Conflans-Sainte-Honorine puis Nice, le terrorisme endeuille une nouvelle fois notre pays. Lundi 2 novembre, nous échangerons sur cette actualité difficile à partir d’une lettre que je te destine, à toi élève en 4ème ou 3ème. Pour cette rentrée, il y aura un temps pour l’émotion, un pour la réflexion. Le titre de ce cours l’indique, à l’école c’est l’ignorance que nous combattons. Nous consacrerons donc plusieurs temps dans l’année à ce travail de fond avec pour objectifs : comprendre les évènements, faire vivre les valeurs républicaines et combattre la haine qui se déverse sur Internet.
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CONSIGNES
1. Avant de lire le texte, échangeons d’abord sur les mots en gras dans le 1er § (= paragraphe) du texte
2. Lis le texte et réponds aux consignes ci-dessous
- §2. À quoi sert une minute de silence ?
- §2. Souligne la phrase qui définit ce qu’est la laïcité
- §3. Qui nous protège contre les actes terroristes ?
- §4. Surligne dans ce paragraphe les missions de l’école en France
- §4. Explique cette phrase « Tu apprends à penser avec les autres et parfois contre toi-même. »
- §5. C’est quoi pour toi un cours d’Histoire-Géo/d’EMC?
- §6. As-tu une question dont tu voudrais parler en classe (ou avec moi) ?
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« L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence, voilà l’équation. »
Attentats, urgence sanitaire : les deux semaines qui viennent de s’écouler ont été particulièrement difficiles. J’avais hâte en tant que professeur d’Histoire-Géo et d’Enseignement moral et civique de vous retrouver en classe pour qu’ensemble on mette des mots sur cette actualité tragique. Je t’invite d’abord à lire ce texte écrit pendant les vacances car depuis le 16 octobre j’ai pensé fort à Samuel Paty et à notre métier d’éducateur. Ce jour-là, cet homme âgé de 47 ans professeur au collège du Bois-d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (ville à 1 heure de Paris) a été sauvagement tué par un terroriste islamiste de 18 ans. Assassiné au nom d’une religion pour avoir enseigné la liberté d’expression, décapité pour avoir montré à ses élèves deux caricatures de Mahomet publiées dans Charlie Hebdo.
Travaillant pour l’école de la République qui lutte contre l’ignorance, je m’adresse à l’élève que tu es aujourd’hui. Des minutes de silence, jamais je n’en ai vécu quand j’étais à ta place. Depuis 2012, ce moment de recueillement se répète dans une France régulièrement secouée par les attentats. Après un attentat, les professeurs sont là pour t’accompagner, t’écouter, t’informer et si nécessaire te rassurer. Arrêter toute activité pour faire silence signifie que nous unissons nos pensées et nos forces pour honorer la mémoire de ceux qui sont morts, innocents et libres. On se tient debout pour résister aux actes de barbarie. On affirme que chacun a le droit de croire ou de ne pas croire, qu’aucun principe religieux ne peut conduire au non-respect des lois de notre république.
Et puis le temps passe, l’émotion s’efface. Nous vivons, chacun retrouve un élan où l’on évacue la mort et ce qui fait peur. Heureusement d’ailleurs. La minute de silence comme le cours d’après sont nécessaires mais ne suffisent pas. Ce que fait l’État, ce que peut chacun d’entre nous comptent. Assassins d’enfants, de prêtre ou croyants, de policiers, de professeurs, de passants, de spectateurs, de dessinateurs ou journalistes, les terroristes s’emparent de l’islam pour faire le mal et établir un modèle de société que nous rejetons en bloc. Ils sont souvent des citoyens français ou ont fréquenté nos écoles pour finalement en rejeter ses valeurs. La menace existe, c’est pour cela que l’État mobilise la police, l’armée, la justice, les services de santé pour nous protéger.
L’Éducation nationale, elle, a pour mission de te donner les connaissances, les compétences pour cultiver la paix et être heureux. L’école est ce lieu qui nous rassemble autour du plaisir d’apprendre, de ton avenir et des valeurs qui font d’une somme d’individus une nation. À l’école de la République, on ne renonce pas à expliquer encore et toujours. Ici, tu es pris au sérieux et on te garantit « ce qu’il y a de plus sacré dans l’enfant : le droit de chercher sa vérité ». Ici, tu construis ta personnalité et la confiance en toi. Tu prolonges et complètes l’éducation que tu reçois d’abord dans ta famille puis à la MJC, dans ton club sportif ou dans une communauté religieuse si tu es croyant. Tu apprends à penser avec les autres et parfois contre toi-même. Cela peut déstabiliser. Un philosophe disait que ce n’est pas le doute qui conduit à la folie mais les certitudes. Ce qui s’est passé à Conflans-Sainte-Honorine lui donne raison.
Un cours d’Histoire-Géo ou d’Enseignement Moral et civique sera toujours un temps de travail, de réflexion et d’échanges où l’on cherche à éveiller ton esprit critique. Ce n’est pas l’école de la pensée unique mais celle du dialogue dans le respect des lois et des valeurs qui sont les nôtres : liberté, égalité, fraternité, laïcité. Dans une salle de classe, tu as le droit de questionner, de dire « Oui mais », de faire remarquer que ce n’est pas le même discours que tu entends à la maison. Mieux vaut dire les choses que de les taire. L’école libère et forme les citoyens, la haine enferme et manipule.
Aussi, nous étudierons cette année les libertés et les interdits liés à la laïcité. En 4ème, nous travaillerons sur l’histoire de la caricature, de la Révolution à aujourd’hui. Nous reviendrons en temps voulu sur l’affaire Mila et l’attentat de Conflans pour expliquer les faits et comprendre le rôle joué par les réseaux sociaux et les applications de messagerie. C’est un islamiste radical qui a assassiné Samuel Paty. C’est aussi l’ignorance, le mensonge et un usage désastreux des outils numériques qui l’ont condamné : sur ce point, nous pouvons réfléchir et agir pour changer les choses. Au travail !
* Le titre de cette lettre est une citation d’Averroès, médecin et intellectuel de confession musulmane du 12ème siècle.
[La séquence EMC-EMI à venir]
Aller plus loin : lire cet article de la p@sserelle pour mieux comprendre l’attentat du 7 janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo
La lettre aux « Instituteurs et Institutrices » de Jean Jaurès