La Révolution et les Arts

La Révolution et les Arts

1. De nouvelles conceptions de l’art…

La Révolution bouleverse la donne culturelle en supprimant toutes les institutions de l’administration royale des arts, mais elle ne vise pas à créer une nouvelle culture. Elle affirme en revanche le rôle éducatif de l’art et crée ses institutions culturelles les plus durables :  le Muséum (Louvre) et  l’Institut (il remplace l’Académie royale fermée en 1792) mais dont les membres sont cooptés par vote des membres. Les académies sont supprimées, l’âge des membres tend d’ailleurs à s’élever. Face à l’iconoclasme révolutionnaire, déchaîné contre tout ce qui pouvait symboliser l’Ancien Régime « féodal » des voix s’élèvent pour limiter les destructions : en 1794 Boissy d’Anglas (un des cinq directeurs du Directoire dans « Quelques idées sur l’art » affirme : « Ce n’est pas en brûlant les livres que vous leur en substituerez de meilleurs ». Et il ajoute plus loin « Conservez les monuments des arts, des sciences et de la raison (…) ils sont l’apanage des siècles et non notre propriété particulière : vous n’en pouvez disposer que pour en assurer la conservation… ». L’État doit donc assumer la responsabilité du développement des arts et de la protection du patrimoine.

Le peintre Alexandre Lenoir (1761-1839) sauve de la destruction les tombeaux des rois de France à l’abbatiale Saint-Denis. Les statues démontées eles sont remontées dans L’Élysée d’Alexandre Lenoir à l’ancien couvent des Petits Augustins. Dès 1794 il est appelé Le musée des monuments français.

Dans cette « mise en scène » des oeuvres, la végétation permet le mélange des styles les plus divers. L’Élysée est à la fois un jardin, un cimetière (effigies d’hommes illustres) et un musée. La scénographie est proche des Vies de Plutarque. Michelet a été très influencé par les Petits Augustins. L’usage du musée suit trois axes : collection, conservation, exposition. A ces fonctions essentielles il faut ajouter une quatrième, symbolique. Il s’agit d’un mariage entre la nature, l’art et l’histoire à travers la mise en scène des hommes illustres dans un « espace naturel » (saules pleureurs, peupliers, fleurs…) Le choix des plantes est réfléchi pour mettre en valeur le personnage (Molière entouré de myrtes, de roses et de cyprès). Série de grands hommes dont les vertus servent aux petites gens. L’éloge du grand homme est un héritage des Lumières, voire du XVe siècle italien (galerie du studiolo de Federico da Montefletro à Urbino) .

Le Salon, qui continue à fonctionner, sert de son côté à faire connaître les « images de Français célèbres », il y a un véritable commerce de reliques de La Fontaine, de Molière (bagues à partir de ses os…), de Voltaire. Bien sûr d’énormes erreurs de chronologie sont faites au Musée des Petits Augustins car l’Histoire de l’Art n’est encore qu’à ses balbutiements. (Référence : Winkelmann, premier à établir une chronologie « scientifique » de l’art). En 1819, le Musée des Monuments français devient l’Académie des Beaux Arts où siègent des artistes « gardiens » de la tradition académique. La Révolution politique et sociale ne débouche donc pas sur une « révolution artistique ». Des peintres pré-romantiques comme Gros, romantiques comme Delacroix (mais avec grande difficulté), mais aussi académiques comme Ingres ont été membres de l’Académie des Arts.

Plus encore que le Musée des monuments français, la création du « Grand Louvre » (1792 – 1793) incarne cette volonté de « patrimonialisation » de l’art. Le peintre Hubert Robert est chargé du choix et de la mise en valeur des oeuvres. Sa fonction n’est pas seulement de conserver et d’exposer les oeuvres mais aussi de former les artistes. C’est le rôle aussi des Beaux Arts, où les artistes de l’Académie forment les élèves. Cet enseignement pratique manque à l’Institut. Sur le plan de l’organisation des artistes, aussitôt les académies royales supprimées, la Commune des arts qui ont le dessin comme base » constituée en 1789 se transforme en « Société républicaine des arts » en 1793. Cette institution démocratique laisse la place à l’Institut (1795) et à l’Académie des Beaux Arts, lieu de formation des artistes.

