Oct 25 2022

Temporada 2022

Publié par Giraldillo dans Non classé      

Pour commencer, côté bétail, la confirmation que La Quinta est dans un grand moment. Les pupilles des frères Conradi ont triomphé à peu près partout mais les meilleurs moments ont eu lieu en Arles avec deux vueltas, à Santander où Hurón a été gracié et surtout à Dax avec deux vueltas et l’indulto de Sardinero. On retiendra aussi une bonne corrida de Baltasar Ibán à Vic et celle de Pedraza à Mont de Marsan ainsi qu’un bon lot de los Maños chez eux. Dans un autre style, Victoriano del Río fournit des toros à faena, à Madrid notamment (trois Grandes Portes) pour toreros capables d’en tirer la quintessence. Après le coup de poker cérétan de l’an passé, Reta donne de l’émotion à Estella dans une corrida d’un autre temps où Santero se détache et permet au torisme le plus intransigeant de se revigorer.

Pour la temporada française, un clair triomphateur : Daniel Luque qui s’est aussi hissé sur le podium ibérique mais sans remplir les arènes. Séville et Dax (dans son solo puis en septembre) auront été ses faits d’armes les plus marquants mais il a aussi obtenu un trophée d’un victorino à Valence avant de triompher pleinement en Arles (4 oreilles et une queue) ou à Mont de Marsan.

Le torero qui surprend le plus, avec ses 25 ans d’alternative, c’est Morante qui a eu la volonté de toréer comme à la belle époque, ses 100 corridas, avec fraîcheur, parce qu’il torée avec plaisir, en baissant son cachet pour défendre son art et face à des encastes variés (peut-être une prise de conscience tardive), le tout avec une maîtrise que seules donnent des années au sommet et bien-sûr la verve qu’on lui connaît. Quand d’autres pérorent, lui s’exprime avec puissance dans un savant mélange de sagesse et de passion, toujours selon son humeur, recréant des images d’un autre temps en imprimant sa personnalité. Tout un cours de sévillanisme qui surgit le mieux in situ, chez lui, dans le temple du toreo où il s’est vidé par deux fois cette saison, remplissant nos rétines d’étoiles car son toreo n’est pas de ce monde, c’est une succession de marbres auxquels il insuffle non pas la vie mais la sienne propre comme s’il était lui-même sa Galatée et comme pour faire sienne la phrases de José Tomás (dont les deux événements à guichet fermé ne sont qu’autant d’anecdotes et dont on aimerait également que propos et faits coïncident plus), à savoir que pour celui qui s’habille de lumières, « Vivre sans toréer, ce n’est pas vivre ». Pour ses grands jours, aucune rivalité possible. Les autres toreros n’ont plus qu’à dire : « Eteins et on s’en va ». Ces jours-là, il donne tout, il en va de sa raison de vivre, de sa vie même, qu’il met en jeu pour se recréer dans la suerte, se sentir éternel quelques instants alors qu’il est au bord de tout perdre mais sans héroïsme dévoyé, sans témérité ostentatoire, juste par offrande à l’idée d’une beauté absolue. Mais bien-sûr on peut s’en passer, tout cela n’est pas si important. Comme l’écrivait Sartre, la nature peut tout aussi bien se passer de l’homme. Tout peut être relativisé, jusqu’à ne plus rien laisser, ni la vie et bien-sûr ni la mort, l’un n’allant pas sans l’autre, nous autres qui la ritualisons l’avons bien compris.

Redescendons sur terre après ce panégyrique, le numéro un du toreo, celui qui triomphe le plus souvent et qui plus est de manière incontestable, c’est bien Roca Rey. Le jeune péruvien a gagné en maturité sans perdre de cette fougue et de ce don de soi qui font se remplir les arènes. Lui frôle parfois la témérité et parvient à émouvoir par le côté tragique quand la voie de l’esthétisme se ferme. Ses prestations les plus marquantes ont eu lieu à Séville, à Pampelune, à Bilbao surtout et à Madrid mais la liste de ses triomphes n’en finit plus.

