art graphique, paraîtront en 1822.

5) Le Journal de l’Isère : Préfet de l’Isère, Joseph Fourier doit surveiller ce qui s’écrit dans la presse. Il charge Champollion-Figeac de la direction du Journal de l’Isère et se verra contraint de le suspendre de son poste en 1812 pour n’avoir pas censuré les articles relatifs à la chute du fort d’Alba, près de Salamanque en Espagne.

6) La publication de la Théorie de la chaleur : Élu secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences en 1822, Joseph Fourier aura la responsabilité de la publication des compte-rendus, méoires et autres publications. A ce titre, il veille tout d’abord à ce que soit publié sa Théorie analytique de la Chaleur dont le manuscrit avait obtenu, en 1811, le prix de l’Académie, mais qui depuis, dormait dans un tiroir.

Michel Bovani, créateur de la fonte Fourier-GUTenberg :

     Ces différents points indiquent que Joseph Fourier était au fait des questions concernant l’imprimé. Est-ce que pour autant Michel Bovani, auteur de la police Fourier-GUTenberg, a pensé à Joseph Fourier lorsqu’il a baptisé la fonte qu’il venait de créer ?

Il a pu répondre lui-même à cette question : «  La réponse simple à la question « qui de Charles ou de Joseph est le Fourier éponyme de la fonte Fourier ? » est en fait « un peu les deux ». Lorsque le système Fourier est sorti (2003), il me semble que je n’avais pas encore entendu parler de saint Pierre Fourier (et en tout cas ce dernier n’est dans mon esprit en rien attaché à ma fonte).

Le système de fontes scientifiques Fourier a été créé dans le cadre de mes activités pour l’association GUTenberg (groupe français des utilisateurs de TeX), le nom complet de la distribution Fourier étant d’ailleurs Fourier-GUTenberg. Thierry Bouche, maître de conférence en mathématiques à l’Institut Joseph Fourier de Grenoble (et aujourd’hui directeur de la cellule Mathdoc) était à l’époque membre du conseil d’administration de GUTenberg et expert reconnu en typographie numérique : il m’a été d’une aide constante durant tout le temps qu’a duré mon travail sur Fourier-GUTenberg.

Mon idée de départ était de trouver une fonte de texte libre de droits et de dessiner un complément scientifique qui lui serait compatible (cela incluait au moins tout ce que l’on trouve dans les fontes scientifiques par défaut de TeX, en particulier il fallait dessiner un grec). C’est Thierry qui a attiré mon attention sur une fonte créée pour la société Adobe par Robert Slimbach (lauréat en 1991 du prix Charles Peignot de l’Association Typographique Internationale et aujourd’hui directeur de l’Adobe’s type design program). Cette fonte avait été donnée par Adobe au X-consortium, bénéficiait à ce titre d’une licence qui la rendait librement distribuable et se nommait Utopia.

Lorsqu’il s’est agi de donner un nom au système, la première idée fut de trouver un nom de mathématicien français composé d’un seul mot (exit d’Alembert) et sans accent (exit Poincaré). Le lien qui s’était créé avec Thierry Bouche lors de ce travail a fait que j’ai très vite pensé à Joseph Fourier, mais c’est l’existence d’un homonyme (Charles Fourier, donc) dont la philosophie utopiste allait si bien avec le nom de la fonte de base qui m’a vraiment décidé. Je vais maintenant ajouter que le second prénom de Robert Slimbach est Joseph.

Voilà donc en gros toute l’histoire. Michel Bovani »

Jeunesse de Fourier

lundi, janvier 14th, 2019

La jeunesse de Fourier,

revisitée,

par Jean-Charles Guillaume

Le coche d’eau, dessin de Lallemand, vers 1770.

