Lors de la Révolution française, le rire est utilisé comme une arme politique. Pour discréditer ou ridiculiser un ennemi, rien de tel que la caricature. Facile à comprendre, à réaliser et à diffuser, la caricature connaît un véritable succès populaire lors des événements révolutionnaires. 1500 gravures satiriques seront publiées entre 1789 et 1792. A cette époque, la France compte 26 millions d’habitants groupés en trois ordres.
« La noblesse possède le quart des terres et des privilèges, largement impopulaires (…). Le clergé, fort de 130 000 prêtres dont 3000 nobles, a encore ses lois propres et d’énormes privilèges fiscaux. C’est pourquoi, dans les cahiers de doléances rédigés pour les états généraux, le tiers état réclame plus de justice.«
La société d’ordres inégalitaire va rapidement devenir la cible des dessinateurs. La caricature met en scène les trois ordres autour de personnages familiers et aisément reconnaissables :
- l’ecclésiastique
- le noble
- le représentant du tiers état

Une estampe intitulée « Le temps passé », et représentant le Tiers Etat, la noblesse et le clergé. 1789-1790
Pour incarner le tiers état, le caricaturiste fait souvent appel à la figure du paysan. Associé aux révoltes du XVII°s, le paysan est dépeint comme combatif…même s’il n’a que la peau sur les os.
Dans la caricature étudiée en classe (2 p 52), le tiers état est également représenté par un paysan. Ce pauvre homme qui s’appuie sur sa houe a l’échine courbée et l’air souffrant. Les clés de lecture de l’image sont simples. Chaque personnage porte les attributs de son ordre. Le noble est par exemple reconnaissable au luxe de ses habits (chapeau à plumes, fraise), à ses distinctions (la médaille) et à son épée.
Avec un prélat et un noble sur le dos, le dessinateur fait allusion aux impôts qui pèsent sur les campagnards. S’il n’y a pas encore de bulles, les papiers qui s’échappent des poches des personnages viennent en appui de l’image.
« MM les Eclésiastiques et les Nobles non seulement ne payoient rien, mais encore obtenoient des graces, des pensions qui épuisoient l’état, et le Malheureux cultivateur pouvoit apeine fournir à sa subsistance.«

Le peuple écrasé par les privilégiés « â faut esperer q’eu s’jeu la finira ben tôt. Un païsant portant un Prélat, et un Noble. » Eau-forte en couleurs, [Paris, 1789
Cette image est-elle le reflet exact de la société française ? Le paysan est en effet écrasé par le poids des impôts ou de la misère. Richelieu parle des laboureurs comme des « baudets de l’état ». Mais il ne faut tomber dans la caricature : il existe des privilégiés au sein du tiers état (le négociant, l’officier de justice). Tous les nobles et tous les clercs ne sont pas logés à la même enseigne. Il existe une noblesse d’épée (celle qui occupe une fonction militaire) et une noblesse de robe (celle qui occupe des fonctions de gouvernement dans la justice ou la finance). Un hobereau (noble des campagnes) ne séjourne pas à la cour du roi… Un curé de campagne vit modestement et partage la vie du commun des mortels. Il est loin du train de vie d’un évêque.
Lire une caricature c’est faire preuve d’esprit critique. Il faut être capable de nuancer et de prendre du recul car caricaturer c’est déformer la réalité.
En tout cas, la caricature révolutionnaire montre le basculement de la société d’Ancien régime. Sur cette caricature (« Le temps présent »), le squelette du tiers état endosse « l’habit de héros (la garde française) et peut enfin sermonner le noble au garde- à-vous et le prélat…devenu squelette à son tour (allusion à la nationalisation des biens du clergé)« . Comme le mentionne l’auteur, « c’est ici que les premiers sont les derniers« …

Estampe intitulée « Le temps présent » et représentant le Tiers Etat, la noblesse et le clergé. Non datée [1789-1790
HISTOIRE…ARTS PLASTIQUES
Puisque nous avons travaillé sur des caricatures de catégories sociales en Histoire, M. Valette a concocté un travail où vous devez caricaturer des figures/catgéories sociales plus contemporaines : l’ado,le geek, l’écolo, le trader, le rappeur, l’électeur, …
Cette vidéo de l’IDD ‘Cette semaine j’ai appris » résume le travail fait autour de la caricature en Histoire, Français et Arts Plastiques.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=kvt89BHH4gU[/youtube]
+ d’infos sur la caricature
Un site : Une rapide histoire de la caricature sur le site de la BNF
Un pearltree : Une sélection de sites sur la caricature et le dessin de presse. [Coup de crayon] sur le pearltrees de la p@sserelle.
Deux articles de la p@sserelle :
- Le caricaturiste, un « journaliste qui sait dessiner »
- Chappatte, coups de crayon et traits d’esprit
Un livre sur la caricature révolutionnaire (dont j’ai extrait quelques passages) : « De la révolution à travers la caricature« , Antoine de Baecque, Presses du CNRS, 1989.