Les débuts de la sculpture néo-classique

Les débuts de la sculpture néo-classique

Deux exposés concernent la sculpture néo-classique :

Vicky Buring, Canova : http://lewebpedagogique.com/khagnehida2/archives/10073

Manon Ajas, John Flaxman.http://lewebpedagogique.com/khagnehida2/archives/10075

Voir aussi page sur Edme Bouchardon dont nous avons visité l’exposition.

Exposition Edme Bouchardon au Louvre

Introduction

Nicolas Coustou (Lyon 1658- Paris 1733) Jules César, 1696, esquisse en terre cuite pour la statue destinée à Versailles :

http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=766

Le général romain tête couronnée de lauriers, vêtu d’une cuirasse à demi couverte par un ample manteau aux plis majestueux. D’un air martial, il tient le bâton de commandement et s’avance la main gauche posée sur son bouclier.

Coustou, pensionnaire du rois en Italie s’était nourri des chefs d’œuvre de l’antiquité, dont la statue monumentale de César à Rome.

« Il y a des choses dans les arts dont la perfection est tellement établie par un sérieux examen des personnes établies et par une expérience de plusieurs siècles qu’on ne saurait mieux faire que de s’en remplir l’idée et de se les proposer pour modèles : tels sont les ouvrages de sculpture qui sont assez connus sous le nom d’antiques. » écrit Laffont de Saint-Yenne.

C’est vers ce grand art classique élaboré sous le règne de Louis XIV; « Siècle heureux où « la France était rivale de l’Italie » (Laffont…)
Ce « grand goût » élaboré en France sous Louis XIV, qui avait pour objectif de célébrer le pouvoir monarchique, trouve dans l’Angleterre du XVIIIe un terrain fertile, mais dans un contexte diamétralement opposé puisque depuis la « »Glorieuse révolution » de 1688, l’Angleterre était une monarchie parlementaire.

L’antique britannique du XVIIIe, que résumait l’expression à la mode « A New Rome is in the West », le mythe de l’Angleterre nouvelle Rome, doit beaucoup au classicisme français sous Louis XIV mais il sera récupéré pour la glorification d’une classe sociale : l’aristocratie qui détient le pouvoir parlementaire.

Ainsi Thomas Wenwtorth, troisième comte de Straford se présente en Jules César dans une statue destinée à sa glorification, chose impensable en France.

Michael Rysbrack, Thomas Wentworth, vers 1740, terre cuite, Londres, V&A Museum.

Rome ou la Grèce ? La Querelle des Anciens et des Modernes avait établi une hiérarchie : dans les polémiques, les Romains étaient considérés comme « modernes » et les Grecs comme « anciens ».

Une nouvelle visionde la sculpture et de l’art vers 1760.

Mais au milieu du XVIIIe, une nouvelles vision s’impose avec la spécificité d’un art grec éloigné de l’imagerie martiale de l’art romain. L’apparition en France dès 1756 d’un long compte rendu des Réflexions sur l’imitation des ouvrages des Grecs (peinture et sculpture) de Winckelmann, publié à Dresde en 1755, révèle une nouvelle façon de voir l’antique. Elle aura un

« C’est sous le beau ciel de la Grèce que le bon goût, le vrai goût, le seul goût digne de nos hommages et de nos études, se plut à répandre sa lumière douce et pure » écrit Winckelmann.

C’est dans ce contexte intellectuel et esthétique et que le « goût grec » est arrivé au milieu du siècle pour conquérir l’esprit des « amateurs », antiquaires, critiques et artistes, contre les « bizarreries » du style rocaille. Le beau et le sensible trouvent leur plus haute expression dans cette sculpture exposée au Salon (créé en 1737 au Louvre même siège de l’Académie) et destinée à une poignée d’amateurs, notamment de sculptures, parmi lesquels Pierre-Jean Mariette, imprimeur et collectionneur (1694-1774) enseignant invité à l’Académie, Ange-Laurent La Live de Jully, ainsi que des membres de la Cour comme la Pompadour et le duc de Choiseul.
La Live de Saint-July est le type même de ces amateurs.

Ange-Laurent de La Live de Jully.png

La préface de son catalogue est célèbre :

« Voulant réaliser une collection d’artistes français » il mit en ouvre son projet « sous les yeux et avec les lumières des amateurs et des artistes les plus éclairés, n’ayant rien voulu admettre dans mon cabinet qui ne fût du meilleurs temps de chaque auteur ».