La confirmation de la saison s’appelle Tomás Rufo qui s’offre les deux Grandes Portes les plus improbables : Séville et Madrid, pour sa première saison complète. Parviendra-t-il à rivaliser avec le Roi du toreo? Si c’était le cas, ce serait un nouvel âge d’or qui se dessinerait mais nous n’en sommes pas là. La révélation de cette année a pour nom Ángel Téllez, dans un toreo pur, parfait, de face et à la corne opposée qui le projette au premier plan. L’Absent, ou presque, sur blessure, j’ai nommé Emilio de Justo, a semblet-il fait des émules et on ne peut que se féliciter de ce retour au classicisme. L’autre révélation c’est Leo Valadez qui pourrait être le grand torero dont l’afición mexicaine a besoin.

Ensuite il y a beaucoup de déceptions, des demi-triomphes sporadiques au sens où, à la fin de la saison, il ne reste plus rien dans les mémoires, ou si peu, de toreros qui ont plus donné dans le passé et qui empêchent encore le renouvellement des générations. Mais cette profession est d’une grande dureté et une fatigue passagère ne présage pas pour d’autres d’un déclin définitif. Malgré quelques faenas réussies, Talavante est une des grandes déceptions. C’est un retour en demi-teinte. Après un début de saison inespéré, El Juli a fait son train-train, un peu comme Manzanares ou Perera, ce dernier peinant plus à rentrer dans les ferias. Urdiales, Ureña ou Ferrera n’ont pas été à la hauteur non plus de leurs dernières saisons même s’ils donnent des tardes intéressantes de-ci de-là. Marín est un très bon torero mais il émeut peu, comme Lorenzo mais un ton en-dessous. Aguado et Ortega malgré les oppotunités et leurs qualités intrinsèques n’ont pas brillé.

Il y a aussi des toreros qui peu à peu gravissent des échelons et qui un jour peuvent exploser : Garrido ou Colombo entre autres.

Chez les Français, Leal reste le plus en vue même s’il n’a pas été reconduit dans certaines ferias où il avait pourtant triomphé dans le passé. On a permis à Clemente de se faire une place et il ne s’en est pas privé. Dufau a triomphé à Mont de Marsan et Salenc à Bayonne, notamment. El Rafi et Canton ont aussi eu leur moment.

Parmi les spécialistes des fers les plus âpres, certains toreros ont du mal à garder le rythme et il y a eu de véritables déroutes que nous passerons sous silence. Les spécialistes les plus en vue restent les toreros éprouvés : Gómez del Pilar (deux fois une oreille à Madrid), López Chaves, Alberto Lamelas, Sánchez Vara, Javier Cortés et encore et toujours Manuel Escribano et Rafaelillo pour un retour gagnant. Pinar, irrégulier, a brillé à Béziers face aux miuras. Une des seules « nouveautés » de la saison est Adrián de Torres qui a surgi à Cenicientos.

En novilladas, le Mexicain Fonseca a fait le plein avant de prendre l’alternative puis ont pris le relais une génération de toreros prometteurs qui, espérons-le, vont mettre à la porte ces vieux consuls qui vivent assez confortablement de leurs rentes : Martínez, Alarcón, Molina, Hernández mais aussi Peseiro vu à Céret face une brave novillada d’Alejandro Vázquez. Chez les français, Yon Lamothe a pleinement confirmé sa saison passée et c’est en Espagne qu’il devra triompher l’an prochain pour se placer sur une rampe de lancement. Solalito reste un espoir qui apprend son métier.

S’il fallait décerner un prix aux quadrilles, celui au meilleur picador reviendrait sans doute à Oscar Bernal et celui du meilleur banderillero à Fernando Sánchez. Mention spéciale à la carrière de José Antonio Carretero : chapeau.

L’année 2022 sent aussi le roussi pour nous, pauvres malades barbares que nous sommes. Mexico a fermé ses portes, la Colombie toute entière devrait suivre et la France met la question sur la table même si les arènes font le plein et que le numéro de corridas reste stable. En Espagne, la saison a été bonne dans le circuit majeur mais les arènes mineures ouvrent de moins en moins leurs portes. Le public serait-il fatigué de spectacles peu sérieux ? Le modèle de Villaseca de la Sagra ou celui des aficionados des Tres puyazos à San Agustín de Guadalix est celui qu’il faut suivre, l’exemple français en somme. Cocorico (mais pas trop).


