Enseigner le français sans travailler en séquence, c’est possible !

 

Depuis une vingtaine d’années, le modèle didactique présenté aux professeurs de français est celui de la séquence, articulée autour d’un thème littéraire et dans lequel tous les domaines du français sont travaillés. Mais ce modèle est critiqué, et il est tout à fait possible d’organiser ses progressions sans séquences.

Les limites de la séquence

Véronique Marchais, co-auteure des manuels Terre des Lettres met en avant les limites de la séquence, notamment concernant l’étude de la langue, dans un entretien accordé à la NRP Collège en septembre 2015.

La diminution du temps consacré à l’étude de la langue

« Le premier problème a été, très crûment, un problème de volume horaire consacré à l’étude de la langue. L’apparition de la séquence s’est accompagnée d’un discours de dévaluation de l’enseignement de la grammaire. Le mot est presque devenu tabou. On préférait l’observation de la langue, le développement de « postures métalinguistiques » rien que ça ! IPR et formateurs répétaient à l’envi que la grammaire n’est pas une fin en soi. Ce dont chacun conviendra aisément. Mais cela ne doit pas faire oublier que si l’on vise une maîtrise de la langue par l’élève, il faut en faire un objectif à part entière, sinon cette maîtrise ne sera jamais atteinte.

Faute de pouvoir traiter tout le programme, les professeurs se sont mis à sélectionner en priorité les points de langue les plus faciles à insérer dans des séquences. Ainsi, certains points (connecteurs, expansions du nom, types de phrases…) étaient revus chaque année ad nauseam, alors que d’autres notions importantes, très structurantes (celles, notamment, relevant de l’analyse fonctionnelle) y trouvaient difficilement leur place. »

Un éclatement de l’enseignement de la langue

Véronique Marchais met également en avant l’éclatement de l’apprentissage des notions grammaticales, au point de perdre toute cohérence :

« Mais le plus gros problème posé par la séquence, en matière d’étude de la langue, est la disparition d’une progression éclairante. Prenons un exemple. En 5ème, le professeur se dit qu’il va commencer par travailler une petite nouvelle policière pour se remettre en train de façon stimulante, et du coup, étudier les descriptions et la manière dont elles contribuent à l’atmosphère du récit; aussi, après quelques vagues et trop rapides rappels sur les classes grammaticales, on attaque les compléments circonstanciels qui organisent cette description. Ensuite, on va faire écrire une petite nouvelle, en caractérisant les personnages, en étudiant les temps du récit et les expansions du nom. Et en route vers le roman de chevalerie, le style épique, les degrés de l’adjectif, la juxtaposition. (…) . Aucun espoir pour l’élève de percevoir la logique de la langue là-dedans, encore moins de voir les notions s’éclairer les unes les autres. De manière évidente, la langue est le domaine qui a le plus souffert de l’imposition de la séquence. »

La « disparition » de la séquence dans les programmes de 2008

Les concepteurs des programmes de 2008, ayant pris conscience de ces limites, n’imposaient pas la séquence comme modèle obligatoire. Ils insistaient même sur l’importance d’une progression grammaticale autonome :

« Les séances consacrées à l’étude de la langue sont conduites selon une progression méthodique et peuvent n’être pas étroitement articulées avec les autres composantes de l’enseignement du français ».

La séquence, obligatoire selon les nouveaux programmes ?

Les projets des nouveaux programmes de 2016 souhaitaient tout d’abord imposer à nouveau la séquence pour l’enseignement du français. Ils ont finalement fait marche arrière suite aux nombreuses levées de boucliers. Ainsi, le mot n’apparaît ni dans les programmes de cycle 3, ni dans ceux de cycle 4.

Au cycle 3

Les programmes de cycle 3 font une distinction entre lecture, écriture et oral d’un côté et étude de la langue de l’autre, tout en insistant sur l’importance des activités langagières :

« Le champ du français articule donc des activités de lecture, d’écriture et d’oral, régulières et quantitativement importantes, complétées par des activités plus spécifiques dédiées à l’étude de la langue (grammaire, orthographe, lexique) qui permettent d’en comprendre le fonctionnement et d’en acquérir les règles. Les activités langagières (s’exprimer à l’oral, lire, écrire) sont prépondérantes dans l’enseignement du français, en lien avec l’étude des textes qui permet l’entrée dans une culture littéraire commune. »

Il est donc tout à fait possible, au cycle 3, de distinguer progression de langue et progression de lecture/littérature.

Au cycle 4

Les programmes de cycle 4 parlent eux de « périodes » :

« Le professeur de français veille à articuler les différentes composantes de son enseignement, en organisant les activités et les apprentissages de façon cohérente, autour d’objectifs convergents, par périodes et en construisant sur l’année scolaire une progression de son enseignement adaptée aux besoins de ses élèves. Ainsi, le travail mené pour développer les compétences langagières orales et écrites est effectué en lien étroit avec la découverte et l’étude de textes littéraires et d’œuvres artistiques, choisis librement par le professeur en réponse aux questionnements structurant la culture littéraire et artistique au cycle 4. »

Ces programmes se distinguent de ceux du cycle 3 car ils n’exigent pas de moments spécifiquement dédiés à la langue. Toutefois, on peut proposer une progression décrochée de langue tout en faisant des liens avec l’étude des textes littéraires. Les séances d’écriture sont notamment un moment privilégié pour articuler maîtrise de la langue et connaissance des textes littéraires.

 

Comment fonctionner sans séquence ?

Concevoir une progression grammaticale

La première chose à faire, que l’on travaille en séquence ou non, est de concevoir une progression grammaticale cohérente. Il est important de penser de penser une progression qui permette de revoir et réutiliser les connaissances acquises antérieurement. Les manuels Terre des Lettres en proposent une pour chaque niveau, vous pouvez consulter ici celle proposée en 4ème.

Je proposerai bientôt un ensemble de ressources trouvées sur le net et qui abordent la question de la progression grammaticale.

Choisir son organisation

On peut choisir de répartir équitablement (ou presque) le nombre d’heures consacrées à chaque domaine : littérature/écriture/grammaire/orthographe. On peut choisir, ou pas, de fixer des jours précis pour tel ou tel domaine. Pour ma part, je me fixe un nombre d’heures hebdomadaire sans fixer un jour précis. Je veille, quand je prépare la semaine, à bien répartir les différentes heures.

Voilà donc comment je fonctionne :

En 6ème : 2h de lecture/écriture – 2h30 de langue.

Et en 4ème : 2h de lecture/écriture – 1h d’orthographe – 1h30 de grammaire.

 

Je vous propose ici des ressources pour concevoir une progression grammaticale.

 

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