IL voulait en effet constituer une collection de sculptures de sa « patrie » pour montrer que l’école française n’avait rien à envier à celle des Flamands et des Italiens.

Après avoir vu au Salon l’esquisse en plâtre de Louis Claude Vassé, La Live de Jully commande le marbre.

Louis Claude Vassé, L’amour rassemblant les colombes du char de Vénus (1757), marbre, H:61 cm, lageur 38 cm. profondeur 42 cm. Louvre, département des sculptures.

Vassé était élève d’Edme Bouchardon qui avait sculpté un sujet similaire en 1750, L’Amour taillant son arc dans la massue d’Hercule.
Sur Bouchardon,
avec une figure de l’Amour plus espiegle.

Voir article ici :

Exposition Edme Bouchardon au Louvre

Un des chefs d’ouvre du « goût grec ».

Par le nu masculin considéré par Winckelmann comme la condition même dela perfection car présent selon lui dans la vie des Grecs. La sculpture de Vassé déploie une figure de jeune éphèbe nu à la manière de Bouchardon dans un esprit anacréontique. Cupidon prend soin des deux colombes qui vont tirer le char de Vénus, un sujet rare peut-être inspiré par Caylus et La Live. Une position instable qui annonce Amour et Psyché de Canova, d’où l’impresion d’un enchevêtrement de lignes : le jeune adolescent se penche en avant, les jambes écartées et correspond au style graphique du sculpteur comme l’indiquent les cheveux, les délicates plumes des ailes suivant les préceptes de Winckelmann pour qui « c’est dans le contour que les grecs sont nos seuls maîtres » : ainsi pour les sandales, le fin carquois, le bandeau qui donnent une touche archéologique à l’ensemble.

Ajoutons la sensibillité et l’émotion qu’expriment les figures d’enfants et d’animaux et l’exécution parfaite sur le plan technique notamment dans le rendu des textures pour comprendre l’aura de cette ouvre de collection d’esprit élégiaque.

Visage idéalisé, Cupidon concentré, esquisse néanmoins un sourire amusé et invite le spectateur à faire de même.

http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/l-amour-assis-sur-le-bord-de-la-mer-rassemblant-les-colombes-du-char-de-venus

Par la suite l’œuvre passera de la collection de la comtesse du Bary à celle de l’impératrice Joséphine de Beauharnais à Malmaison.

L’aristocratie féminine et certains modernistes des cercles du pouvoir appréciaient particulièrement cette nouvelle sculpture à la ligne épurée, à la souplesse dans le traitement du marbre dans un mélange d’idéalisation, de séduction et de naturalisme.

L’intérêt de la Pompadour pour la sculpture était réel. Elle apprécient particulièrement deux œuvres qui appartiennent pleinement au goût grec, Hébé de Saly dont selon l’artiste elle était « folle, il ne s’est presque pas passé d’heures sans qu’elle ne l’ai été voir et toujours avec transport ».

Jacques-François Saly, Hébé, vers 1752, plâtre, Ermitage, Saint-Pétersbourg

La coupe et l’aiguière que tient Hébé pourraient être inspirées de la collection de Caylus. L’aiguière rappelle le recueil de gravures de vases de l’artiste en 1746. Saly dénude largement la figure mais suggère aussi fortement le corps par l’emploi de draperies très légères de fines étoffes qui adore à la peau laissant deviner le nu conformémement aux effets recherchés dans la sculpture classique.

L’autre œuvre que la Pompadour adorait était l’Hiver de Falconet.

Etienne-Maurice Falconet, L’Hiver- 1771, marbre, Palais de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.

Commandée par la marquise de Pompadour, la sculpture en marbre est une superbe adaptation moderne d’une figure antique comme l’indique le coude gauche pris dans la draperie à la manière d’une Muse, le  jeu subtil des plis, serrés proches de la peau en haut du bras droit et une ampleur majestueuse pour l’étoffe se déployant sur la jambe. La fine coiffure sépare le haut du front en deux parties égales.
Si la tête reste fidèle aux modèles de l’artiste : visage ovale, petit menton, lèvres minces, yeux éfilés – la longue et pure ligne du nez perpendiculaire au front sent l’influence grecque dans ce « profil doux ét élégant des Grecs (…) le front et le nez formaient à peu de choses près une ligne perpendiculaire » selon Horace Whalpole.

Assurément c’est une œuvre de « grand style ».

Même l’art de la Renaissance était revisité à la lumière « du goût grec « .