Sep 2 2022

Roca Rey

Publié par Giraldillo dans Portraits      

Andrés Roca Rey est né dans la capitale péruvienne le 21 octobre 1996. A 25 ans, il a déjà écrit une page de l’histoire taurine, ce qui lui vaut amplement une première rétrospection. Véritable phénomène dépassant l’orbite taurine en ces temps d’ostracisme, sa courte carrière est en effet fulgurante. Son toreo a parfois cassé les shémas pré-établis et il est actuellement le seul à remplir les arènes (José Tomás mis à part mais dans de très rares occasions). Il a une personnalité charismatique dont l’aguante est la traduction la plus torera. Le Roi s’est d’ores et déjà taillé un empire car il n’a pas de rival, tant dans l’ancienne génération qu’il ringardise un tant soit peu, que dans la nouvelle où les talents ne manquent pourtant pas, Ginés Marín en tête. Tomás Rufo, peut-être, on ne peut pour l’heure que le souhaiter, sera-t-il capable d’établir la comparaison ? Andrés est un roc, son toreo est solide, dominateur mais il ressemble parfois aussi à un roseau, flexible jusqu’à l’élasticité, il fait passer une masse de plus d’une demi-tonne dans des trous de souris, se jouant des terrains, toréant la mort comme s’il s’agissait d’un jeu, leurrant le toro de son seul bout de tissu en oubliant son corps tout en connaissant la douleur infligée par la corne. Torero en or, il révèle un grand nombre de toros, en se plaçant au plus près, en supportant le frôlement des pointes et en conduisant la charge puis en recommençant jusqu’à apprendre au toro. Voilà le sens de la phrase : « Torear no es engañar al toro, es desengañarlo ». C’est en ce sens que certains indultos sont dus aux toreros qui permettent de découvrir un toro pour peu que celui-ci consente à se livrer. Depuis El Juli aucun torero n’était arrivé avec autant de force et c’est celui-ci qui lui a cédé le sceptre après vingt années passées sur le trône.

Il reçoit son premier coup de corne en août 2013 à Villarcayo alors qu’il n’en est qu’au premier stade de son apprentissage. C’est en France que le petit péruvien, dont l’oncle était torero à cheval, alors sous la houlette d’un faiseur de rois comme José Antonio Campuzano, fit ses débuts avec les cavaliers au castoreño, précisément à Captieux, le 1er juin 2014, obtenant un triomphe retentissant avec trois trophées. Les aficionados de notre pays auront aussi l’occasion d’apprécier sa projection à Hagetmau, Béziers ou Bayonne, sans jamais repartir bredouille.

Après un rodage de 12 spectacles en Europe, l’année suivante sera suffisante pour arriver avec la préparation et la force suffisantes pour l’alternative en en rajoutant 22 de plus. Lors de sa présentation à Madrid, le 19 avril, il sort insolemment en triomphe par la Grande Porte, avant d’en faire de même à Aire sur l’Adour (dans une tout autre catégorie bien-sûr) puis à Séville (par la porte des quadrilles) et un certain nombre d’autres « places » comme Captieux , Tarascon ou Roquefort pour la France et outre-Pyrénées Santander, Villaseca et surtout Bilbao (trois oreilles).

Le 19 septembre 2015 il fit son entrée dans la cour des grands sans complexe, au contraire, en défiant l’establishment de la montera. C’était encore en territoire « gaulois », ou plutôt gallo-romain, dans l’amphithéâtre nîmois, parrainé par Enrique Ponce et sous les yeux de Juan Bautista. Il obtint là son premier triomphe de matador avec un trophée de chaque adversaire de Victoriano del Río, dont Pocosol, le toro de la cérémonie d’ouverture. Sa présentation en Espagne, tout aussi triomphale, a lieu trois jours plus tard à Logroño. Cette dynamique se poursuivra dans ses Amériques, notamment à Lima le 29 novembre puis à Cali malgré un coup de corne reçu dans la Mexicaine Guadalajara, son baptême du sang en tant que matador.

