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LE JOURNAL DE GLORIA …

Une drôle d’envie ce matin de 1935… Celle de laisser une trace de mon passage sur cette Terre pour ceux ou celles qui voudront peut-être un jour me connaître, connaître ma vérité. C’est pour cela que je me décide un peu tard à tenir un journal. En effet, je sens que mes forces et mon envie de vivre s’amenuisent…

Cher Journal,

Petite présentation de mon histoire

Je me suis toujours sentie comme une âme errante dans un monde impitoyable. Des parents morts trop tôt, une enfance difficile chez mon oncle, la fuite, un vol dans une boutique pour qu’on s’occupe de moi…arrêtée…mais relâchée (j’inspirais déjà à la pitié à l’époque), en couple avec un homme répugnant et déjà si jeune L’ENVIE DE MOURIR…mais tentative d’empoisonnement raté… Déjà cette envie de mourir pour m’enfuir loin de ce monde où je n’ai pas ma place. Et pourtant!

Gloria. Gloria Bettie. C’est ainsi que je m’appelle. Ce prénom ne m’a jamais correspondu. Gloire ! Ce mot ne me va tellement pas. J’ai l’impression d’avoir perdu le contrôle de ma vie depuis si longtemps. Je ne suis plus qu’une marionnette entre les mains du destin.

Dans ce monde sombre et désespéré où la Grande Dépression continue de sévir, je lutte chaque jour pour survivre. Après ce krach boursier, je lutte pour ne pas craquer depuis déjà plus de 6 ans. De l’ouest du Texas à Dallas, de Dallas à Hollywood, j’ai toujours vu mes rêves s’effondrer, mes espoirs s’envoler comme des feuilles emportées par le vent. Et pourtant, j’essaie de me battre, d’avancer malgré tout. Seulement 4 petits rôles à mon actif, moi qui rêve de devenir une célèbre actrice. Je n’arrive pas à m’inscrire à Central qui m’ouvrirait peut être la porte de la célébrité. Je garde encore un peu espoir…Sans le moindre dollar d’avance !

Enfin une bonne nouvelle ? 1000 $ à partager ! C’est peut-être ça la clé pour essayer de m’en sortir… C’est la somme promise si je remporte ce fichu marathon de danse devenu si tendance depuis ce jeudi noir de 1929. Pour survivre ou faire rêver les gens, des marathons de danse ont été organisés à travers le pays. On a beau dire que l’argent ne fait pas le bonheur mais moi, cet argent, c’est peut-être cela qui me sauvera. Bon, je ne suis pas une pro de la danse mais avec un peu de résilience…J’arriverai à me dépasser pour une fois. Oui cher journal, je n’ai toujours pu que compter sur moi sans pourtant être très forte: ni pour gagner, ni pour atteindre mes objectifs, mon bonheur … Mais encore faut-il trouver un partenaire de taille pour cette compétition !!!!

Enfin l’espoir renaît !

Ça y est! Je peux reprendre ma plume… J’ai rencontré UN HOMME, mon futur partenaire de danse. Il s’appelle Robert. Il est entré dans ma vie comme un rayon de soleil qui illumine l’obscurité qui était mienne.

Notre rencontre …

J’avais rendez-vous au studio Western. J’étais furieuse d’avoir loupé mon bus et c’est en criant après ce foutu bus que j’ai fait sa rencontre. Un homme s’est cru interpelé et s’est retourné : c’était Robert. Il m’a tout de suite donné le sentiment de n’avoir pas grand-chose en commun avec moi si ce n’est le désir et l’ambition de percer également dans le cinéma. Il allait également à Western et m’a accompagnée. On s’est revus le soir même dans un parc et nous avons beaucoup discuté. Je pense que je lui ai plu tout de suite. Ça m’a redonné confiance car trop blonde, trop petite, l’air trop âgé et sans doute pas assez jolie, aucun studio ne semblait avoir besoin de moi. Avec Robert, j’ai eu le sentiment que même si nous perdions ce marathon et que nous n’avions pas cet argent à nous partager, j’atteindrais une certaine forme de bonheur. Je lui ai donc proposé de m’accompagner à la compétition. Pour une fois, j’ai trouvé les bons arguments: marathon sur la plage, lit et repas gratuits et surtout la promesse de rencontrer des producteurs et metteurs en scène (Le rêve)… tout cela allait changer nos vies. Robert m’a avoué n’être pas bon danseur mais a accepté car il avait besoin de cet argent pour ses projets de futur metteur en scène. Enfin une petite victoire à mon actif!!!

La compétition…C’est parti pour le show !