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Jean Goujon, Naïade, Fontaine des Innocents. Paris.
On louait sa sculpture qui tout en étant moderne au XVIe siècle elle imitait les anciens notamment au niveau des draperies légères qui laissent entrevoir le nu mais avec discrétion.
Sa naïade inspire une statue particulièrement admirée de Pajou
Augustin Pajou, Allégorie de l’Eau, esquisse en terre cuite, sculptée pour l’hôtel particulier du marquis d’Argenson entre 1762 et 1770. Propriété de la Banque de France.

Dans sa figure, Pajou réinterprète la sinuosité de la posture de la Naïade de Goujon et reproduit la légerté et la transparence de la tunique ainsi que la multiplication des plis « mouillés » adhérant à la chair. La reprise du mouvement trahit la recherche du movement par le dessin et l’esquisse sont inspirés des estampes d’après Giulio Romano, Rosso et le Primatice. Les mêmes artistes italiens du XVIe ont profondéement inspiré aussi Thomas Banks dans son Alcyone découvrant le corps de Ceyx

Grâce à la sensibilité nouvelle et au raffinement du « goût grec », la sculpture française vit en effet un véritable moment de grâce dans ce dernier tiers du XVIIIe siècle grâce aux marbres et aux terres cuites dont l’écho arrive jusqu’en Angleterre et en Italie.
Tout en restant attachée à l’Antiquité,  la sculpture des jeunes artistes évolue cependant sous le contrôle appuyé de l’Académie et de la direction des Bâtiments du roi (notamment le comte d’Angiviller sous Louis XVI, voir ici) , dans un sens héroïque, exemplaire autour de l’idée de vertu et à propos des grands hommes. Les collectionneurs continuent cependant à apprécier les sujets tirés de la Fable et trait l’antique avec raffinement;
Les représentations de personnages à l’antique se multiplient et parmi eux, une statue a été très largement copiée par les artistes : celle du poète grec Ménandre, appelée à devenir le modèle du « philosophe assis ».

Statue de figure assise, dite de Ménandre,marbre du Ier siècle av. JC.Rome, Musée Pio Clementino.

Copie romaine d’un original grec elle représenterai plutôt un patricien romain qui aurait pris les traits de Ménandre. L’œuvre fascine les artistes : Hubert Robert, Pajou, Cavaceppi (1716-1799), connu à Rome comme auteur de copies et de restaurations de sculptures antiques), ou même David.

Mélange de nonchalance – le bras gauche appuyé sur le dossier du fauteuil – et d’autorité – la main posée salement sur les cuisses, la noblesse des plis du manteau. Ce type de composition d’une grande « dignitas » a inspiré nombre de statues dont voici deux exemples.

Luc Breton, Prétendu Ménandre assis, 1766, marbre, Compiègne, château.

Anonyme, Homère, seconde moitié du XVIIIe siècle, terre cuite modelée et moulée, H:31cm, L:15cm, P:20 cm, Besançon, Musée des Beaux Arts.

Un artiste anonyme crée un portrait d’Homère en suivant le modèle et celui d’un buste du poète aveugle connu à partir de textes de l’antiquité et reproduit depuis la Renaissance ou utilisée comme modèle par des peintres. Mais aucune statue en ronde bosse n’a été conservée. Il opère donc une synthèse entre ce buste et la statue d’autres philosophes et écrivains de l’antiquité transcrits par les Romains. Suivant les préceptes de Winckelmann, la statuette exprime « une noble simplicité et un grandeur sereine ».

La tendance au sublime.

Au cours des années 1760-1770 un phénomène esthétique majeur apparaît au nord de l’Europe en réaction contre l’idéalisme esthétique de Winckelmann.
En 1766, Gotthold Ephraim Lessing dans son ouvrage publié à Berlin Laokoon ou Des frontières de la peinture et de la poésie, attaquait le théoricien allemand vivant à Rome en critiquant l’absence d’émotion dans la statuaire antique.
En effet, dans ses Réflexions sur l’imitation des œuvres grecques en peinture et en sculpture en 1755, Wivckelmann avait exalté la maîtrise des affects jusqu’à la plus extrême douleur (dont le parangon est le Laocoon).
« Pareille âme se révèle sur le visage de Laocoon, pourtant dans la vive souffrance (…) Et pourtant c’est sans fureur sur son visage ni dans toute son attitude que s’exprime cette douleur (;..). Laocoon souffre, mais il souffre, comme chez Sophocle, Philoctète : sa détresse pénètre dans notre âme, mais nous voudrions la supporter comme ce grand homme la supporte ».