Le début de saison 2016 est imparable avec un triomphe à Valence puis Arles et le 13 mai suivant, il confirme son doctorat des mains de Sébastien Castella et en présence d’Alejandro Talavante et sort pour la première fois par la Grande Porte madrilène en coupant les deux oreilles d’un animal de Conde de Mayalde. Les succès se succèdent comme à Grenade, Alicante, Burgos puis Pampelune (5 oreilles en tout), Mont de Marsan, Valence à nouveau, Santander, Vitoria, Pontevedra, Huesca, Béziers, Dax, Saint-Sébastien avant de connaître un coup d’arrêt en plein mois d’août, à Malaga.

En 2017, il commence bien la temporada à Valence puis essorille un toro à Séville le 5 mai avant d’obtenir un appendice lors de la feria de San Isidro puis de sortir par la Grande Porte de Pampelune pour la troisième fois. En France, c’est à Béziers qu’il obtient sa meilleure prestation avant Bilbao (3 oreilles en deux corridas) puis un trophée pour la feria du Pilar.

Il triomphe pour la troisième année consécutive pour les Fallas 2018 avant de toucher du poil à Séville (il recommencera pour San Miguel) comme à Madrid. C’est toutefois à Pampelune qu’il obtient son plus gros triomphe (6 oreilles en deux corridas) avant de les enchaîner en été comme à Saint-Sébastien, Malaga et surtout Bilbao où il coupe les deux oreilles d’un toro de Victoriano del Río puis Valladolid, Murcie, Albacete et Salamanque. Au bout du compte, il montre à qui de droit que le n°1, à partir de là, c’est lui, qui remplit les arènes et donc qu’on cherche à engager en premier pour quelque feria que ce soit.

En 2019, il arrive à se hisser encore un cran au-dessus pour écraser la concurrence (peut-être au-dessus des ses moyens, de ceux d’aucun être humain), il triomphe encore en Valence en début de saison puis coupe les deux oreilles d’un toro de Cuvillo à Séville le 3 mai alors que la queue avait été sollicitée (plus une autre une semaine plus tard) puis celles d’un toro de Parladé le 22 à Madrid juste après avoir été retourné et blessé par son premier. S’il se remettra bien du coup de corne peu profond, la lésion aux cervicales le poursuivra et s’aggravera même au point de devoir interrompre sa saison début juillet. L’année du confinement est pour lui une page blanche et la suivante qui n’est qu’une demi-saison ne le montre pas aussi pléthorique.

Il faut attendre le « retour à la normalité » pour voir Roca Rey donner sa pleine mesure avec un toreo plus mature que donne probablement l’assurance d’avoir atteint le sommet alliée à la volonté de vouloir y rester et la certitude d’en être capable, vienne qui vienne essayer de l’y déloger. Les changements de trajectoire intempestifs dans le dos ou par bernadinas se sont plus aussi systématiques, les formes deviennent plus classiques. Même sans obtenir de trophées à Madrid où l’épée lui a joué des tours, il est apparu à tout moment en figura, tenant son rang. Cette saison 2022 est assurément l’une des tout meilleures de sa jeune carrière avec un succès à Valence pour l’ouverture de la saison dans les grandes arènes, un double trophée à Séville où il frôle à nouveau la Porte du Prince, cinq oreilles à Pampelune et une grande faena face au toro Jaceno de Victoriano del Río, jusqu’à sa prestation épique de Bilbao du 25 août où il ressort de l’infirmerie blessé pour obtenir les deux oreilles après celle coupée à feu et à sang à son premier. Mais contrairement à la saison précédente, ce n’est pas que dans les cols de montagne qu’on voit Roca Rey dans sa pleine mesure : il arrache les oreilles par poignées, avec les dents s’il le faut, à peu près partout, pour culminer sa saison par une nouvelle Grande Porte madrilène le 12 octobre en essorillant un toro de Victoriano del Río.

