Home » Anciens cours » Texte 4 Sartre Les Mots, étude du texte

Texte 4 Sartre Les Mots, étude du texte

Quelques infos sur Sartre (à partir de Itinéraires littéraires, XX°s, 2, Hatier)

– Jean-Paul Sartre 1905 – 1980

– orphelin de père

> enfance avec sa mère chez son grand-père maternel Charles Schweitzer

– brillantes études

– lié à Simone de Beauvoir (écrivaine engagée, connue pour son essai féministe, Le Deuxième sexe)

– Philosophe, il publie des traités, comme L’Etre et le néant, dans lesquels il développe et illustre ses théories.

Il est notamment le chef de file du courant existentialiste français.

– Ecrivain, son œuvre est très variée : romans (Les Chemins de la liberté), théâtre (Huis clos), essais (sur Baudelaire et Jean Genet), articles pour la revue Les temps modernes

– Attaché au parti communiste et aux mouvements d’extrême gauche, il considère comme nécessaire l’engagement politique de la littérature.

– Sartre est un virtuose du langage, il sait jouer avec les procédés d’écriture, les ruptures de ton, la richesse du vocabulaire…

 

Les Mots de Sartre

Autobiographie

Récit de l’enfance de Sartre de 1905 à 1917

Il y raconte comment son grand-père a favorisé sa vocation littéraire, en imposant une idéologie. A travers son exemple, Sartre cherche à dénoncer les manipulations des adultes sur les enfants.

Dans la seconde partie « écrire », il cherche à démystifier la littérature. Dans la première partie, « lire » il multiplie les anecdotes et les souvenirs.

 

Vocabulaire (Larousse.fr)

Spadassine : adjectif construit à partir du nom « spadassin » qui désigne un tueur à gages ou un amateur de duels à l’épée.

S’accoter = s’appuyer contre un support

Contemporain : qui vit à la même époque que lui

Mes pairs = ceux qui occupent le même rang que moi

Un gringalet = garçon frêle, de constitution fragile

Feignait (imparfait de feindre) : faisait semblant

Benêt : garçon d’une simplicité naïve

Orgueil : estime excessive de soi, qui porte à se placer au-dessus des autres

Solliciter : ici prier quelqu’un de consentir à faire quelque chose

 

Quelles sont les deux parties de ce paragraphe ? Donnez un titre à chacune.

– du début à « n’intéressait personne » : confrontation solitaire à la réalité

– de « Ma mère » à la fin : la réaction de sa mère et le regard critique du narrateur

 

Quel est le lien entre ce texte et le titre du parcours ?

– dans ce passage autobiographique, Sartre (59 ans au moment de l’écriture) porte un regard critique et prend du recul en se souvenant du Sartre qu’il était quand il avait huit ans. Cela correspond bien au thème soi-même comme un autre, car même si l’on dit que dans une autobiographie auteur = narrateur = personnage, en réalité la personne a changé entre son enfance et l’âge adulte. Soi-même en tant qu’identité, Sartre adulte, se souvient et observe avec un regard d’adulte l’autre Sartre, le petit garçon qu’il a été.

– D’autre part, Sartre enfant vivait deux vies : une réelle et une imaginaire. Soi-même, c’est-à-dire Sartre réel (« le gringalet »), passait beaucoup de temps à s’imaginer comme un autre (« musculature athlétique »).

 

Quel regard Sartre écrivain porte-t-il sur Sartre enfant ?

Son regard est particulièrement ironique. Il se moque avec humour de son envie de jouer avec les autres, de son décalage entre ses rêves et la réalité, du regard porté par sa mère sur lui.

 

Problématiques possibles :

Quel regard Sartre écrivain porte-t-il sur Sartre enfant ?

Ou

Quelle est cette autre vérité qu’il présente ici ?

 

On peut montrer que dans ce texte Sartre adulte porte un regard ironique sur l’enfant qu’il était. Enfant, sa confrontation au réel lui fait prendre conscience de sa solitude et de sa différence. Adulte, il porte un regard d’existentialiste sur ce souvenir. Les autres l’empêchent d’exister en tant qu’être constitué par ses actes et son moi intérieur. Pour les autres, il est transparent (pour les autres enfants) ou chosifié (par sa mère).

Vous pouvez lire le tableau ci-dessous ou écouter l’explication :

Interprétation Citation Analyse
Annonce d’un nouvel élément par rapport à ce qui précède. Sartre vient d’avouer qu’il menait deux vies. A la fois petit-fils du célèbre Charles Schweitzer et héros d’aventures imaginaires (créées à partir des lectures de Michel Strogoff et de Pardaillan) Ce passage va nous faire découvrir l’autre vérité ici annoncée. « Il y avait une autre vérité » Adj indéfini « autre »
Sartre s’appuie sur une anecdote dont il précise les circonstances : lieu, personnages (époque donnée plus loin, quand il a huit ans) « sur les terrasses du Luxembourg, des enfants jouaient » CC de lieu

Verbes à l’imparfait

Cette anecdote permet de comprendre sa relation aux autres. Opposition entre la proximité physique et l’indifférence.

Pour les autres, il n’existe pas.