Bien au contraire, Lessing rappelle les insoutenables cris de douleur de Philoctète chez Sophocle, d’une intensité impossible à rendre par la sculpture contrairement à la poésie.
C’est le peintre danois Nicolai Abraham Abildgaard (1743-1809) qui renvoie dos à dos les deux auteurs allemands dans son tableau comme d’ailleurs James Barry en montrant un héros expressif : le premier le montrant déformé par la douleur unsupportable, le second en le figurant en larmes, la bouche entrouverte (mais sans pousser de cri) tout en gardant comme le Laocoon la dignité et la « grandeur d’âme ».

Philoctète blessé et le fait crier et grimacer à la manière des  visages grotesques de figures mythologiques de suppliciés du XVIIe siècle.

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Nicolai Abraham Abildgaard, Philoctète (1775), huile sur toile, 123 × 175,5 cm, Statens Museum for Kunst, Copenhague.

sujets inhabituels comme le Philoctète (1770, Bologne) de l’irlandais James Barry (1741-1806).

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James Barry (1741–1806)  Philoctète sur l’île de Lemnos, 1770,  228 x  157.5 cm Pinacoteca Nazionale di Bologna.

Le héros ou plutôt l’anti-héros a été abandonné au début de l’expédition grecque vers Troie sur l’île de Lemnos car ayant été mordu par un serpent sacré, sa plaie lancinante lui infligeait d’atroces douleurs et le faisait pousser des cris terrifiants (cf.thème de la douleur, comparaison esthétique arts visuels et poésie sur son expression et comparaison par Lessing du “cri” du Laocoon et des cris de Philoctète).

Tableau dont la figure du héros est probablement inspirée du Laocoon Barry et surtout du torse du Belvèdère : voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Torse_du_Belv%C3%A9d%C3%A8re

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Jean-Germain Drouais, Drouais a sûrement connu le tableau de Barry puisque le sien est un miroir inversé de la composition du peintre anglais. Sujet imposé par l’académie de Rome à envoyer à Paris.

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Jean-Germain Drouais (1763–1788) : Philoctète sur l’île de Lemnos.  1788 ,  huile sur toile , Musée des beaux-arts de Chartres

Ici le visage du héros exprime davantage la lutte intérieure contre la douleur. Les yeux révulsés inspirés d’un buste d’Homère, expriment justement l’instant où la douleur envahit le héros blessé le faisant perdre connaissance.  Il regarde vers  Néoptolème (le spectateur) plein de compassion contrairement à Ulysse pour qui ce qui comptait était de l’évacuer du camp pour mettre fin aux atroces cris de douleur et à la puanteur de sa plaie puis de récupérer l’arc et les flèches d’Héraclès porteurs de victoire.

Abildgaar assume les déformations du corps et du visage du héros contre W. Mais répond également à Lessing en montrant que les arts plastiques ne disposaient pas des outils nécessaires pour exprimer les passions les plus extrêmes. Son œuvre témoigne de l’aspiration à un art nouveau ouvert aux excès et à la déformation.

C’est le philosophe irlandais Edmund Burke qui dès 1757, dans sa Recherche philosophique sur l’origine des idées du sublime et de beau qui remet cette notion ancienne au goût du jour en l’associant aux affects et aux sensations: terreur, vertige et démesure sont les plus recherchés aux antipodes de l’imitation des modèles canoniques figés par les Académies.

C’est auprès de Michel-Ange (terribilità) et des maniéristes que les artistes ont cherché des modèles. Parmi les sculpteurs, le Suédois Johann Tobias Sergel et secondairement Thomas Banks.

C’est Füssli qui poussera le plus loin la critique de l’esthétique antiquisante de Winckelmann et Mengs dans ses conférences à la Royal Academy of art

« Vers le milieu du siècle dernier, les critiques allemands s’installèrent à Rome (…) les verdicts de Menfs et de Winckelmann prirent valeur d’oracles pour les amateurs d’antiquités, les dilettantes et les artistes depuis les Pyrénées jusqu’à l’extrême nord de l’Europe ; (…) ils ne sont pas sans influence ici (…) (Mengs) en tant qu’artiste, il constitue un exemple de ce que la persévérance, l’étude, l’expérience et l’encouragement peuvent accomplir pour suppléer l’absence de génie… »

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Johann Tobias Sergel, Mars et Vénus, groupe, plâtre patiné, H:0,93 cm L,63cm, P 0,57 cm, Stockholm, Nationalmuseum.