 


Jan 13 2022

Jaime OSTOS

Publié par Giraldillo dans Portraits      

 

La décennie 60 aura été marquée par un grand nombre de bons toreros parmi lesquels figure en bonne place « El Corazón de León«  qui vient de nous quitter à l’orée de ses 90 printemps.

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Jaime Ostos Carmona est né à Écija (Sevilla) le 8 avril 1933 et son décès est survenu le 8 janvier 2022.

C’est dans sa petite ville qu’il toréa sa première novillada non piquée, le 1er juin 1952 avant de se présenter en novillada formelle au printemps suivant à Osuna puis à Séville le 5 juillet en coupant trois trophées. Ce n’est que deux ans plus tard, le 23 juin 1955 qu’il le fit à Madrid avant de prendre l’alternative à Saragosse des mains de El Litri et en présence d’Antonio Ordóñez, le 13  octobre de l’année suivante. Il la confirma le 17 mai 1958 avec Antonio Bienvenida comme parrain qui lui cèda Famosito de Juan Cobaleda auquel il coupa une oreille, en présence de Gregorio Sánchez. Cette année là il reçut deux coups de corne puis un autre très grave à Pampelune en 1960. L’année précédente avait été l’une des plus triomphales de sa carrière. Le 16 mai 1961 il réalise à Madrid une grande faena puis un toro lui inflige une blessure en août. En 1962 il est à la fois le triomphateur de la feria d’Avril et de San Isidro où il obtient deux francs succès, les 16 et 23 mai mais reçoit un coup de corne à Saragosse en fin de saison, ce qui ne l’empêche de finir en tête de l’escalafón. En 1963 il est encorné pas moins de trois fois, la plus grave étant la blessure de Tarazona de Aragón, au point de recevoir l’extrême onction. Il coupa ensuite deux oreilles à Séville le 25 avril 1965, saison où il reçoit encore deux nouveaux coups de cornes. Il triomphera à nouveau dans la capitale andalouse le 23 avril 1968 et surtout le 23 mai où il essorille doublement son lot de Garrido. Son dernier succès sévillan aura lieu le 30 septembre 1972 avant son retrait de 1974. Il réapparaître cependant en 1977 puis lors des saisons 1979 et 1980 avant un dernier retour en 1985-86.

Jaime Ostos a été un torero d’un grand courage qui, chose rare, semblait croître à chaque blessure. Il fut un véritable exemple de pundonor mais n’était pas pour autant exempt de certaines qualités artistiques qui en font un torero très complet quoique relativement méconnu dans l’actualité. A Séville il est assurément considéré comme un torero de premier plan avec ses 26 oreilles obtenues et une sortie par la Porte du Prince.


Oct 12 2021

Temporada 2021

Publié par Giraldillo dans Non classé      

La saison n’aura vraiment commencé qu’au mois de juin mais au bout du compte un parfum de normalité se respire à nouveau. Malgré une concentration des spectacles sur trois mois et demi les chiffres atteignent presque ceux d’avant-crise, en France du moins où la jauge a disparu à la mi-septembre pour la feria du Riz. Cela a été possible grâce aux efforts de tous mais il est certain que quelques uns y auront laissé des plumes : difficile de rentrer dans ses frais avec les restrictions imposées, d’autant plus que beaucoup d’aficionados vieillissants, même vaccinés, ont préféré la sécurité d’un fauteuil douillet devant des corridas à huit euros le mois qu’un long déplacement et des gradins inconfortables pour un billet de 50 l’unité. Il est vrai que les cinémas ou les théâtres vivent la même chose.

Bref, cette saison atypique a un leader inattendu, le fantasque Morante qui s’est montré plus en verve que ces dix dernières années réunies et qu’on préfère muleta en main que dans des prises de position politiques qui sont loin de nous servir. Ses meilleures faenas ont eu lieu à Jerez, Linares, Alcalá de Henares et Mérida en plus de celle de Séville où il a montré sa facette passionnée, à corps perdu mais basée sur une technique éprouvée. En toute fin de saison il triomphe également à Jaén. Bien-sûr il lui arrive de retomber dans ses travers comme dans son solo du Puerto face aux toros de Prieto de la Cal mais si on pouvait craindre le pire face aux miuras, il s’en est sorti suffisamment  bien pour que ce geste figure en bonne place dans son CV. Ce qui est cependant remarquable cette saison ce sont ces oreilles isolées coupées en y croyant là où en d’autres temps rien ne se serait passé comme à Madrid face à un toro de Alcurrucén avec beaucoup de « transmission ».

