L’aventure industrielle de Jacob Holtzer à Unieux

Dans le cadre du programme de 4ème, l’âge industriel doit être abordé à partir d’une étude de cas. Ce ne sont pas les exemples qui manquent dans la région stéphanoise. En effet, l’industrialisation a dynamisé ce territoire à partir de la décennie 1810. Resté jusque là à l’écart de la modernité, Saint-Etienne va devenir au XIX°siècle la 8ème ville française et la première région industrielle de France. Le ruban, l’acier et le charbon assurent l’envolée économique de la région. A Unieux, le maître des forges Jacob Holtzer et ses successeurs vont façonner ce village, le transformant en company-town (« ville » entièrement tournée vers l’industrie).

Consigne : Complète la fiche à l’aide de l’article 

                                                                         

Dans la vallée de l’Ondaine (Loire), le nom de l’industriel Jacob Holtzer (1802-1862) résonne encore aujourd’hui. Un lycée de Firminy porte son nom et son empreinte sur le territoire est toujours visible.

EXERCICE 1 : Je me repère dans la vallée industrielle de l’Ondaine au XIXème siècle

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Clique sur l’image pour agrandir Panorama de la vallée de l’Ondaine de 1870

 

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Clique sur l’image pour agrandir – La vue sur le château Dorian et Fraisses en meilleure qualité

 

 

EXERCICE 2 : Connaître l’histoire de Jacob Holtzer, un capitaine d’industrie

Jacob Holtzer, un ouvrier devenu maître des forges


Jacob Holtzer est né en Alsace au début du XIX°siècle. Ouvrier dans une manufacture d’armes, il se retrouve au chômage quand son entreprise ferme. Alors qu’il n’a que 17 ans, il décide de rejoindre son cousin Jean qui travaille pour la Manufacture d’Armes stéphanoise.  Ensemble, ils créent d’abord une fabrique d’acier près du Chambon-Feugerolles dont la moitié de l’acier part pour les besoins de la Manufacture d’armes de St-Etienne. Les armes doivent être de bonne qualité pour éviter qu’elles n’explosent dans les mains des utilisateurs ! Ils produisent aussi des outils agricoles, des marteaux, des enclumes et emploient huit ouvriers, tous  originaires d’Alsace. Puis, en 1829, Jacob s’installe à Unieux, au lieu-dit Le Vigneron. En 1842, les deux cousins mettent fin à leur association. Jacob va pouvoir se consacrer à son usine d’Unieux. A proximité de son entreprise, il dispose d’atouts importants : il y a l’Ondaine, d’anciens moulins à eau, du charbon en abondance, peu cher et un savoir-faire métallurgique (clouterie). L’utilisation de la machine à vapeur (1843) et de nouvelles techniques font augmenter la productivité (produire + et + vite). En 1847, une  grande voie de communication reliant Firminy à Saint-Bonnet le Château passe le long de son usine ce qui facilitera l’approvisionnement en charbon. Une ligne de chemin de fer est ouverte en 1859 entre Saint-Etienne et Firminy.

Jacob Holtzer, un entrepreneur novateur et soucieux de ses ouvriers


Grâce à tous ces atouts, les forges et aciéries de Jacob Holtzer prospèrent. À sa mort en 1862, l’usine produit 10 tonnes de métal par jour et occupe 500 ouvriers. La guerre joue un rôle important dans le développement de l’entreprise. Déjà appelée à renouveler l’armement des Français pour la guerre contre la Prusse de 1870, l’entreprise Holtzer prend une autre dimension lors de la Première Guerre mondiale. Elle double son étendue pour livrer à l’armée des obus, des bombes, des mitrailleuses, des canons, des pièces d’artillerie,… Après-guerre, l’entreprise s’oriente vers la production d’acier pour l’outillage, l’automobile ou l’aéronautique.

EXERCICE 3 : Comprendre l’empreinte laissée par la famille Holtzer à Unieux

Mais cet essor industriel doit beaucoup à la personnalité du maître des forges. Le self-made man est aussi « le bienfaiteur d’Unieux ». Décrit comme quelqu’un de simple et attentionné envers ses ouvriers, Jacob Holtzer aurait même été surnommé « le papa » dans son usine. Il a su créé autour de lui une véritable communauté de travail. Un historien, Joseph Jacquemond, décrit un industriel tourné vers l’avenir mais attaché aux détails du quotidien de ses travailleurs.