Né en 1740, Sergel a appris la sculpture par un élève de Bouchardon à Paris et à Rome où il resta 11 ans.

« A mon arrivée à Rome je vis qu’il n’y avait pas d’autre maître à suivre que l’antique et la Nature. J’étais assez avancé pour vois que je savais rien, et qu’il allait recommencer à étudier ». (Autobiographie, 1785)
Il a fréquenté l’Académie de France à Rome pendant quatre ans et il se lia d’amitié avec Houdon et Clodion mais aussi des personnalités différentes comme Banks, Füssli et Abildgaard. Il fut agréé à l’académie Royale à Paris en 1779 avant de regagner la Suède.

Ici on voit Mars soutenant Vénus blessée par la lance de Diomède : Ve Chant de l’Iliade lorsque Diomède protégé par Athéna sème la terreur chez les Troyens. Il blesse Enée, fils de Vénus qui se précipite pour l’extirper de la bataille. Sur conseil d’Athéna Diomède la blesse à la main. Elle se retire de la bataille auprès de Mars, exténuée, ce dernier lui donnant char et chevaux pour regagner l’Olympe.

Le Comte de Caylus avait commenté cette scène dans ses Tableaux tirés de l’Iliade (1757) qui figurait dans la bibliothèque du sculpteur en 1814, année de sa mort (inventaire). Selon Caylus, Mars la secourt « comme un amant empressé ».
Sergel partageait avec les artistes de sa génération une véritable passion pour les œuvres d’Homère et singulièrement pour l’Iliade qui était remplie de scènes héroïques

L’artiste a pu s’inspirer du groupe Paetus et Arria (voir ici)

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Le Suicide galate, ou Paetus et Arria, marbre polychrome, IIIe siècle ap. JC, coll. Ludovisi, Rome, Musée National.

Mais le modèle antique s’est dissous et l’attention du sculpteur s’est focalisée sur les personnages aux mêmes, l’expression de leurs passions. La tête de Diomède a été récupérée pour Mars :

Johann Tobias Sergel, Tête de Diomède, sanguine, Musée national de Stockholm.

Le marbre fut commandé avant le départ our Stockholm peut)être pour un noble britannique. Il fut achevé en Suède après la mort du commanditaire.

On retrouve dans ce groupe les obsessions de Sergel : la figure de Mars séant la panique dans le camp des Grecs. Sergel utilise le groupe du couple à plusieurs reprises Achille et Thétis, Jupiter et Junon etc. Mais ce qui caractérise Mars et Vénus au-delà de l’étreinte, est la juxtaposition de deux passions extrêmes : l’exacerbation de la colère pour Mars, l’abandon qui suit la blessure et la douleur pour Vénus.
« Tout ce qui est propre à exciter les idées de la douleur et du danger (…) est une source du sublime. » (Burke)

Thomas Banks (1735-1805).

Banks est le pendant de Hamilton dans la sculpture. Son admiration pour l’antique précède son voyage à Rome avec une bourse royale où il se lie avec Füssli.Il y sculpte la Mort de Germanicus :

Thomas Banks, Mort de Germanicus, 1774, marbre, coll particulière, Norfolk.

Il semble connaître à la fois la sculpture romaine et la Mort du Général Wolfe de West (voir ici) et respecter ici les préceptes de Winckelmann pour la noble « simplicité » et la grandeur d’âme.

Banks resta à Rome sept ans avec une bourse d’études et il y sculpta ses célèbres reliefs dont une Mort de Germanicus. Le bas-relief de Thétis et Achille est une des quatre commandes de l’évêque de Derry Hervey, grand amateur d’art et personnage excentrique.

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Thomas Banks, Thétis et les Néréides sortant de la mer pour consoler Achille de la mort de Patrocle,  bas relief en marbre, 94×187 cm, prof: 14 cm. 1775-1777. Londres V&A Museum.

