11 novembre 1918 – 11 novembre 2011: La « der des ders » en chansons.

Le clip vidéo: Little Dolls de l’album « la république des Météores » du groupe Indochine.

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   poiluIl y a 93 ans s’achevait la Première Guerre mondiale qui laisse derrière elle 10 millions de morts, des centaines de milliers de blessés, des dizaines de milliers de « gueules cassées ». Alors que le dernier poilu est mort l’an passé (Lazare Ponticelli), il ne reste plus aujourd’hui de témoins directs du conflit seulement des traces encore visibles dans le Nord et l’Est de la France( cimetières, ossuaire de Douaumont, mémoriaux…) et les monuments aux morts de nos communes. Malgré ce temps qui inéxorablement nous éloigne de ce terrible conflit, la Première Guerre mondiale reste un sujet qui interroge, un événement qui a marqué des familles entières. Encore aujourd’hui de nombreux chanteurs ou groupes, comme le faisaient eux mêmes les poilus ( la chanson de Craonne), à notre grande surprise, évoquent dans leurs chansons, à leur façon, cette boucherie.

   Le groupe  » Indochine » dans leur dernier album « la République des Météors » fait de la Grande Guerre leindochine-la-republique-des-meteors coeur de celui-ci. On y dénonce la mort de masse, la brutalité du conflit. Miossec, dans son album « Brule », a une chanson qui a pour titre « le défroqué ».Il se met dans la peau d’un déserteur : »J’ai déserté les champs de bataille/les nuits que je connaissais trop bien/ je ne fais plus dans la canaille/… ». Marie Charrier dans « le temps des noyaux », album qui date de 2007,  dénonce la bataille du chemin des dames de 1917 qui fut une véritable boucherie et celui qui en est à l’initiative le général Nivelle « ce con de Nivelle ». On sait que cette bataille explique en grande partie les mutineries de l’année 1917 dans les rangs de l’armée française.

  brulePlus de 90 ans après cette guerre, les artistes continuent à la chanter comme ils l’ont toujours fait mais plus de la même façon. Si auparavant on mettait en avant la grandeur héroïque et patriotique comme le fait remarquer Nicolas Offenstadt dans son article dans le magazine « Histoire » N° 347 , à présent on s’intéresse ax hommes, à leur souffrance et même aux femmes des poilus. Magyd Cherfi, ex-chanteur de Ebda, consacre une chanson à » la femme du soldat inconnu ». 

  Drôle de revirement, car combien de fois le poilu de son vivant a été l’objet de quolibets. On ne voulait pas écouter le grand père avec sa guerre en oubliant qu’il n’avait que 20 ans lorsqu’il fut envoyé dans les tranchées de Verdun ou de la Somme. 

     Source: article de Nicolas Offenstadt « un petit air de 14-18 ». Magazine « l’Histoire » N°347. Novembre 2009.                               

Une réflexion sur « 11 novembre 1918 – 11 novembre 2011: La « der des ders » en chansons. »

  1. « VERRE D’EAU »

    On l’appelait ironiquement « Verre d’eau ».

    Auguste était un vieil ivrogne sans nom.

    Hydraté dès le lever avec la pire des piquettes, la matinée se terminait invariablement dans une noyade de tonnerre et de feu, la grosse gnôle prenant vite le relais des p’tits canons…

    A travers cette voluptueuse agonie de sa conscience le buveur nageait, tour à tour hilare, hébété, larmoyant, dans ce qui semblait être son véritable élément : un univers sinistre d’amnésie tranchante et de gaité frelatée.

    Soixante-cinq ans que cela durait. Une existence entière vouée à l’ivrognerie la plus crasse.

    L’on s’étonnait d’ailleurs que « Verre d’eau » fût encore de ce monde après cette longue vie arrosée des pisses de Bacchus.

    Mais il était solide l’Auguste ! Faut-il qu’il y ait un Dieu pour les assoiffés sans fond… Il est vrai qu’il avait survécu aux tranchées de la « 14 ». A le voir ainsi, lamentable, abreuvé d’indignité, dégueulant son ivresse, qui l’eût cru ?

    Après avoir traversé l’enfer de la Grande Guerre, qu’est-ce qui aurait donc pu l’abattre ? Pour ce passé héroïque on pouvait bien lui pardonner son vice, au vieil Auguste… Son statut de vétéran le maintenait malgré tout en estime dans le coeur de ses concitoyens navrés de le voir chanter ses « gnôleries » du matin au soir.

    Lui, ne parlait jamais des tranchées. Soûl à toutes heures de sa vie, comment aurait-il pu tenir une conversation cohérente sur quelque grave sujet ? Même lors des commémorations annuelles, il recevait l’accolade du maire l’haleine chargée de tous les alcools du diable… Se souvenait-il encore au moins de sa jeunesse dans la boue des combats ?

    « Verre d’eau » finit par mourir dans un dernier hoquet désespéré dédié à la vigne qui, depuis l’âge de vingt-deux ans, l’avait aidé à vivre.

    A oublier surtout.

    Il buvait comme un trou depuis l’âge de vingt deux ans… C’était en 1918, la fin de la guerre. Celui que désormais on allait bientôt surnommer malicieusement « Verre d’eau » venait d’être démobilisé. Vingt-deux ans et déjà toute l’horreur des tranchées dans le regard.

    Pauvre « Verre d’eau » ! Homme pitoyable, misérable, lamentable, mais surtout âme sensible brisée en pleine jeunesse, nul ne saura jamais son secret d’ivrogne.

    On inhuma bien vite le défunt sans famille.

    Nul ne sut que ce sobriquet de « Verre d’eau » sonnait aussi juste chez lui, deux syllabes lourdes comme le son du glas, sombres tel le chant fatal de l’airain…

    « Verre d’eau » : des sons clairs et sereins si proches des sons de l’enfer. Des sons qui, ironie du destin, rappelaient son drame, poignant.

    Car le drame de « Verre d’eau » c’était…

    Verdun.

    Raphaël Zacharie de IZARRA

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