Monika…

 

Le regard de Monika, extrait du film suédois Un été avec Monika d’Ingmar Bergman, sorti en 1957, est le premier regard caméra de l’histoire du cinéma. C’est sans doute en partie pour cela que cet extrait est si puissant, mais également pour l’étonnant jeu d’acteur de Harriet Andersson, interprétant Monika, qui était alors seulement âgée de 21 ans.

Ce film, c’est l’histoire de deux jeunes suédois, Harry et Monika, qui décident de fuir la vie active pour séjourner sur une île, où ils passeront un été de rêve. Mais, alors qu’ils vivaient d’amour et d’eau fraîche, la réalité les rattrape : Monika est enceinte, Harry s’inquiète de leur avenir, et ils sont contraints de revenir à Stockholm. De retour, ils se marient. Monika a 17 ans, Harry 19. Et avec le temps, Monika, bien jeune, se sent emprisonnée dans sa vie familiale avec Harry et leur fille. Elle se lasse.

La scène du regard caméra correspond au moment où Harry est parti pour un voyage d’affaire. Monika, qui a confié sa fille, encore bébé, à sa tante, trompe Harry. Assise dans ce que l’on devine être un pub, musique autour d’elle, beau garçon pour compagnie, une cigarette entre les lèvres, elle se tourne vers la caméra pour nous fixer pendant 30 secondes, qui nous paraissent alors interminables. Sans cligner des yeux. Pour celui qui a regardé le film en entier, ce regard nous paraît à la fois provocateur et rempli de désir. Ce désir, conséquence de l’ennui, se meut en joie de retrouver de l’action dans sa vie. Pour ceux qui n’ont vu que ce regard, il est triste.

Monika adresse un regard à la caméra. C’est un regard long, qui dure 30 secondes. On peut interpréter ce regard comme «méprisant» voire «triste» et « provocateur »,« rempli de désir ». La dimension de tristesse que l’on en a nous vient de la façon dont Jean-Luc Godard a qualifié le regard de« plus triste de l’histoire », il a déclaré, en 1958, dans la revue Arts :  « Il faut avoir vu Monika rien que pour ces extraordinaires minutes où Harriet Andersson, avant de recoucher avec un type qu’elle avait plaqué, regarde fixement la caméra, ses yeux rieurs embués de désarroi, prenant le spectateur à témoin du mépris qu’elle a d’elle-même d’opter volontairement pour l’enfer contre le ciel. C’est le plan le plus triste de l’histoire du cinéma. » Dans tous les cas, il nous semble excessivement long et insoutenable. Différentes suppositions peuvent se faire sur cette partie de film : on peut penser que le regard est adressé au spectateur dans le but de le faire réagir, de le provoquer ; on est en 1957, avant la libération sexuelle. Le spectateur d’alors a été choqué par ce regard. De plus, une rupture est créée lors de cet insoutenable regard et l’endroit où nous sommes semble s’éloigner de nous ; se plonger dans cet intense regard nous donne l’impression de nous plonger dans les pensées de Monika. On peut aussi penser que ce regard est un regard de détresse, d’appel au secours qu’elle lance pour qu’on la sauve de son ennui. Pour finir, on peut penser que le regard est adressé au réalisateur qui était son amant dans la vie réelle lors du tournage. Nous rentrons donc dans une intimité de couple et le regard ne nous est donc plus adressé.

D’un point de vue personnel au sein du groupe de réflexion que nous avons formé suite à la rencontre de Sylvain Fraysse qui nous a montré le regard de Monika, et d’un point de vue adolescent, nous ressentons plus de compassion pour Harry, le mari de Monika, que pour cette dernière. Il se retrouve seul avec sa fille qui vient de naître, après avoir surpris Monika avec son amant, alors qu’elle n’occupe ses journées qu’à dormir. La nuit, c’est d’ailleurs Harry qui s’occupe de leur fille. La journée, c’est sa tante : dans tous les cas, ce n’est jamais Monika. C’est pour cela que nous ne la trouvons pas juste envers Harry, car lui travaille toute la journée, il fait de son mieux pour nourrir sa famille et qu’elles soient heureuses, elle et leur fille, et en retour, Monika va jusqu’à le tromper. D’un autre côté, un adulte a plus de compassion pour Monika et comprend son ennui, par l’expérience qu’il a acquise au cours de sa vie.

Quoi qu’il en soit, ce regard est plein d’émotions et conduit le spectateur à s’interroger sur son sens, il ne laisse aucunement indifférent.

 

Julie-Mary, Carla, Camille, Laura, Marie, Sam

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

buy windows 11 pro test ediyorum