« Resté très attaché à son pays natal, (…) il faisait venir des ouvriers alsaciens au fur et à mesure que son entreprise l’exigeait. Il se forme ainsi à Unieux une sorte de colonie alsacienne. (…) Il fit construire une grande maison pour y loger ses collaborateurs. C’était pour lui l’occasion de leur procurer un logement décent mais aussi de surveiller leur mode de vie et même la tenue de leur maison.« 

La cantine de l’entreprise Holtzer

Construits près de l’usine, ces logements ouvriers appelés « casernes » montrent le paternalisme du chef d’entreprise (ce programme sera complété par la construction de maisons avec jardin). Évidemment, une telle organisation de l’espace permet de contrôler les employés mais comme le note René Commère :

« Jacob Holtzer eut à cœur de procurer à son personnel des occupations en dehors des heures de travail. Ainsi se donnait-il dans l’usine des fêtes alsaciennes réunissant patrons et ouvriers. (…) Une fanfare exista avant 1860. (…) Une bibliothèque s’ouvrit à tous avec une salle de lecture. Unieux fut le théâtre d’initiatives sociales peu courantes en leur temps : ouvroir, pouponnière, salle d’asile, salle de visite médicale, société de secours mutuel, système d’épargne dont on raconte que Madame Holtzer tenait les carnets des ouvriers. La tradition rapporte aussi qu’elle préparait la soupe pour les ouvriers célibataires et qu’elle apaisait les petits conflits de voisinage.« 

Cette politique sociale sera poursuivie par les successeurs de Jacob Holtzer, Jules Holtzer (son fils) et surtout Frédéric Dorian (son gendre) qui dirigera la société de 1861 à 1873. L’accent est mis sur l’instruction des enfants d’ouvriers. Au départ, il n’était pas nécessaire d’être très instruits pour devenir ouvrier. Mais, avec la volonté des Holtzer d’avancer toujours plus loin techniquement, il a fallu des gens formés pour faire fonctionner les machines. En plus de l’école maternelle fondée en 1840, la société finance la moitié de la construction d’une nouvelle école à Unieux en 1868. Quatre ans plus tard, deux écoles publiques et gratuites ouvrent pour les filles et les garçons d’ouvriers : l’entreprise Holtzer prend en charge le salaire des maîtres et l’achat du matériel.


L’empreinte de l’entreprise Holtzer sur le paysage

 

A Unieux et à Fraisses, la dynastie Holtzer a inscrit dans le paysage leur grande aventure industrielle. Un plan de l’entreprise Holtzer en 1840 montre  la maison familiale des Holtzer (a) dominant le complexe métallurgique. Le patron et sa famille partageaient donc la vie de l’entreprise et celle des ouvriers. Le développement de la société et l’arrivée d’une main d’œuvre plus nombreuse amènent une modification du paysage. Sur ce panorama datant de 1870, on voit très clairement que la hiérarchie sociale est respectée dans l’entreprise Holtzer. Le complexe industriel regroupe l’usine, la cité ouvrière et le château du directeur. La proximité de la caserne s’explique facilement : dans l’usine, le travail est réglé par le rythme des fours et quand il est chaud, il faut pouvoir mobiliser rapidement les ouvriers.


 

Symbole de la réussite, le château Holtzer domine la vallée industrielle, à bonne distance pour garder à la fois un œil sur les activités et une vie privée tranquille. Ironie du sort, Jacob Holtzer n’habitera jamais cette belle demeure terminée en 1864. Frédéric Dorian, le nouveau maître des forges et futur ministre des travaux publics, construit son château en 1863. C’est d’ailleurs là que séjournera Emile Zola en 1900, invité par la fille de Dorian à découvrir le fonctionnement de cette company-town qu’est devenue Unieux au cours du XIX°siècle. Dans son livre « Travail« , l’écrivain évoque l’univers des métallurgistes et ébauche un idéal de communauté industrielle probablement inspiré par les réalisations sociales de la dynastie Holtzer.


Sources :

 

– Les illustrations viennent du fonds de la Société d’Histoire de Firminy.

Pour aller plus loin sur le sujet, trois publications des publications de l’université de Saint-Etienne.

