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JOURNAL D’HELENE

7 juin 1861

Cher journal, Hervé est parti, début janvier, comme à son habitude, en bateau à la recherche de vers à soie près de la Méditerranée, jusqu’en Afrique et même en Inde et est revenu à Lavilledieu le premier dimanche d’avril. Il est revenu il y a deux mois maintenant et il vient de me dire que les œufs qu’il avait ramenés étaient déjà infectés. Apparemment, d’après ce qu’il aurait entendu, ce serait le cas pratiquement partout, sur toutes les terres. Il vient de partir à Verdun, le bar du village afin de retrouver tout le monde et de parler de cette épidémie qui ravage les villages européens.

Il est tard, et d’habitude à cette heure si Hervé est déjà rentré, je ne sais pas quoi en penser, si je dois m’inquiéter. Je suis là, à l’attendre, et lui ne rentre pas.

6 octobre 1861

Aujourd’hui, nous sommes le 6 octobre 1861 et je viens de revenir des portes de Lavilledieu d’où mon mari vient de partir pour aller jusqu’au Japon afin de trouver des vers à soie. C’est Balbadiou, la personne qui a donné son travail à Hervé il y a 8 ans, qui le lui a demandé le soir où il est allé au bar. Il a hésité, mais finalement il a voulu partir. Il m’a dit que ce serait long mais que cela en valait la peine et qu’il ne pouvait pas refuser cela à Balbadiou, il lui fait confiance. Je suis plutôt inquiète car le Japon est beaucoup plus loin que là où il a pu déjà partir auparavant, et en plus de cela il est seul, il n’aura personne avec qui parler si la langue de là-bas est différente de chez nous. En partant, il m’a dit de ne pas m’en faire, de n’avoir peur de rien, et je ne lui ai rien répondu car je ne pouvais pas lui faire une promesse pour ne pas la tenir, alors je l’ai laissé partir. Maintenant tout ce que j’ai à faire, c’est m’occuper et attendre qu’Hervé rentre à la maison.

6 janvier 1862

Journal, cela fait maintenant 3 mois qu’Hervé est parti et je n’ai toujours pas de nouvelles. Tous les jours, je vais aux portes de Lavilledieu et j’attends. Hier, j’y suis allée et je suis restée plus de 4 heures à attendre, mais il se faisait tard et il commençait à faire nuit, donc j’ai préféré rentrer. Tous les jours, je trouve de nouvelles occupations pour faire passer le temps. Je me suis même mise à la couture. Ça n’a pas été un grand succès, je n’ai pas encore trouvé la technique mais je sens que bientôt je pourrai nous préparer des écharpes pour l’hiver et des vêtements à Hervé pour ces voyages. Je lis aussi beaucoup, mais le plus clair de mon temps je suis là, assise, ou même allongée dans mon lit, à rêvasser et attendre, espérer que mon mari rentre à la maison. J’écris aussi, ça m’aide à moins penser, que ce soient des poèmes ou juste ici.

3 avril 1862

Hervé est rentré. Il est là, à la maison, je ne suis plus seule dans notre maison de province. C’était hier, j’étais au bourg du village, je marchais afin de me vider l’esprit et penser à autre chose. J’ai alors entendu des gens tous regarder vers lui, et c’est là que je l’ai vu un peu plus loin. Je me suis sentie tellement soulagée quand je l’ai vu, et lui aussi. Avant de venir me retrouver, il a rencontré Balbadiou puis il m’a vu et est venu jusqu’à moi. Une fois arrivé chez nous, il m’a offert une tunique de soie qu’il a trouvé au Japon et qui l’a fait penser à moi. Je la trouve très belle, vraiment, cette tunique est magnifique mais je ne pense pas que je la porterais, que ce soit aujourd’hui ou n’importe quel jour. Quand je l’ai essayé la première fois, je l’avais sur moi mais j’avais l’impression que c’était tout comme si je n’avais rien, et je ne me suis pas sentie vraiment à l’aise, alors je l’ai enlevée et je ne la porterai plus jamais.