Le relief a été achevé après la mort de l’artiste en 1845 d’après une esquisse ne plâtre.
Chant XVIII de l’Iliade, lorsque Thétis vient consoler son fils pour la mort de Patrocle. Caylus en tira deux « tableaux » mais Banks en prit connaissance à partir de gravures d’après des peintures de Gavin Hamilton inspirées de Caylus dont une Lamentation d’Achille (qu’il utilise pour la Mort de Germanicus) .
Banks comme d’autres jeunes artistes à Rome : Sergel, Füssli, Abildgaard avait la passion du monde d’Homère et notamment de la figure d’Achille dont la figure mythique invitait à célébrer le génie individuel de l’artiste féru d’innovation dans l’art. Les influences réciproques entre jeunes artistes à Rome sont visibles p. ex. dans l’esquisse en terre cuite de Sergel montrant le Désespoir d’Achille (Musée de Stockholm)

Ici Banks allie esprit néo-classique et le souffle épique et terrible qui est à l’origine du sentiment du sublime.

Johann Tobias Sergel, le désespoir d’Achille. 1775-1777,  terre cuite, Musée national de Stockholm.

Ces influences réciproques  montrent qu’il existe une communauté d’artistes à Rome dans les années 1770-1780, qui travaillent et réfléchissent ensemble.

Et pour pousser encore plus loin cette originalité qui associe étude de la nature, idéal antique et sublime voici son morceau de réception :

La Chute d’un Titan :

Thomas Banks, Chute d’un Titan, 1786 (morceau de réception) marbre 84 x 58 cm. Londres Royal Academy of Arts.

Fragment d’une histoire (Théogonie) des Titans défaits par les Olympiens et foudroyés par Jupiter. Mais d’autres y ont vu un géant écrasé par un rocher lancé depuis l’Olympe pour empêcher ses enfants de la Terre de venir venger les Titans. D’où vient l’idée d’une telle oeuvre aussi virtuose que spectaculaire ?

Détail :

Œuvre impressionnante toujours admirée en particulier par Flaxmann.
La contorsion de la figure était un exercice auquel les artistes s’adonnaient, ils jetaient cinq points au hasard sur la feuille de papier censées être le point de départ pour la tête, les pieds les mais d’un personnage ; le dessinateur devait utiliser obligatoirement ces marques pour créer une figure d’invention.

Iconographie : la bataille primordiale qui accorda la victoire et la primauté des Olympiens selon Hésiode. Si le titre soumis était The fallen Titan, le héros étant écrasé par le lourd rocher, Flaxmann a cependant utilisé l’expression The falling Giant.

Le personnage serait donc un Géant, un des fils de la Terre envoyés pour venger les Titans vaincus et défaits par les dieux avec l’aide d’Hercule écrasés lorsqu’ils escaladaient le mont Olympe.
Sujet abondamment traité dès l’Antiquité dans les Gigantomachies (Frise extérieure du Parthénon), puis à la Renaissance avec la célèbre salle des Géants de Giulio Romano au Palazzo du Té à Mantoue.

[youtube]https://youtu.be/a6b-OXzhfyk[/youtube]

L’Académie de France avait déjà proposé ce sujet à des sculpteurs comme en témoigne le Titan foudroyé de Dumont (1712) (voir ici),. Il semble impossible que Banks l’ai vu, mais iles plus probable qu’il s’agisse d’une application des théories de Burke sur le sublime.

François Dumont, Paris, 1688 – Lille, 1726. Agréé à l’Académie royale en 1711, reçu en 1712, Chute d’un Titan foudroyé, Marbre H0,65 m. ; L. : 0,70 m. ; Pr. : 0,58 m.

L’impact des théories de Winckelmann sur l’archaisme.

Un des sculpteurs les plus winckelmanniens des années 1760 – 1770 était Houdon.

Son très dépouillé Saint Bruno (Sainte-Marie-des-Anges à Rome, 1766-1767) rappelle fortement la Vestale Giustiniani (« étrusque et admirable » selon le théoricien) notamment pour sa verticalité.

Même verticalité de Saint Bruno , soulignée par le pli central de forme tubulaire de la robe de bure et par le mouvement de la tête baissée vers la droite, sa taille est imposante comme celle de la Vestale Giustiniani (Ve siècle av. JC).

Sa tête chauve rappelle des sculptures égyptiennes en grauwacke :

Art romain, Prêtre d’Isis, 1er – 2e siècle ap. JC, Rome. Palais Rospigliosi.

Le Saint Jean Baptiste modelé en plâtre du même Houdon (dans la même position que son Écorché de la la même année) doit beaucoup certes à l’écorché de  à l’Apollon de l’Omphalos du Capitole que W. Qualifiait d’admirable statue « étrusque » aujourd’hui connue comme copie d’un original grec.