Préparant sa contribution à un ouvrage biographique concernant Joseph Fourier, à paraître aux éditions Hermann sous la direction de Jean Dhombres, Jean-Charles Guillaume[1] est revenu sur la jeunesse auxerroise de Joseph dans un livret d’une soixantaine ne pages : « La jeunesse de Joseph Fourier à Auxerre (1768-1794) : une nouvelle approche ? »[2]. Dont voici l’introduction :

L’image de Joseph Fourier (1768-1830) pendant les vingt-sept premières années de sa vie est bien connue. Il naît à Auxerre, ville qui « a un aspect moyenâgeux », un « air antique et triste […] presque toute bâtie en bois », « d’une famille pauvre, mais estimable », chez des parents qui « ne savent que très peu lire et écrire ». Cet orphelin à huit ou neuf ans est le fils « d’artisans pauvres et vertueux », « un vaillant jeune homme, sorti de cette classe ouvrière, laborieuse, si féconde en âmes fortes et d’une trempe vigoureuse [monté], par son seul mérite, aux premiers rangs de la société ». Plus tard, « amené sur un autre théâtre », celui de la Révolution, il est de ceux qui croient que « le meilleur moyen d’empêcher ce fleuve bienfaisant de devenir un torrent dévastateur, [c’est] que les hommes éclairés et vraiment patriotes [dirigent] son cours ». Son rôle à la Société populaire et au Comité de surveillance lui permet « d’empêcher beaucoup de mal et de faire un peu de bien », mais, un peu plus tard, celui à Orléans lui fait risquer la mort :

« J’ai éprouvé tous les degrés de la persécution et du malheur. Aucun de mes adversaires n’a connu plus de danger et je suis le seul de mes compatriotes qui ait été condamné à mort. Cependant ils ont l’injustice d’oublier la terreur que j’ai éprouvée pour parler sans cesse de celle que j’ai dit-on inspiré. »

On lui reproche à la fois ses excès et sa faiblesse :

« [S’il sait] conjurer l’orage qui mena[ce] plusieurs têtes dans sa villes natale, il ne peut se soustraire lui-même à ses coups. […] Chargé […] d’une mission dans le département du Loiret […], et ayant, suivant sa coutume, tempéré par l’équité et la prudence, la rigueur des mesures qu’il [a] à exécuter, il [est] mis hors la loi […], réduit à se cacher, sans fortune, et ne repar[aît] au grand jour qu’après la révocation de la mesure arbitraire dont il [est] frappé. »

Cette image est-elle conforme à la réalité ? N’a-t-elle pas été construite par ceux qui ont prononcé son éloge après sa mort – François Arago, à l’Académie des Sciences, et Victor Cousin, à l’Académie française – et par leurs relais locaux comme Gabriel Mauger en 1837, le préfet, le maire, Philibert-Joseph Roux, Gallois et Ravin lors de l’inauguration de sa statue en 1848, Ambroise Challe en 1858, Emile Duché en 1871, Charles Moiset en 1893 ?

La réponse à ces questions passe par une analyse des vingt-deux premières années de la vie de Joseph Fourier, dont dix-huit passées à Auxerre, puis par celle des cinq années de la période révolutionnaire.

La maison Fourier de 1773 à 1778.

 

[1] Professeur d’histoire, auteur, récemment, de « De Lesseré à Soisson & James, Six générations de commerçants à Auxerre, 1759 – 1963 » et précédemment de « Guilliet », « Le travail de l’ocre dans l’Auxerrois : 1763-1966, une industrie rurale. » …

[2] Coédité par la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne et la Société Joseph-Fourier.

Fourier et le double vitrage

samedi, octobre 27th, 2018

Fourier et le double vitrage

       L’intérêt de multiplier les couches de verre en intercalant un espace vide était connu dès les Romains. Ils équipaient leurs thermes de fenêtres doubles. Entre le XVIe et le XIXe siècle, les progrès consistent à rendre les verres transparents de plus en plus solides. Il faut cependant attendre la fin du XIXe siècle pour qu’un même battant soit envisagé comme support d’un double vitrage.

En 1865, un inventeur new-yorkais, Thomas Stetson, dépose un brevet pour une fenêtre en Insulated glass (verre isolé). Il célèbre alors les qualités thermiques et phoniques de son invention, la lame d’air entre les vitres constituant un bien meilleur isolant que le verre. Il faut pourtant attendre 1930 pour que l’entreprise CD Haven produise de façon industrielle du double vitrage.    (d’après Système D)

Le double vitrage constitue un élément important de l’isolation des habitations et il est instructif de voir comment Joseph Fourier a traité la théorie qui sous-tend cette technique. Le principe est abordé à l’article 87 (section VI du chapitre I) de la Théorie de la chaleur (1822). Pour un non-mathématicien, la lecture de ce passage est une bonne introduction à l’œuvre : pas (encore) de recours aux équations aux dérivées partielles, juste des formules de physique assez élémentaires pour être comprises du bachelier moyen. Rappelons que la Théorie de la chaleur est constituée de 433 articles regroupés en neuf chapitres, eux-mêmes divisés en sections, qui traitent progressivement des différents aspects de la théorie envisagés par Joseph Fourier. Les séries, solutions des équations différentielles rendant compte du mouvement de la chaleur qui ont fondé la renommée de l’auteur, ne commencent à être traitées qu’à partir de l’article 104, au chapitre II de l’ouvrage.