Ça y est, nous y sommes… 143 couples au total. Plus de retour en arrière possible. Nous nous retrouvons avec Robert dans cette immense bâtisse sur pilotis, un ancien dancing qui surplombe l’immensité de l’océan, un océan qui tonne sous nos pieds et que je vais sûrement vite détester. Je m’en fiche si je ne revois plus ce fichu Pacifique. Robert commence à me connaître et voit mes failles. Il m’a vite cernée et a compris que j’étais loin d’être aussi forte que cela et que la vie m’avait déjà bien fragilisée.

C’est vrai cher journal, peux-tu me dire pourquoi tous ces savants à grosse tête n’arrêtent pas de se décarcasser pour essayer de prolonger la vie au lieu de chercher des moyens agréables de la finir ? Voilà les idées noires qui me poursuivent depuis déjà un bon moment. Il doit bien exister d’autres personnes sur cette planète qui comme moi aimeraient plonger dans cet océan sans jamais remonter à la surface.

Allez Gloria, sois forte ! Tu vas gagner.

Nous sommes donc partis pour un véritable marathon pire qu’une mise à mort: danser jour et nuit jusqu’à ce qui ne reste qu’un couple avec seulement 10 minutes de pause toutes les deux heures devant un public de furieux voyeurs de la misère humaine.

SEMAINE 1 :

La compétition bat son plein, et chaque jour semble être un combat de plus en plus difficile. Les heures s’étirent, la fatigue nous écrase, mais nous continuons à danser, à nous mouvoir au rythme lancinant de la musique. 10 min : c’est le temps que nous avons lors de cette fichue pause.

En 10 minutes : manger, se désaltérer, se reposer, aller au toilette, se laver et dormir un peu… Et quoi encore ? Ils sont fous !

Tant pis je prends un moment pour te raconter cher journal quelques anecdotes…

Déjà mal aux pieds, les jambes qui enflent.

Nous nous sommes faits des amis (enfin pas pour longtemps): James et Ruby. Mais quelle horreur elle est enceinte! Pas d’argent et un enfant à venir. C’est une honte! Je sens déjà que James n’aime pas les remarques que je fais à Ruby. Mais ne suis-je pas lucide?

Parfois, je me demande ce qui me pousse à continuer, pourquoi m’infliger tout cela et pourquoi avoir entraîné Robert dans cette torture ? Est-ce l’espoir d’un avenir meilleur qui nous anime ou simplement la peur de l’inconnu ? Je ne sais plus vraiment. Tout ce que je sais, c’est que chaque jour qui passe me donne l’impression de m’ éloigner un peu plus de mes rêves car je ne sais pas si je tiendrai longtemps sur cette piste. Peut-être suis-je condamnée à MOURIR sur celle-ci sans avoir connu la GLOIRE ? Peut-être est-ce comme cela que tout doit se terminer? Peut-être n’ai-je finalement pas besoin de l’aide de Robert ? Trop de questions qui me torturent cher journal… Mais j’essaie de tenir le coup !

SEMAINE 2 :

Heures écoulées: 216

Plus que 83 couples!

Mes chaussures s’usent! Les derbies débiles s’enchaînent. J’ai du mal à trouver ma place dans ce marathon, cher journal. Les tensions continuent avec James. A vrai dire je crois que je ne supporte plus grand monde. Heureusement que Robert est là pour redorer notre image. Il m’a même qualifiée d’aigrie lors une discussion avec une certaine madame Layen. Une dame assez âgée qui vient nous supporter à chaque manche , enfin, elle vient plutôt supporter Robert qu’elle doit trouver charmant. Même une vedette de l’écran est venue. Tout le monde est en extase. Mais qu’est ce qu’elle a plus que moi ?

DE PLUS EN PLUS JE VOUDRAIS ÊTRE MORTE

Plusieurs couples ont échoué et abandonné cher journal. Moi, je me contente de survivre, de mettre un pied devant l’autre en priant pour que ces jours et ces nuits interminables prennent enfin fin. Je me sens épuisée, usée par cette danse incessante. Et pourtant, je sais que je n’ai pas le droit de baisser les bras. Pas maintenant, pas tant que je pourrai encore tenir debout.

31ème JOUR

Heures écoulées: 752

Plus que 26 couples!

Peu de forces pour écrire tout ce qui se passe sur la piste et en coulisses.

Enfin un donateur, la bière Jonathan, qui nous a fourni chaussures, pantalons , sweaters… Et pourtant : JE VOUDRAIS ÊTRE MORTE. JE VOUDRAIS QUE DIEU ME FOUDROIE A L’INSTANT. Je sens que Robert en a marre de mes plaintes et de mon envie de mourir. Maintenant voila qu’on nous propose de nous marier pour divertir la foule : NON, NON et NON !

32ème JOUR

Heures écoulées: 783

Plus que 26 couples!

