Les dormeurs du val

Parodiez, pastichez, il en restera toujours quelque chose

Remords posthume. (sans a)

Lorsque vous dormirez, ô belle ténébreuse,
Dessous un monument construit en turquin noir,
Et lorsque pour unique petit coin dodo
Vous serez près du fond humide d’une fosse,

Pierre, oppression pour votre poitrine peureuse,
Pour votre ventre souple et privé de souci,
Votre cœur, empêché de vibrer, de vouloir,
Et vos pieds de courir leur course insoucieuse,

Le trou, ce confident de mon rêve infini
(En effet c’est le trou qui comprend le poète),
Le long des noires heures d’où le sommeil s’exile,

Vous l’entendrez vous dire : « Inutile roulure,
Vous ne sentez donc point ce que pleurent les morts ? »
Et puis le ver, rongeur de cuir, comme un remords !

Trop tard ! (sans e)

Oh ! Quand tu dormiras, mon brimborion si noir,
Au fond d’un tumulus bâti d’un dur granit,
Quand tu n’auras alors pour châlit ou manoir
Qu’un mastaba suintant, un trou pour tout abri,

Quand un caillou trop lourd ira sur ton poitrail
Ou ton flanc qu’assouplit un charmant nonchaloir,
Paralysant ton sang, ton amour, ton vouloir,
Ou ton pas qui n’ira plus jamais au travail,

Ton tumulus, qui sait mon imagination
(Car aux bons tumulus plairont nos troubadours),
Au cours d’instants trop longs pour dormir, frustration !

Dira pour toi, catin sans foi, au vain parcours :
« N’as-tu donc pas connu un grand chagrin aux morts ? »
Puis sans fin, sur ton cuir, mordront maints asticots.

Remords posthume. (sans i)

Quand tu ronronneras, ma belle ténébreuse,
Au fond d’un monument tout en marbre foncé,
Et lorsque tu n’auras pour alcôve et demeure
Qu’un caveau suant l’eau et qu’une fosse creuse,

Quand la dalle, écrasant ta mamelle peureuse,
Et tes flancs rendus souples par ta nonchalance,
Empêchera ton cœur de battre et de s’ébattre,
Et tes pas de marcher leur marche aventureuse,

Le tombeau, sachant tout de mon rêve sans bornes
(Car le tombeau toujours comprendra le poète),
Durant ces longs moments obscurs, au somme absent,

Hurlera: « C’est trop tard, cocotte peu douée,
Car tu n’as pas connu ce que pleurent les morts ! »
Et le ver rongera ta peau comme un remords.

Repentir après décès. (sans o)

Quand tu pénètreras, ma belle ténébreuse,
Dans le creux d’une stèle en marbre basané,
Et quand tu n’auras plus en guise de pénates
Qu’un caveau pluvieux et qu’une niche creuse,

Quand la pierre, écrasant ta mamelle peureuse,
Et tes flancs qu’infléchit ta charmante apathie,
Empêchera tes seins de palpiter d’envie
Et tes pieds de marcher leur marche aventureuse,

Le sépulcre, qui sait mes rêves infinis
(Car sans cesse un sépulcre aimera les aèdes),
Durant ces grandes nuits privées de léthargie,

Te dira : « Que te sert, tapineuse imparfaite,
D’être passée si près des chagrins des défunts ? »
Et le ver mangera ta peau, tel un regret.

Remords de cimetière. (sans u)

Ton sommeil arrivé, ô belle, ô ma ténèbre,
Dans le fond de ta stèle en cipolin très noir,
Habitat rétréci, comme alcôve et manoir,
A cette tombe moite, à cette fosse vide »

La pierre enfin scellée broyant ton sein craintif
Et ton flanc malléable à force de mollesse,
Empêchant ton poitrail de battre et de sentir,
Et ton pied de marcher sa marche de hasard,

La tombe, confidente en mon rêve infini
(Car la tombe parfois comprendra le poète),
Pendant ces moments sombres bannissant le somme,

Te dira : Rien ne sert, hétaïre imparfaite,
De n’avoir pas compris le grand chagrin des morts ! »
Le ver grignotera ton derme, ô repentir !

Punition du sous-sol. (sans a ni e)

Cours-y dormir, ô mon joli brimborion noir,
Sous ton gourbi pur stuc, construit pour un long soir,
Sur un profond lit clos, illusion du logis!
Ou sous l’humus moisi ? Roupillons non choisis !

Qu’un roc lourd soit un poids pour ton poumon oisif,
Pour ton dos insoumis toujours loin du souci !
Voici ton pouls rompu, ton vouloir circonscrit !
Toi qui courus toujours, voici ton cours fini !

Sitôt, du tumulus, copin pour nos visions
(Toujours un tumulus inclut un tourlourou),
Du jour noir, infini, donc si loin du dormir,

Sortiront moult discours : « Dis, houri du trottoir,
Pourquoi proscrivis-tu un guignon pour nos morts ? »
Puis vingt morpions, ou plus, mordront sur ton cuir brun.

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