Théorie de la Chaleur, § 87 (page 75 de l’édition conservée par Gallica)

« Si le même espace était échauffé par deux ou plusieurs foyers de différente espèce [1], ou si la première enceinte était elle-même contenue dans une seconde enceinte séparée de la première par une masse d’air, on déterminerait facilement aussi le degré de l’échauffement et les températures des surfaces.

En supposant qu’il y ait, outre le premier foyer s, une seconde surface échauffée p dont la température constante soit b, et la conducibilité extérieure j, on trouvera, en conservant toutes les autres dénominations, l’équation suivante :

m – n = [(a sg/S + b sj/S) (e/K + I/H + I/h)] / [I + ( sg/S + pj/S) (e/K + I/H + I/k)]

si l’on ne suppose qu’un seul foyer s, et si la première enceinte est elle-même contenue dans une seconde, on représentera par S’, h’, k’, H’, les éléments de la seconde enceinte qui correspondent à ceux de la première, que l’on désigne par S, h, k, H, et l’on trouvera, en nommant p la température de l’air qui environne la surface extérieure de la seconde enceinte, l’équation suivante :

m – p = [(a – n) P]/ (I + P)

La quantité P représente :

 s /S (g/h + ge/k + g/H)  +  s/S’ (g/h’ + ge’/k’ + g/H’)

on trouverait un résultat semblable si l’on supposait trois ou un plus grand nombre d’enceintes successives ; et l’on en conclut que ces enveloppes solides, séparées par l’air, concourent beaucoup à augmenter le degré de l’échauffement, quelque petite que soit leur épaisseur. »

 

[1] Cette formulation, un peu obscure prise isolément ici, est explicitée dans les articles précédents où l’on peut découvrir comment est étudiée l’hypothèse de plusieurs individus enfermés dans une pièce d’habitation et concourant à l’élévation de la température de la pièce.

Prédire les marées

samedi, janvier 9th, 2016

La prédiction des marées

Kelvin et Fourier / Fourier et Kelvin … et M. Légé

       Nous avons déjà, sur ce site, dans un article concernant l’âge de la Terre, évoqué William Thomson, alias Lord Kelvin (1824-1907). Le Mathouriste nous donne l’occasion de découvrir une autre facette du travail de ce grand physicien, elle aussi liée aux études de Fourier, comme cela se révèle progressivement au fil de la lecture. Il s’agit de la prédiction des marées. Le sujet est ardu, mais très important pour tout marin qui s’approche d’un port.

       Lord Kelvin était, dès sa jeunesse, un grand admirateur de Fourier; il avait eu comme un coup de foudre pour son traité, qu’il avait découvert en 1839, à l’âge de 15 ans : « J’étais rempli de la plus profonde admiration pour la splendeur et la poésie qui émanaient du livre de Fourier. […] Aussi, le 1er Mai, le jour même où les prix furent remis, j’empruntais son ouvrage à la bibliothèque de l’Université et je le dévorais sans relâche ; en une quinzaine, j’en maîtrisais la matière. » [Lord Kelvin]

       Les lecteurs qui, enfant, ont démonté des horloges pour en comprendre le mécanisme vont retrouver des plaisirs oubliés. Dans cet article, ils découvriront comment le mathématicien se tourne vers la mécanique de l’horloger pour résoudre ses équations. Comment les machines ainsi fabriquées sont utilisées pour remplir les éphémérides de marées disponibles auprès des Offices de tourisme des stations balnéaires ? (Honte à moi qui en ai consommé un certain nombre sans me soucier de savoir d’où provenaient les données qu’ils contiennent.)

On découvrira un lien entre les machines de Kelvin et le Jour le plus long.

Merci au Mathouriste de nous faire entrer au cœur de l’activité des savants, sans édulcorer leurs propos tout en le conservant accessible.

