Un tableau, Hirlande 4è3

J’arrivai ce soir-là dans la maison de mon arrière-grand-père qui se trouvait au milieu de la forêt. Je venais d’en hériter après la mort de celui-ci. Sa femme était morte des années avant ma naissance. Je n’avais jamais su la cause de son décès. Le manoir ressemblait à ceux des films d’horreur. J’étais là pour le rénover et le vendre. Le taxi parti, je restai seule au pied de la porte, avec ma valise et mes toiles car je peins.

J’entrai. Il n’y avait pas de meuble. Je posai mes affaires à côté de la porte dans le hall et visitai la maison. Les sols étaient poussiéreux et les portes grinçaient. Dans le salon se trouvait une immense cheminée qui se prolongeait au premier étage. Il faisait froid dans ce manoir. Je redescendis et vis dans la cave une étagère, que j’inspectai avec le flash de mon smartphone. Posé sur l’étagère, il y avait un cadre assez grand et emballé, à côté de bougies et d’allumettes. Dans la cave à vin, je trouvai une bouteille de vin vieux. Je remontai au salon avec toutes mes découvertes.

Je m’installai au salon avec ma valise, les allumettes, les bougies et le cadre. Dans la cheminée, quelqu’un avait laissé un assemblage de bûches, alors je jetai du papier dans le foyer et allumai avec les allumettes. Immédiatement un feu surgit. Je regardai la bouteille, elle n’était pas ouverte. Je la débouchai avec mon couteau et la goûtai. Le vin était amer. Sur l’étiquette, on pouvait lire « A ma tendre épouse décédée ».

J’ouvris ensuite l’emballage du cadre. C’était le portrait d’une femme. Elle avait un regard triste. Elle me disait quelque chose. Je me focalisai sur son regard, comme envoûtée. Soudain j’entendis un soupir. Je me retournai mais il n’y avait rien. Je décidai alors d’essayer de reproduire ce beau tableau. Au bout de quelques minutes d’esquisse, je voulus copier le regard de cette femme mais je n’arrivai pas à reproduire son expression. Je me rendis compte alors que pendant que je tentais de la peindre, j’avais bu toute la bouteille de vin. Je fixai à nouveau ses yeux mais tout à coup je les vis bouger.

Je sursautai, je les regardai encore et cette fois, ils me fixèrent puis tournèrent lentement vers ma gauche. Terrorisée, je suivis son regard et me rendis compte qu’elle me désignait un carton que je n’avais pas vu. Je rampai vers le carton et l’ouvris. Il y avait des photos et des lettres. Tout au fond du carton, je trouvai une robe. Je la sortis. C’était la même robe que portait la femme de la toile. Les lettres parlaient de son histoire d’amour avec son mari. Sur les photos pourtant, il n’y avait qu’elle, l’emplacement de son mari était toujours vide. Elle partageait une glace, un banc, seule, avec une personne qui aurait dû apparaitre mais dont la place était vide.

Je repris la robe et montai à l’étage pour trouver une pièce avec un miroir. J’ouvris plusieurs portes sans succès. Je sentais que l’alcool commençait à faire effet, je voyais trouble et titubais. Enfin j’ouvris une porte qui me mena à une chambre avec une armoire et un miroir. J’essayai la robe. Je me regardai et vis dans le miroir une tache de sang apparaitre lentement et se répandre sur le ventre de la robe. Etait-ce une hallucination due à l’alcool ? J’enlevai rapidement la robe qui s’avéra intacte, me rhabillai et retournai dans le salon. Là je tombai inconsciente au moment où je rangeais mes pinceaux pour fuir cette demeure maudite.

Je me réveillai en suffoquant dans les fumées produites par la cheminée qui était bouchée. J’aérai en ouvrant une fenêtre. Toutes mes affaires étaient rangées et j’étais la proie d’un violent mal de tête. Soudain je vis que la femme dans le tableau n’était plus seule. Un homme l’accompagnait. Je m’approchai, retournai le cadre et lus : « Georges et Marie Aimée ». Aimée était mon nom de famille. Marie était mon prénom. Mon père me l’avait donné en mémoire de mon arrière-grand-mère.

Je repartis à l’endroit où j’avais laissé le carton plus tôt mais il n’y était plus. A sa place, je vis une lame de parquet déconnectée des autres. Je la soulevai et dessous je trouvai une longue lettre destinée à mon grand-père. Dans cette lettre, mon arrière-grand-mère expliquait à son fils qu’elle avait peur de son mari, qu’il était violent et elle lui demandait de l’excuser de sa fuite, planifiée pour le lendemain de la date sur l’en-tête.

Je compris alors ce qui s’était passé le jour de sa mort et pourquoi personne ne m’avait jamais répondu à ce sujet. Je laissai tomber la lettre et terrifiée, courus prendre mes affaires. Je sortis du manoir. Il y avait beaucoup de vent, les arbres bougeaient violemment. Je courus à travers la forêt jusqu’à tomber sur la départementale. Au bout de quelques minutes de stop, une voiture accepta de m’emmener vers la prochaine ville. Je luttai pour ne pas m’endormir sur le siège arrière mais je finis par succomber au sommeil.

Je fis un rêve terrible : j’étais dans le parc du manoir de mon arrière-grand-père. Je vis un couple suivi d’un petit garçon qui entraient par la grande porte. Les adultes se disputaient et le petit garçon avait un air coupable. Personne ne faisait attention à moi. Je reconnus les visages de mes arrières-grands-parents. Ils claquèrent la porte d’entrée mais je parvins en marchant un peu à trouver une fenêtre à ma hauteur. Ce que je vis me glaça. Mon arrière-grand-mère était allongée à terre, dans une mare de sang. Mon arrière-grand-père tenait, choqué, un couteau plein de sang et mon grand-père avait disparu. Je retombai en arrière, inconsciente. Je me réveillai dans la voiture inconnue.

 

 

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