Ils ont trouvé un autre couple qui veut bien se marier. J’en ai marre de tout cela: des vedettes, de danser sans m’arrêter … JE SUIS LASSE DE VIVRE ET J’AI PEUR DE MOURIR (quelle contradiction). Et voila que des femmes viennent nous faire la morale sur ce concours vil et dégradant. Elles veulent fermer l’établissement. Je craque, les insulte, j’ai envie de les frapper, elles me traitent de catin…

35ème JOUR

Heures écoulées: 855

Plus que 21 couples!

La ligue des mères menace d’organiser un meeting si le conseil municipal n’arrête pas le marathon. Mais la loi semble être avec nous…Ces marathons font fureur depuis que le monde va mal… La danse continue…Je faiblis. Le docteur m’ausculte plusieurs fois par jour. Un grand metteur en scène est présent. JE M’EN FOUS, JE VOUDRAIS ÊTRE MORTE

36ème JOUR

Heures écoulées: 879

Plus que 20 couples!

J’ai le cafard … Je ne pense à rien. Le cinéma c’est de la merde. Je ne veux plus être aimable avec des gens que je ne supporte plus. J’en ai fini avec ça. Le mariage a lieu mais catastrophe, un fou furieux a tiré au pistolet et tué Mme Layden par erreur. Un seul petit trou dans son crâne a réussi à lui retirer la vie. Elle en a de la chance ! J’AURAIS TANT VOULU QUE CE SOIT MOI !

La compétition se termine dans un fiasco sans nom. Du sang, il y en avait partout. Et qu’avons nous vraiment gagné ? Quelques $ à partager entre « survivants ». Mais cela peut-il apaiser la douleur qui ronge nos âmes ? Je regarde autour de moi, et je vois des visages creusés par la fatigue, des corps épuisés par l’effort. Nous avons survécu, oui, mais à quel prix ? Robert est là, à mes côtés. Mais sa présence ne parvient pas à chasser ce sentiment de vide qui m’habite. Nous avons traversé l’enfer ensemble, et je me demande si nous en sortirons jamais vraiment indemnes. Peut-être que nous sommes déjà condamnés, condamnés à errer dans les ténèbres pour l’éternité.

C’est décidé … Dernier jour de ma vie

Cher journal,

Ma décision est prise, je m’en vais. Je veux descendre de ce manège. J’en ai marre de toute cette saloperie et de cette hypocrisie qui nous entoure. J’aurais voulu mourir à Dallas, ne pas me rater. Je ne suis moi-même qu’une ratée. Je démolis tout ce que j’approche. Je vais demander à Robert de m’aider à mourir et je sais qu’il le fera car On achève bien les chevaux quand ils souffrent. Il me l’a dit.

BANG!

Lettre pour toi…

Robert, les derniers mots que je confie à ce journal sont désormais les tiens. Si tu les lis c’est que tu as fait ce que je te demandais. Merci…

Mon cher Robert,

Je t’écris ces mots alors que le rideau se referme sur le théâtre de ma vie. Nous avons dansé jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ce que mon corps ne puisse plus supporter le poids de mon existence. Et maintenant, alors que je contemple l’obscurité et le vide qui m’entourent, je réalise que tout doit finir.

Je voulais te dire merci. Merci pour avoir été là, pour avoir partagé ce court mais si long voyage chaotique à mes côtés. Merci de m’avoir supportée aussi longtemps. Tu as été mon roc, ma source de réconfort dans ce monde si impitoyable. Et pour cela, je te serai éternellement reconnaissante même si cela ne m’a pas donné la force de continuer…

Je regrette de ne pas avoir su te dire tout cela de vive voix, de ne pas avoir trouvé les mots pour te dire à quel point tu m’as presque sauvée. Comme tu le dis si bien Robert, je suis en effet une personne aigrie mais je pense aussi lucide. Lucide de ma fragilité et de ma vulnérabilité…Malgré ce que j’ai pu montrer au marathon.

Mais maintenant, alors que mes forces me quittent et que mes pensées s’égarent, je veux que tu saches que tu as été une douce lumière, juste le temps d’illuminer mes jours les plus sombres.

Je veux que tu saches que j’ai su dès le départ que c’était toi qui allait me délivrer et m’offrir une porte de sortie de ce monde que je déteste.

Assise sur ce banc, près de l’océan, je serai décontractée, reposée et à l’aise. Heureuse du sort qui m’attend. Je pourrai enfin sourire…

Après tout on achève bien certains animaux, alors pourquoi pas moi ?

Je te souhaite tout le bonheur du monde, Robert. Que la vie te réserve mille et une merveilles, que tu trouves enfin la paix que nous avons tant cherchée. Et surtout, n’oublie jamais que tu as une place spéciale dans mon cœur, une place que personne d’autre ne pourra jamais combler. Tu es mon sauveur Robert.

Adieu, mon cher ami. Que les vents de l’avenir te guident vers de nouveaux horizons, vers de nouveaux rêves à réaliser.

Avec toute ma reconnaissance,

Gloria enfin en PAIX

Source couvertures

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