28 juillet 1862

Grâce aux œufs qu’Hervé a ramenés du Japon, il a fait quelques comptes et il est devenu riche. Il a donc décidé d’acheter trente acres de terre au sud de là où nous habitons et depuis le début de l’été, il essaye de dessiner un parc où l’on pourrait se promener tranquillement. Souvent, je suis seule le matin car il va à Verdun pour écouter toutes les petites histoires du village et lire les gazettes qui arrivent tout droit de Paris. Et tous les soirs, il reste avec moi et je lui lis un livre à voix haute. Il me complimente à chaque fois en me disant que j’ai la plus belle voix du monde. Ce sont des moments agréables que nous partageons seulement à deux et cela nous fait beaucoup de bien à tous les deux car souvent une grande partie de l’année, Hervé est en voyage donc nous sommes loin de l’autre mais ces moments-là nous permettent d’avoir de bons souvenirs d’ensemble quand nous sommes à l’autre bout du monde l’un de l’autre, et c’est vraiment important pour chacun de nous, en tout cas pour moi.

1er octobre 1862

Cher journal. Je me retrouve seule. Encore une fois. Il est reparti. Hervé est reparti à la recherche d’œufs à soie, et moi je reste là, à l’attendre, à m’inquiéter, à espérer tous les jours le voir rentrer à la maison. J’ai repris ma petite routine, ma vie tranquillement. Je lis toujours beaucoup, je tricote et couds, un peu mais moins qu’avant, cela m’intéresse moins. J’essaye aussi beaucoup d’imaginer comment est le Japon. Hervé me racontait parfois ce qu’il avait vu pendant son premier voyage au Japon, alors j’essaye d’imaginer ce qu’il pourrait être en train de voir en ce moment. Cela m’aide de penser à lui, cela me réconforte mais les jours passés sans lui, les mois paraissent souvent interminables. J’ai hâte qu’il rentre, il me manque beaucoup quand il est en voyage et ne pas le voir tous les jours est parfois compliqué mais j’ai l’habitude maintenant, ce n’est pas le premier voyage qu’il fait, au contraire. Mais je dois avouer que c’est une des fois où il me manque le plus.

26 février 1863

Les jours me paraissent de plus en plus longs. Je ne sais plus quoi faire en l’attendant, je tourne en rond. Je vais parfois me promener dans le parc qu’il a inventé l’été dernier, cela me permet de me sentir un peu plus proche de lui alors qu’il est à l’autre bout du monde. Parfois, pour changer, je vais au bourg de Lavilledieu pour rencontrer des gens et parler un petit peu, et garder quand même mon côté social. Mais quand je rentre à la maison, je reviens à la réalité et me rends compte qu’Hervé n’est pas là.

4 avril 1863

Demain, c’est le jour de la grand-messe et s’il respecte ses habitudes, Hervé devrait être à temps et rentrer demain. Aujourd’hui, j’ai rangé, préparé et nettoyé toute la maison au cas où il rentrerait. Je suis allée me coucher le plus rapidement possible pour que demain arrive le plus vite possible et que je retrouve mon Hervé, du moins je l’espère. Je te tiendrai au courant de ce qu’il en est.

5 avril 1863

Le rayon du soleil m’a réveillée ce matin, je me suis alors levée directement pour me préparer si Hervé devait arriver dans quelques heures ou moins. Je suis sortie marcher vers les portes de Lavilledieu et c’est là que je l’ai vu au loin. Il arrivait, il marchait pour me retrouver alors je suis partie en courant vers lui. Je l’ai pris dans les bras et lui ai dit plusieurs fois : « Tu es revenu » avec un tel soulagement que ça semblait irréel pour moi. Je n’en revenais pas.