Antoine Houdon, Saint Jean Baptiste, 1766-1767, plâtre peint en blanc, Rome Galerie Borghèse.

Le Saint Jean Baptiste modelé en plâtre du même Houdon doit beaucoup à l’Apollon de l’Omphalos du Capitole que W. Qualifiait d’admirable statue « étrusque » aujourd’hui connue comme copie d’un original grec.

Dans les deux sculptures l’articulation des muscles sur la poitrine et sur les épaules ainsi que le dessin de la cage thoracique sont semblables.
Le corps carré du saint est rigoureusement inscrit dans. le cadre du bloc. Une telle sévérité était nouvelle dans la sculpture française de ces années.
W. A consacré des pages importantes sur l’art égyptien et étrusque c’est à dire archaïque.
Les jeunes artistes pouvaient être sensibles à cet archaïsme. Houdon laisse le dos de Bruno dans une forme inachevée, non dégagée.

Luc-Grançois Breton sculpte un portrait à l’égyptienne du peintre suisse Jean-Melchior Wyrsch conservé au Musée de Besançon.

Luc-François Breton, Portrait de Jean-Melchior Wyrsch, 1771, plâtre coloré, Besançon, MBA et d’archéologie.

Plâtre coloré, ce buste à la tête chauve, coupé aux épaules, à la poitrine arrondie excepté les deux clavicules. Sa géométrie est précise : trapèze pour la poitrine, petit cylindre pour le cou et ovale pour la tête chauve, cette œuvre si dépouillée n’était possible que pour un confrère.

Ce type de portrait était rare et réservé à quelques amateurs d’art archaique, loin de la vulgate néo-classique. Mais Houdon lui même était à Rome pour réaliser des copies d’antiques.

Seul précédent, le médecin florentin Antonio Cocchi qui avait été portraituré ainsi en 1755 par Wilton en 1755 : voir V&A : http://collections.vam.ac.uk/item/O77816/dr-antonio-cocchi-bust-wilton-joseph-ra/

D’autres artistes comme Sergel et Flaxman ont été sensibles à d’autres sources citées par Winckelmann comme les pierres gravées.

C’est le cas du Spartiate Othryades mourant par Sergel.

http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-spartiate-othryades-expirant

Johann Tobias Sergel, Othryades mourant, Vers 1779, Terre cuite. 20cm x 36cm. Louvre.

L’hoplite écrit sur son bouclier « J’ai vaincu ». C’est l’esquisse du morceau d’agrément à l’Académie en France en 1779 avant de rentrer en Suède.  Il rappelle le sacrifice de Léonidas et de ses 300 compagnons aux Thermopyles.

Dramatisation au niveau du visage musculature impressionnate au niveau du corps, énergie farouche grâce au modelé dynamique de la figure. Inspiration : Héliodore chassé du Temple par Raphaël (Vatican) :

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c0/Raphael_Heliodorus.jpg

(Séleucos IV charge Héliodore de s’emparer du trésor du Temple de Jérusalem. En réponse aux prières des fidèles et du grand prêtre Onias, Dieu envoie un cavalier et deux jeunes hommes chasser le ministre hors du sanctuaire.)

Voir aussi tête d’Alexandre mourant : https://www.akg-images.fr/archive/Alexandre-mourant-2UMDHUKKT5SD.html

Oeuvre d’une grande force expressive, comportant des disproportions anatomiques qui accentuent la sensation de force et d’énergie.

Les développements de W. sur l’archaïsme eurent une résonance particulière auprès d’artistes d’Europe du nord audacieux. Ce sont eux les premiers qui ont saisi l’expressivité et le dépouillement, la sévérité vire la raideur des formes les plus anciennes de l’art antique.

Cette gemme p. ex. était considérée par W. comme une des plus belles de toute l’antiquité.

La figure de Phaea est reprise par Füssli dans le dessin ci-dessous mais aussi par Thomas Banks dans son relief Thétis et ses nymphes sortant de l’eau pour consoler Achille après la mort de Patrocle. (voir plus haut)

J. Füssli, Saül évanoui à l’apparition du spectre de Samuel devant la sorcière d’Endor, 1777, mine de plomb et lavis, Zurich Kunsthaus.

Quant à John Flaxman, il fut attiré par le drapé flottant de Thésée et le tertre sur lequel il était agenouillé :

John Flaxman, Apollon et Malpessa vers 1790-94, marbre, Londres Royal Academy.