« je m’approchais d’eux, ils me frôlaient sans me voir, je les regardais… » Série de propositions juxtaposées à l’impft, tps du passé et itératif (actions habituelles, répétées)

Formule négative « sans… »

Alternance de pronoms 1ère / 3ème personnes

Par cette expression, il se rabaisse. Mais il permet aussi au lecteur de s’imaginer l’enfant suppliant des yeux pour obtenir l’attention des autres « avec des yeux de pauvre » Complément du nom étonnant, dans le sens de suppliant
Sartre exprime ici l’envie qu’il ressentait pour ces enfants du parc. Son exagération peut faire sourire. « comme ils étaient forts et rapides ! comme ils étaient beaux ! »

« ces héros de chair et d’os »

Deux exclamations avec 3 adjectifs valorisants

Exagération

 

Côtoyer ces enfants le ramène à la réalité par opposition au Sartre inventé par son imaginaire (musculature, adresse) et par les illusions de sa famille (intelligence et savoir) « mon intelligence prodigieuse, mon savoir universel, ma musculature athlétique, mon adresse spadassine » Enumération de qualités mises en valeur par des adjectifs mélioratifs
L’attitude de Sartre enfant (statique) est décalée par rapport à celle des autres, (dynamique) des « héros » « rapides » qui « jouaient » « je m’accotais à un arbre, j’attendais. » Verbes désignant des actions statiques
L’auteur rend la scène plus vivante. « Avance, Pardaillan, c’est toi qui feras le prisonnier » Insertion d’un discours direct
Le lecteur peut croire d’abord qu’un des enfants se décide à lui parler, en raison de l’expression choisie « sur un mot ».et de l’emploi du discours direct (les paroles semblent réelles). Mais le verbe au conditionnel passé nous fait comprendre que l’action ne s’est pas réalisée. Sartre est resté seul. « Sur un mot du chef de la bande, brutalement jeté … j’aurais abandonné mes privilèges Verbe au conditionnel passé > irréel du passé (action non réalisée) mais choix de ne pas exprimer la condition par « si » au début
Sartre montre qu’il était prêt à tout accepter pour partager leurs jeux et faire partie de leur bande.

> le lecteur peut avoir pitié de l’enfant esseulé mais encore une fois les exagérations sur les rôles énumérés font sourire.

« Même un rôle muet m’eût comblé ; j’aurais accepté de faire un blessé sur une civière, un mort. » Succession de conditionnels passés « eût comblé, aurais accepté »

Enumération de rôles

La vérité c’est qu’il n’existe pas pour les autres. Sa confrontation aux autres lui fait prendre conscience avec étonnement (« je n’en revenais pas ») de ce qu’il est vraiment (« un gringalet qui n’intéressait personne »). « j’avais rencontré mes vrais juges, mes contemporains, mes pairs, et leur indifférence me condamnait. Je n’en revenais pas de me découvrir par eux : ni merveille ni méduse, un gringalet qui n’intéressait personne. » Rythme ternaire pour évoquer les autres enfants

Opposition entre lui et les autres par les pronoms (me, je, eux) ou adjectifs possessifs (mes, leur)

Sartre évoque la réaction de sa mère. Elle associe l’indifférence des autres enfants à la taille de son fils. Sartre rapporte les paroles de sa mère, sans doute entendues souvent, pour défendre son fils. « Ma mère cachait mal son indignation : cette grande et belle femme s’arran-geait fort bien de ma courte taille, elle n’y voyait rien que de naturel : les Schweitzer sont grands et les Sartre petits, je tenais de mon père, voilà tout. » Opposition d’adjectifs « grande / courte »

« grands / petits »

« elle n’y voyait » à « petits » : discours indirect libre

Sartre enfant apparait comme chosifié.

L’amour de sa mère ne lui permet donc pas non plus d’exister en tant que personne.

« Elle aimait que je fusse, à huit ans, resté portatif et d’un maniement aisé : mon format réduit passait à ses yeux pour un premier âge prolongé » Vocabulaire employé pour des objets > chosification de l’enfant
Le comportement exagéré de la mère apparait comme étouffant. « elle poussait l’amour jusqu’à » et « pour me sauver » + « feignait » Vocabulaire désignant le comportement extrême de la mère
Sa mère le pousse à réagir «Qu’est-ce que tu attends, gros benêt ? Demande-leur s’ils veulent jouer avec toi.» Discours direct avec interrogation puis impératif et apostrophe dégradante
Sartre explique son refus : il ne veut pas prendre le risque d’être rabaissé en jouant un rôle minable. Il laisse implicite les liens cause/conséquence ainsi que les conditions (si j’avais demandé à jouer avec eux, j’aurais accepté les besognes les plus basses, c’est pourquoi ma fierté me pousse à ne rien demander.)

C’est certainement Sartre adulte qui a conscience de cette fierté et des raisons qui l’empêchent d’aller vers les autres. L’enfant se sent juste isolé et différent des autres.

Je secouais la tête : j’aurais accepté les besognes les plus basses, je mettais mon orgueil à ne pas les solliciter. Suite de propositions juxtaposées ; implicite

 


Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

buy windows 11 pro test ediyorum