  • René Commère, Mémoires d’acier en Ondaine : histoire d’un site métallurgique en région stéphanoise, 2000. A consulter, son blog L’Unieutaire, une référence sur l’histoire de la vallée de l’Ondaine.
  • Jospeh Jacquemond, La révolution industrielle dans la vallée de l’Ondaine (1815-1914), 1995
  • Nicole Verney-Carron, Le ruban et l’acier : les élites économiques de la région stéphanoise au XIX°siècle (1815-1914), 1999

– Des photos de la grande caserne, du château Holtzer et de Fraisses à retrouver sur le groupe Facebook de la passerelle

 

– …et pour accompagner votre balade, « Mains d’or » de Bernard Lavilliers

 

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=k_AzMYZ5cW4[/youtube]

10 commentaires

  1. […] Holtzer pendant la 1ère Guerre Mondiale – photo empruntée sur https://lewebpedagogique.com/lapasserelle/2015/06/01/laventure-industrielle-de-jacob-holtzer-a-unieu… Étiquettes : Alsace, challengeAZ, coincidence, forges, Loire, Nord, première guerre mondiale, […]

  2. louise romeuf dit :

    je viens de découvrir cet intéressant travail. Mon père a travaillé chez Holtzer de l’âge de 14 ans (il était né en 1911) jusque à sa mise en chômage économique à l’âge de 58 ans.
    Il était très attaché à « sa boite », se levait la nuit quand on venait frapper à notre porte pour aller réparer des fours encore chauds !…travaillait régulièrement car on lui faisait appel le dimanche matin..
    Quand il est mort le médecin nous a dit qu’il était usé… Où puis je lire des documents sur la vie de ces ouvriers ? Merci d’avance.

  3. Bruyère dit :

    Super travail. Mon arrière-grand-oncle a été détaché dans ces usines pendant la Première Guerre mondiale. Il venait des forges du Nord-Est, de Trith-st-Léger pour être précis.

  4. Très bel article, ça me fait presque regretter de ne plus faire d’histoire !-)). Le blog de René Commère vaut le détour, c’est une vraie mine d’information à faire connaître. Je l’ai croisé l’autre jour sur le site Le Corbusier, il est toujours « vaillant » comme on dit chez nous

  5. Florent Grange dit :

    Partant ! Il y a une rando qui passe à côté du musée de la faux et des unités d’habitations.

  6. Merci Flo, les docs viennent du magnifique fonds d’archives de la société d’Histoire de Firminy que le président M. Vigouroux (que je remercie ici) m’a ouvert. Il recèle encore beaucoup d’informations intéressantes (comme par ex. l’embauche d’une main d’œuvre chinoise pendant la Première Guerre mondiale). Concernant Pont-Salomon (très bonne piste d’étude), je suis tombé pendant mes recherches sur le site http://www.valleedesforges.com/ avec pas mal de liens et de documents. Faudra qu’on aille se balader par là-bas bientôt…

  7. Florent Grange dit :

    Excellent article. Je vois que la balade autour d’Unieux a porté de généreux fruits pédagogiques. Les docs photos/plans sont tirés des différents bouquins que tu cites ?

    Pour revenir au thème, je discutais il y a peu des nouveaux programmes avec un collègue et lui parlait de la possibilité de mener une étude sur Pont Salomon et l’industrie de la faux. Notamment avec l’église de briques construite au XIXe siècle par Massenet ou un de la société « Dorian-Holtzer, Jackson et Cie » (à creuser) et dont un vitrail montre les (saints) patrons en dévotion !
    Même marquage territorial pour Pont Salomon avec l’existence d’une habitation « caserne » pour les ouvriers et d’une « gendarmerie » pour les contremaitres.
    Des pistes à creuser.

    +++

  8. Merci Véronique ! J’ai choisi la figure de l’entrepreneur car (sans chercher à idéaliser le personnage) Jacob Holtzer fait figure de bon patron, avec une réelle fibre sociale. Evidemment le complexe industriel est organisé pour les fins de son aventure personnelle mais les nombreuses initiatives sociales et son parcours (ouvrier puis patron) font de lui un chef soucieux du bien-être de ses ouvriers. Complétement d’accord avec toi pour mieux intégrer les sans-voix dans les programmes. Allez, tous aux archives !

  9. C’est un super travail que tu as fait là. Je pense que nous allons être nombreux (et pas que Perverie ;-)) à nous ruer sur tes photos, avec en bouns celle des munitionnettes qui est extraordinaire.

    Bon, moi j’ai l’esprit très mal tourné (qui ne s’en est pas aperçu?) par conséquent je vais formuler un souhait sous forme d’une proposition : et si on faisait une étude de cas sur l’âge industriel à partir non des entrepreneurs mais des ouvriers ? Je pense en particulier aux luddites, ça me botterais assez de trouver des témoignages (et il y en a) qui rendent compte de ce que fût la révolution puis l’âge industriel à travers leur expérience, cela permet de donner aussi à cette histoire un joli écho dans le présent.
    Pour que les nobodies de l’histoire aient la voix au chapitre des nouveaux programmes.

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