Celui qui était attendu, Roca Rey, après une année blanche, est apparu moins fringant, parfois vulgaire mais toujours aussi courageux et capable mais irrégulier, gestionnaire parfois : une saison de reprise sans doute et le constat qu’il lui reste malgré tout beaucoup à apprendre.

L’ancien numéro un, El Juli bien-sûr, est un puits de science mais s’il ne l’a jamais mise au service de l’art (pas vraiment de la lidia non plus, sauf à ses débuts) il l’utilise désormais pour réduire le danger au maximum tel Lagartijo ou Guerrita à la fin de leurs carrières. Il est toutefois une marque déposée et ses lumières brillent encore pour certains voire pour lui-même quand il arrive à se motiver et se rappelle qui il a été. Même à ces moments là, ce n’est pas une insulte de dire qu’il n’enthousiasme pas un amoureux du toreo.

C’est tout le contraire pour le véritable triomphateur de la saison, j’ai nommé Emilio De Justo, qui s’est définitivement hissé au plus haut par un toreo de pureté et de vérité face à du bétail de différents encastes et dans des arènes de diverses sensibilités. En France c’est à nouveau à Dax qu’il est le plus convaincant avant de conquérir l’amphithéâtre arlésien. Il a aussi triomphé pleinement à Almería, Cuenca, Santander ou Salamanque.

Le meilleur représentant du classicisme, Diego Urdiales, s’est lui finalement pleinement imposé à Séville après Bilbao ou Madrid les années précédentes. Ceux qui peuvent en dire autant ne sont pas très nombreux.

Daniel Luque n’a pas encore complètement explosé mais cela ne saurait tarder tant il est devenu régulier et engagé. Il maintient son cartel en France grâce à ses deux triomphes dacquois et un à Bayonne et obtient des succès importants au Puerto ou à Gijón (pour la dernière feria sans doute avant un changement de municipalité) avant de couper une oreille de poids à Madrid.

Un autre torero continue à avancer pour lequel on pouvait craindre qu’il ne s’agisse que d’un feu de paille (même pour ceux qui le suivons depuis sa confirmation, il y a 5 ans) : c’est Juan Ortega, capable d’une pureté cristalline qui ne ressemble qu’à elle-même. Il est enfin reconnu dans son coin du sud : Jerez , El Puerto et Séville.

L’autre torero andalou, par les origines et les manières, qui est en verve, Pablo Aguado, plus naturel mais aussi plus léger, a connu pour l’instant un destin bien différent, choyé chez lui d’où il a été projeté, il a dû être opéré du genou et n’a pas pu montrer tout l’étendue d’un talent qui a besoin de mûrir mais celui-ci a éclaté sporadiquement de-ci de-là, comme à Arles, El Puerto ou Ronda.

Manzanares a quant à lui progressé à la cape et il s’est montré plus engagé que de coutume, au moins dans les arènes importantes, comme en témoignent les trois oreilles obtenues à Séville en autant de corridas. En France aussi il a récolté quelques triomphes, comme à Béziers ou Nîmes, montrant qu’il voulait se maintenir en première ligne malgré la poussée de la concurrence.

Parmi les jeunes, le plus en vu reste Marín qui sort par la Grande Porte madrilène le 12 octobre en essorillant un toro de Alcurrucén.

D’autres ont connu une saison plus anodine ou moins fracassante que ces derniers temps. Ferrera avait misé gros mais ne réussit complètement son pari qu’à Mont de Marsan même s’il signe une excellent faena à Nîmes bien qu’il obtienne un trophée d’un sobrero de Pallarés offert en septième position après une corrida décevante d’Adolfo Martín. Pour ce qui est de Ureña, il touche du poil à Séville avant de s’abandonner une nouvelle fois à Madrid mais avec moins de succès. Perera n’est plus une nouveauté mais il reste le torero dominateur que l’on connaît quoique devant des toros qui demandent peu à l’être. Dommage.