14 juin 1863

Journal, je sens que quelque chose ne va pas, quelque chose dérange Hervé depuis qu’il est rentré mais je ne saurais dire quoi. Ce matin, il m’a dit qu’il devait partir à Nîmes pour les affaires mais qu’il serait de retour dans la journée, mais je ne peux m’empêcher de m’inquiéter. Je me demande ce qu’il aurait bien pu voir ou qui il aurait pu rencontrer pour le mettre dans un état pareil. J’attends qu’il rentre ce soir pour lui demander comment ça s’est passé, même si je sais pertinemment qu’il ne m’en dira pas plus, au moins j’aurais essayé.

10 août 1863

Cher journal, nous venons de rentrer de notre premier voyage à 2 que nous avons fait cet été, et c’était juste génial. Nous sommes allés près de la Riviera et nous nous sommes installés dans un hôtel de Nice. Il n’y avait pratiquement que des Anglais, donc je ne comprenais pas tout à ce qu’ils disaient mais ça m’a permis de rencontrer de nouvelles personnes, je me suis même fait une très bonne amie. Elle s’appelait Mary. Je trouvais cet endroit tellement beau que je pensais que c’était l’endroit idéal où nous pourrions, Hervé et moi, réussir à concevoir notre bébé, mais cela n’a pas marché.

3 octobre 1863

Il est reparti en voyage il y a quelques temps, à la demande de Balbadiou et il ne devrait plus tarder à rentrer maintenant. Ça commence à faire longtemps maintenait qu’il est parti et je commence à m’impatienter.

8 avril 1864

Il est rentré il y deux jours. Je suis tellement heureuse, c’est un réel bonheur de l’avoir près de moi et je me rends vraiment compte quand il est là que je ressens un réel vide quand il ne l’est pas.

23 août 1864

Cher journal, Hervé a changé, il n’est plus le même. Il a même acheté la maison abandonnée de Jean Berbek et parfois il y va et je me demande bien ce qu’il peut y faire. Et il est en train d’imaginer une volière, ce serait un endroit où l’on pourrait mettre des oiseaux, mais j’avoue que je n’ai pas tout compris. Je le trouve vraiment mélancolique en ce moment, pas comme avant, quelque chose a changé, quelque chose l’a fait changer et je ne sais pas quoi. J’ai donc réussi à le persuader que changer d’air pourrait lui faire, c’est donc pour ça que nous sommes actuellement sur la route vers Nice, où nous allons nous installer dans une villa.

16 avril 1865

Cher journal, cela fait longtemps que je ne t’ai pas écrit. Nous avons bien profité de notre escapade à deux, mais la vie a repris son cours et Hervé est reparti. Il aurait dû être déjà rentré à l’heure qu’il est. Il est déjà parti avant, mais là, c’est vraiment la fois de trop. Je sens qu’il n’aurait pas dû partir, il s’est peut-être produit une catastrophe. Une phrase tourne en boucle dans ma tête : Hervé est mort, il ne reviendra pas. Je passe mes journées aux portes de Lavilledieu sans manger, ni boire, ni quoi que ce soit, j’attends.

27 avril 1865

Cher journal, j’ai une bonne nouvelle : Hervé est rentré il y a une semaine maintenant. Et je crois qu’il n’a pas prévu de repartir de sitôt. Mais je vois qu’il s’ennuie, il pense à quelqu’un d’autre, je le sens, je le sais, alors j’ai décidé de lui rappeler que je suis là en lui écrivant une lettre en japonais. Je suis allée voir une certaine Madame Blanche, une Japonaise, j’avais déjà écrit ma lettre mais en français, alors elle a juste eu à la traduire en japonais.

25 février 1874

Journal, je pense que c’est la dernière fois que je t’écris. Je suis malade depuis un petit moment maintenant et je sens que la fin approche. J’ai eu une belle vie, j’ai beaucoup voyagé, j’ai vu plein de belle chose et même si nous n’avons pas eu d’enfants avec Hervé, nous avons été heureux, même si nous avons été beaucoup séparés, ça c’est vrai. Mais je ne regrette pour rien au mode de l’avoir épousé .

Au revoir. Et merci pour tout.  

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