Seul artiste à avoir ignoré l’archaisme : Canova.  Quelques stèles funéraires et certains reliefs en plâtre de ce dernier témoignent d’un intérêt pour l’archaïsme de W.

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Dans le narthex de l’église des Saints Apôtres à Rome, une stèle funéraire de Giovanni Volpato, graveur et céramiste, fut sculptée par Antonio Canova en 1804.

Les sculpteurs néo-classiques et le beau idéal de W.

Dans ses ouvrages W. exalte une beauté généralement gracieuse et douce pour le figures féminines aux bras plutôt proches du corps (sur le modèle de la Vénus Médicis : (voir ici), juvénile et peu athlétique pour ce qui est des figures masculines.

Deux ouvres de Pierre Julien en témoignent

Pierre Julien (1731 – 1804) L’Amour adolescent soulevant son bandeau pour bien viser celui contre qui il décoche ses traits, Bayonne, musée Bonnat-Helleu.

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Piere Julien, Amalthée et la chèvre de Jupiter, 1787 , Marbre, H. : 1,73 m. ; L. : 1,05 m. ; Pr. : 0,80 m. Louvre.

Pendant une quarantaine d’années bien d’autres sculpteurs européens s’inspirent du modèle winckelmien mais c’est bien sûr dans les figures juvéniles, sensuelles et un peu androgynes aux contours nets de Canova que le beau idéal de Winvckelma trouve sa réalisation la plus aboutie. Voir ici http://lewebpedagogique.com/khagnehida2/archives/10073

Le grand sculpteur néo-classique allemand Johann Heinrich Dannecker a été formé à Paris auprès d’Augustin Pajou avant de rejoindre Rome où il est marqué par les œuvres de Canova et les théories de Winckelmann.

Amour et Psyché, 1787, Stuttgart, Staatsgalerie.

Son Ariane chevauchant une panthère comme le buste de Schiller  sont deux parmi ses plus importants chefs d’œuvre du Klassizismus allemand.

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Johann Heinrich Dannecker, Ariane chevauchant une panthère 1803-1814, Liebieghaus, Francfort/Main.

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Johann Heinrich Dannecker, Buste de Schiller, 1794, plâtre, Marbach, Schiller Nationalmuseum.

Cependant, c’est dans la figure d’Apollon, et en particulier celui du Belvédère, « le plus beau parmi les dieux », que W. avait identifié « la plus haute idée de l’idéal de la jeunesse virile.» dans de telles figures étaient réunies selon lui « la force des années de maturité accomplie et les formes douces du plus beau printemps de la jeunesse. ».

Or l’approcche de cette statue et l’adoption du beau idéal diverge entre deux parmi les plus grands sculpteurs néo-classiques européens, le danois  Thorvaldsen et l’italien Canova. Au début du XIXe siècle ils livrent deux statues de conception totalement opposée alors qu’elles traitent toutes les deux du même type de sujet : le jeune héros antique.

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Antonio Canova, Persée tenant la tête de la Méduse, 1800-1801, Musée Pio Clementino, Rome.

Par le mouvement des bras bien dégagés du corps, le Persée de Canova semble en mouvement, avance dans l’espace et déborde ainsi de sa base alors que le Jason de Thorvaldsen, au regard vide, se tient grave et noble sur son socle presque sans dépasser les limites du bloc.

Bertel Thorvaldsen (1770-1844) était sans doute le sculpteur du Nord le plus apprécié, le pendant nordique de Canova. A la demande du collectionneur anglais Thomas Hope, il commence sa première grande ouvre vers 1802-1803 son Jason et la Toison d’or en marbre, plus grand que nature et qui ne sera achevé qu’en 1828 et vendu par les héritiers de Hope à l’Académie de Copenhague;

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Bertal Thorvaldsen, Jason, 1802-1803 puis 1828, marbre, Hauteur : 242 cm. Musée de Copenhague.

Entre Apollon du Belvédère et Doryphore de Polyclète, la sculpture de l’artiste danois est caractérisée par plus rigueur et de simplicité que celle de Canova.

Son classicisme ne suit pas le style hellénistique mouvementé du Laocoon mais l’harmonie et l’équilibre des gestes et des contours de Polyclète conçus pour une vision frontale. Cohérence formelle, sérénité intérieure, certains diront froideur lisse et idéalité abstraite, qui sera appréciée mais aussi critiquée. Surchargé de commandes à Rome, il ne rentrera au Danemark qu’en 1838.

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