On voit donc que la Révolution n’a pas réussi à « démocratiser » les arts et qu’elle perpétue l’encadrement  des Arts en substituant au centralisme politique une sorte de « centralisme artistique ». La Révolution prétend réunir en France les oeuvres « rapatriées » dans un musée « universel ». Selon l’abbé Grégoire « Les chefs d’oeuvre des républiques grecques doivent-ils décorer les pays des esclaves ? La République française devrait être leur dernier domicile ».


2. …mais toujours une instrumentalisation de la création à des fins politiques.

Chez les républicains, l’idée que les richesses qu’on « tenait loin du peuple » lui appartiennent s’affirme. L’État doit surveiller et protéger ce « patrimoine ».  Le 10 Août 1793 c’est la naissance du « Muséum » du Louvre, un monde nouveau est en train de naître au même moment où on détruit les tombeaux des rois de France dans l’abbatiale de Saint-Denis. L’Antiquité est idéalisée, sacralisée en référence au culte de la Nature et de la Raison comme dans les monuments érigés à l’occasion des fêtes révolutionnaires   : la statue d’Isis en plâtre bronzé, sorte de fontaine de vie érigée pour la fête du 10 août 1793 de l’Unité de la République (les Conventionnels défilent sous la statue et s’abreuvent de l’eau qui coule des seins de la déesse, elle sera remplacée par l’éléphant sous Napoléon, la statue d’Hercule terrassant l’Hydre du « fédéralisme », nouvel ennemi de la Révolution, symbolisait la force du pouvoir etc. La révolution cherche donc à créer ses propres symboles.

Une nouvelle sacralisation est donc opérée après celle du pouvoir royal. David était chargé de la mise en scène de ces fêtes. Après la chute de Robespierre, et sous le Directoire en 1788, on organise l’entrée des « trophées » artistiques de Bonaparte sous le titre « Entrée triomphale des objets des Sciences et des Arts recueillis en Italie ». Les oeuvres d’art étaient justement destinés au « Muséum » du Louvre.
Les fondements d’une politique « culturelle » nationale datent également de la période révolutionnaire et se prolongent jusqu’à nos jours. Sous l’influence des Lumières, le pouvoir politique français considère désormais les arts comme un domaine « patrimonial » et soutient les artistes même si les commandes diminuent fortement à cause du départ de la clientèle noble partie émigrer en Europe.

Par la suppression des académies en 1793, la Révolution tente de favoriser l’éclosion de nouveaux « talents » chez les artistes (pour le meilleur et pour le pire). La mobilisation de tous les genres en particulier la peinture « reportage » comme dans le Marat assassiné de David, le Triomphe de Marat de Louis-Léopold Boilly, les allégories au service des nouvelles idées politiques comme La Liberté ou la mort (1795) de Jean-Baptiste Regnault, la mise en scène des grandes fêtes qui relayent les « réjouissances publiques » d’Ancien Régime comme la Fête de la fédération de 1790 par Hubert Robert ou la Fête de l’Être suprême de Pierre Antoine Demachy.

Mais très vite, face à l’afflux d’artistes la nécessite de sélectionner fait qu’on décide de créer l’Institut National de France (1793) qui voit revenir les académies reviennent  à partit de 1795, et parmi elles celle des « Beaux Arts ». David appelle Fragonard à la direction du Muséum du Louvre, le jury se reconstitue et le rêve d’une « République » des artistes s’éloigne au nom de la qualité. Dans l’architecture, le goût « à la grecque » se perpétue de plus en plus épuré et dans une perspective moralisatrice de Ledoux (ce dernier rêvait de régénérer la société grâce à un urbanisme « démocratique » au service de la population.

Voir aussi les articles sur le XVIIIe siècle :

La démocratisation des arts.

Jacques Louis David et la peinture d’Histoire.

Le néo-classicisme et le goût à la grecque.

Malgré cette influence du pouvoir sur les arts, Jacques Louis David provoque un véritable scandale en organisant lui même la présentation de l’Enlèvement des Sabines aun Louvre avec une entrée payante de 1,80 F. Dans le livret il précise sa position « L’art doit se soutenir par ses seules ressources ».

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