La révélation de l’année s’appelle Tomás Rufo lui qui a donné un bel aperçu de la dimension qu’il peut atteindre dès son alternative à Valladolid.

Parmi les autres grands, José Tomás reste aux abonnés absents et Ponce a pris un peu de repos après avoir pris sur ses épaules, tel Atlas, le poids de la temporada précédente. Talavante s’est rappelé à notre bon souvenir pour une occasion unique, en Arles (empochant sans doute le plus gros chèque de la saison, à guichet fermé).

Parmi les spécialistes des fers âpres, Chaves se maintient, Del Pilar gagne des positions et Lamelas confirme sa disposition à Mont de Marsan et à Saint-Martin de Crau. Ecribano surtout, avec un franc succès à Séville, mais aussi Chacón, ont connu de meilleurs moments mais ils s’accrochent pour continuer à exister dans des corridas qui usent même les cuirs les mieux tannés. Il y aussi Cortés, le jeune Castaño, Damián de son prénom, Pinar et surtout Serrano qui poursuit son ascension à base de volonté.

Chez les Français, El Rafi a pris une alternative heureuse avant de s’imposer à Nîmes puis Solera est devenu également matador en pays arlésien avec un franc succès.

D’autres donnent des coups de heurtoir pour ne pas être oubliés : Leal bien-sûr, deux fois Consul avant de triompher pleinement à Bayonne, mais aussi Younès et Salenc sans oublier Dufau.

Chez les novilleros, Solalito a fait une saison régulière alors que Montero a globalement  déçu mais c’est Parejo qui a fait une entrée remarquée dans l’escalafón inférieur comme Lamothe mais aussi Tristan.

En Espagne, des Mexicains ont brillé comme Aguilar ou Fonseca, ce dernier triomphateur à Villaseca et dans le Nord auxquels il faut opposer la jeune génération ibérique comme le protégé de Padilla, Manuel Perera, vainqueur ex-aequo du circuit du Nord (une réussite de la FTL sur laquelle il faudra revenir), irréprochable de  responsabilité et présent aux moments clés (deux fois une oreille à Séville) malgré qu’il ait été durement châtié en début saison et les gagnants des autres circuits régionaux : Martínez en Andalousie ou Diosleguarde en Castille et Léon mais aussi à Madrid.

Côté bétail, Pedraza a encore de beaux restes malgré sa recherche d’une meilleure noblesse, La Quinta a sorti la corrida de l’année à Dax et Miura a renoué avec ses origines à Sanlúcar. En novilladas, Cebada Gago a sorti une bonne novillada à Villaseca et Raso de Portillo à Vic. Citons aussi un fer ostracisé  par les figuras mais qui n’a rien perdu de son allant : Torrealta, notamment à Santander.


Juil 6 2021

Au pays des toros (41)

Publié par Giraldillo dans Non classé      

Jusqu’à présent, tous les articles de cette rubrique avait été consacrés à des arènes espagnoles pittoresques mais il en est une au Portugal qui mérite d’y figurer dans la mesure où elle se trouve à la frontière et y pratique la corrida à pied avec mise à mort et ce de manière légale, à titre dérogatoire, depuis 2002 : il s’agit de Barrancos, dans l’Alentejo, près d’Olivenza.

Non loin de là se trouve un village au charme fou et aux arènes sises dans la cour de son château comme cela se fait aussi beaucoup de l’autre côté de la frontière, en Estrémadure : Monsaraz

Voir aussi les articles 36 ou 2 dans la même rubrique.


Juil 2 2021

Premier bilan

Publié par Giraldillo dans Temporada      

Les choses reprennent progressivement leur cours, en demi-jauge le plus souvent mais la situation s’améliore clairement. On revient progressivement vers la normalité. Pour résumer ce début de saison :

Roca Rey a repris son rang à Madrid (Vistalegre et Aranjuez) et Luque a poursuivi son ascension dans les mêmes lieux.

