Les dormeurs du val

Parodiez, pastichez, il en restera toujours quelque chose

Baudelaire, Les plaintes d’un Icare

Les chéris des prostituées
Sont heureux, dispos et repus ;
Mes petits biceps sont rompus,
Moi qui étreignis des nuées.

Puisque des sublimes comètes
Vers le fin fond du ciel rougeoient,
Mes yeux consumés ne voient plus
Que des souvenirs de soleils.

Inutilement revenu
Des dimensions de l’étendue,
Sous un œil de feu inconnu
Je sens cette plume fondue.

Brûlé du goût pour l’esthétique,
M’est interdit l’honneur sublime
De nommer de mon nom ce gouffre
Qui me reçoit comme un cercueil.

(Les pleurs de l’ex-prisonnier de Minos)

Pourquoi nos amants à catins
Sont-ils gais, dispos, satisfaits ?
Quant à moi, mon bras fut rompu
Pour avoir saisi du brouillard.

Car pour un trou noir pas commun,
Qui flambait au fond du cosmos,
Ma vision s’obscurcit, brûla,
Puis s’annula, oubliant tout.

J’aurais voulu savoir la fin
Du continuum, son mitan ;
Mais l’iris inconnu, brûlant,
Fracassa mon cubitus mou ;

Alors, rôti par mon amour
Du jamais vu, par mon amour
Du trop joli, j’aurai toujours
Un plouf sans nom pour tumulus.

(Chants plaintifs d’Icaros)

Les amants des femmes faciles
Se sentent bien, heureux, repus ;
Mais j’ai les deux bras qui se brisent
Car j’ai étreint tant de nuées.

C’est grâce aux astres sans pareils,
Resplendissant au firmament,
Que mes yeux brûlés ne remarquent
Plus rien que des réminiscences.

En vain j’ai cherché de l’espace
A mesurer l’extrémité ;
A cause d’un regard de feu
Je sens mes ailes qui se cassent.

Brûlé par le désir du beau,
Je n’aurai jamais la faveur
D’appeler l’abîme à ma guise,
Qui me servira de caveau.

(Bébé Dédale pleure)

Les mecs entrés chez les pépées
Se sentent fervents et légers.
Je me sens tellement fêlé
De m’être élevé vers l’éther!

L’effet des célestes vedettes
Est tel… Semences de Géhenne !
Et l’enfermement de mes rêves
Engendre des restes d’Enfer !

Tenté de métrer les extrêmes
Je redescends de mes échelles,
Et les tempêtes me dessèchent,
Et je me sens désempenné.

Crevé des flèches des esthètes
Je désespère d’exceller :
J’erre, éternellement secret,
Hellène enté en mer de Crête!

(Rêve d’éphèbe embêté)

Les amants des belles cocottes
Sont heureux, légers et repus ;
Pour ma part mes bras sont rompus
De trop enlacer des nuées.

C’est grâce aux astres fabuleux
Dont la lueur sous la coupole
Flambe, que mes yeux brûlés
N’ont que souvenances célestes.

Je voulus faussement trouver
Le bout de l’espace, et son centre;
A cause d’un regard de feu
Je sens se casser mon plumage.

Et, brûlé par l’amour du beau,
M’est enlevé l’honneur superbe
De donner mon nom à la mer
Servant à mon corps de tombeau.

(Les doléances de l’enfant de Dédale)

Les amants des femmes faciles
Sont gais, dispos et rassasiés ;
Mais moi, hélas, mes bras se brisent
A force d’étreindre le ciel.

Grâce à cet astre nonpareil
Dans le firmament flamboyant,
Mon regard calciné revoit
Des soleils en ombre chinoise.

En vain j’essayai de l’espace
De chercher la fin et le centre;
Mais par l’effet de l’œil de braise,
Je le sens, mon aile se casse.

Calciné de la fièvre esthète,
Je serai privé de la gloire
De donner mon nom à l’abîme
Dont je serai l’enseveli.

(Les plaintes d’Icare)

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