Une introduction aux travaux de Fourier (2)

mardi, novembre 24th, 2015

Une introduction aux travaux de Fourier (2)

     Le Mathouriste fidèle aux engagements qu’il a pris, et que nous avions annoncés ici, sur ce même site, après « Harmonique, vous avez dit: Analyse Harmonique? … Une Promenade Fouriériste! (Partie 0.1) ». nous livre aujourd’hui la suite : Harmonique, vous avez dit: Analyse Harmonique?… Une Promenade Fouriériste! (Partie 0.2) 

     Le propos mathématique y est plus dense que dans les précédente publications, mais ceux qui se sentiront débordés par les mathématiques, incapables de suivre les calculs issus de la pensée des mathématiciens Fourier, Bessel et consorts [1]… auront la possibilité de se raccrocher aux illustrations sonores et visuelles : on peut très bien apprécier un concert sans savoir lire la partition d’orchestre.

[1] Au terme de l’étude, le lecteur découvrira la nouveauté, l’envergure et la profondeur de la synthèse que Fourier propose mais il n’en reste pas moins qu’à son époque même plusieurs mathématiciens étaient tout a fait capables de l’entendre, mais aucun n’eut la fraîcheur d’esprit de Fourier. Ainsi, Laplace, que Fourier rencontra en tête à tête pour le convaincre du bien-fondé des méthodes qu’il utilisait : Laplace, obnubilé par les conditions de stabilité du mouvement des planètes qui les posaient des problèmes ardus, ne put se résoudre à valider les travaux de son jeune et bouillant confrère.

Lionel Hampton, dans son costume spécialement réalisé pour célébrer le bicentenaire de la Révolution Française... un an après! Nice, jardins de Cimiez, 12 Juillet 1990, 22h

Lionel Hampton, dans son costume spécialement réalisé pour célébrer le bicentenaire de la Révolution Française… un an après!
Nice, jardins de Cimiez, 12 Juillet 1990, 22h

Pour mémoire, rappelons le plan d’étude que nous propose le Matouriste pour découvrir les travaux de Fourier :

Introduction :

  1. a) « Harmonique, vous avez dit: Analyse Harmonique?… Une Promenade Fouriériste! (Partie 0.1) ».
  2. b) « Harmonique, vous avez dit: Analyse Harmonique?… Une Promenade Fouriériste! (Partie 0.2) »

Travaux de Fourier :

  1. a) Naissance des Séries de Fourier (Promenade dans la Théorie Analytique, #1)
  2. b) l’Armille, la Sphère, le Cylindre et les Autres…(Promenade dans la Théorie Analytique, #2)
  3. c) Naissance de la Transformée de Fourier (Promenade dans la Théorie Analytique, #3) [23/11/2015] : publication à venir

Au détour de ces pages, le lecteur découvrira, un parallèle entre l’écriture de formules par Fourier et les même formules écrites avec la symbolique d’aujourd’hui. Lorsque Fourier ouvre la voie, il doit expliciter beaucoup ; ses successeurs, empruntent des voies balisées, la formule semble plus claire, malheureusement, le concept sous-jacent reste le même. Ceci explique une partie des aversions aux mathématiques que l’on rencontre : une écriture simplifiée masque parfois un long chemin d’appropriation des concepts.

écriture Fourier

 

 

l’Armille de Fourier

mercredi, octobre 14th, 2015

l’Armille de Fourier,

annonce de la 2e partie offerte par le Mathouriste

         Dans un précédent billet, nous nous sommes  fait écho de l’effort pédagogique du Mathouriste. Les lecteurs qui ont apprécié la première partie de la promenade Fouriériste que nous offre le Mathouriste vont être satisfaits et pouvoir continuer leurs pérégrinations en prenant connaissance de la deuxième partie de la promenade qui est maintenant disponible en ligne. Ils observeront comment la pensée de Joseph Fourier chemine et décrit la propagation de la chaleur dans des corps de formes diverses. Le lecteur qui n’a pas la formation mathématiques suffisante pour comprendre intimement les formules qui sont exposées pourra, grâce à l’éclairage de commentaires bienvenus, comprendre le travail nécessaire pour mettre en forme les calculs après l’intuition de départ.

Deux autres promenades sont annoncées :

un prologue (ondes et harmonie),

suivi ultérieurement de la présentation de la transformée de Fourier.

Nous les attendons en nous réjouissant par avance.