Le manoir, Théo 4è3

Le manoir semblait abandonné depuis vingt ans. Tout était sale, cassé, les portes, les fenêtres. Il appartenait à ma famille depuis des générations. Les circonstances de mon retour n’étaient pas joyeuses : la mort de mon père depuis quelques semaines me rendait l’unique héritier de ce lieu. Mes souvenirs d’enfance étaient extraordinaires : nous vivions tous ensemble, large famille propriétaire remplie de joie et de bonheur. Les enfants y étaient heureux : nous jouions des parties de cache-cache interminables dans cet immense endroit rempli de pièces parfois mystérieuses. Tout était parfait jusqu’à ce jour tragique : la mort de ma petite soeur, tombée dans les escaliers.

Toute la famille se sépara et personne ne remit jamais les pieds dans le manoir jusqu’à aujourd’hui. A la mort de mon père, j’appris qu’un testament m’avait été laissé, me donnant la propriété de cet endroit. Je n’était pas très enchanté par cette nouvelle et devoir y retourner me glaçait le sang. Je décidai finalement d’y aller afin de tourner définitivement la page de cette tragédie. J’actionnai la poignée de la porte qui s’ouvrit sans trop de résistance. Elle était couverte de toiles d’araignées.

Je pénétrai à l’intérieur, il faisait très sombre avec une lourde odeur de moisi et de poussière. Je me sentis tout à coup anxieux et apeuré, comme si c’était la première fois que j’y mettais les pieds. Je me rendis à l’aide de ma lampe de poche dans le salon, enfin ce qu’il en restait. Des cafards couraient sur le sol, les fenêtres garnies de rideaux crasseux et déchirés étaient cassées, ainsi que les volets. Il faisait très froid et j’eus la chair de poule. Tout à coup, j’entendis des bruits de pas sur les planches à l’étage, comme s’il y avait quelqu’un dans le manoir.

Je restai immobile pendant de longues secondes, incapable de bouger. Je repris mes esprits et pensai qu’il s’agissait d’hallucinations. Je me décidai à prendre mon courage à deux mains et montai à l’étage. Les escaliers craquaient sous mes pieds, augmentant à chaque pas ma boule au ventre. Le magnifique tableau de ma famille était encore accroché dans le couloir de l’étage, intact, et la vision de ma soeur me donna les larmes aux yeux.

Tout à coup, je faillis retomber en arrière dans les escaliers : la peinture de ma petite soeur clignait des yeux, me donnant l’impression d’avoir un fantôme en face de moi. C’était impossible, sans doute le fruit de mon imagination ! Je ne pouvais plus bouger, la peur avait pris le dessus. La seule chose dont j’avais envie était de m’enfuir en courant. Pourtant une force m’obligeait à rester, peut-être qu’après tout l’esprit de ma soeur était resté depuis toutes ces années dans ce manoir.

Je décidai alors de me rendre dans ma chambre, elle était restée comme avant : un petit lit au milieu de la pièce, avec encore des vêtements posés dessus. L’armoire était remplie de jouets. Lorsque je m’approchai pour contempler ces vestiges de mon passé, je sentis un courant d’air me caresser le visage. Pourtant aucune fenêtre n’était ouverte et la porte était fermée. J’éprouvai un sentiment bizarre, comme si mes jambes refusaient de bouger.

Je n’osais pas me retourner. J’avais peur de voir quelqu’un, un fantôme. Une main se posa sur mon épaule, je fis volte-face et là, je vis ma soeur, comme lorsqu’elle avait huit ans, me sourire et me regarder de haut en bas. C’était un rêve ou un cauchemar. Je restai bouche-bée devant elle. J’étais terrifié. Elle me dit

« Je suis restée dans ce manoir depuis que vous êtes tous partis. »

Comment était-ce possible ! J’étais en train de rêver ! Elle continua :

« Je suis restée toutes ces années car tu n’as jamais réussi à te pardonner ma mort. Il faut maintenant m’aider à m’en aller. »

Je ne savais pas quoi lui répondre. La mort de ma soeur avait été une tragédie que personne n’avait réussi à oublier. J’étais le premier à revenir sur les lieux. Lorsque je levai les yeux de ma rêverie, elle n’était plus là. Je comprends aujourd’hui que la seule chose qu’elle souhaitait, c’est que je vive, malgré le geste qui l’avait poussée et que je ne me pardonnais pas. Je sortis du manoir avec une seule idée : le mettre en vente. Je n’y retournerai plus jamais.

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