Le meilleur toreo a été incontestablement à la charge de De Justo en corridas et de Rufo en novilladas (à Vistalegre comme à Mugron), un torero comme il y en sort peu, une pépite qu’il faut suivre. Mention spéciale dans la même catégorie à Manuel Perera dont le courage ne sait pas altéré malgré malgré l’horreur qu’il a vécu à Madrid et à laquelle on a assisté atterrés en mai.

On attend les triomphes de Ferrera dans une saison à quitte ou double où il a pris des engagements difficiles, en torero, même dans sa gestion de carrière. Espérons que ses choix soient payants.

En France, El Rafi a pris une alternative avec succès avant d’ouvrir la Porte des Consuls et Juan Leal a confirmé être le torero français le mieux en vue.

Les artistes sont intermittents, ce qui est un double pléonasme : Morante est le leader inattendu de l’escalafón (la nouvelle génération le motive et il défend mieux le toreo avec la cape que dans ses prises de position politiques), Ortega accuse peut-être la pression (on va finir par le surnommer Pinchauvas), Urdiales triomphe à Burgos après un début de saison difficile et Aguado  est bien revenu de blessure en triomphant à Grenade.

Ponce annonce par surprise un retrait indéfini et les figuras depuis 20 ans sont toujours là, un ton en-dessus, un ton en-dessous : El Juli, Manzanares ou Perera mais aussi Finito qui a reverdi ses lauriers comme disent les Espagnols, sauf à l’épée.

Cayetano nous rappelle à Alicante qu’il n’est pas qu’un « médiatique » lui qui est le triomphateur des Sanfermines 2019, ne l’oublions pas.

Ureña sera-t-il capable de maintenir le niveau ? Il est plus facile de monter au sommet que de s’y maintenir. Dans ses arènes de Las Ventas, en septembre, il jouera son va-tout.

López Simón a quant à lui été plutôt discret comme Román, Garrido ou Fortes (qui a à nouveau des problèmes physiques).

Chez les jeunes Marín est là mais n’éclate pas encore complètement, tout comme Lorenzo mais un cran en-dessous et on attend une vraie opportunité pour Miranda qui possède assurément une vraie personnalité. Les sud-américains Colombo, Luis David ou Galdós méritent aussi de pouvoir montrer leur évolution.

Du côté des absents, on attend un signe de Talavante et bien-sûr de José Tomás.

Dans l’escalafón quasi parallèle des corridas dures, Escribano a montré à Madrid  qu’il avait retrouvé son meilleur niveau et que Serrano est à prendre en compte. Rafaelillo lui aussi est toujours là et on n’a plus qu’à attendre de voir ce que vont donner les toreros du goût de l’afición française comme López Chaves, Del Pilar ou Pacheco sans parler de Lamelas ou Robleño et du novillero Montero lorsque leur tour viendra. Pinar ne devrait pas être oublié de ce côté-ci des Pyrénées lui qui a triomphé à Burgos des victorinos et obtenu une oreille d’un miura à Castellón.

Côté bétails une déception pour Pedraza en Arles après celle de Dax en septembre mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives.


Juin 30 2021

Début de saison espagnole

Publié par Giraldillo dans Temporada      

ÉTÉ

Pour le dernier week-end du mois de juin on se serait presque cru dans une saison normale avec une corrida à Madrid (la première de la saison), quatre dans des capitales de province plus deux novilladas piquées, sans parler du rejoneo. Si la temporada semble prendre un rythme de croisière, le plus souvent en demi jauge, il a fallu deux mois et demi où les atermoiement ont succédé à des hésitations qui restent de mise tant il est vrai qu’on navigue à vue. Les affiches sont annoncées à moins de deux semaines de l’événement et pour le mois de juillet seules sont certaines à cette heure en Espagne les courses de Lodosa [bonne corrida de Pincha] et Tudela (sérieux doutes par rapport à la crise sanitaire), Olivenza, Manzanares, Arévalo et Soria, Santander (3 corridas), Algésiras et Jerez mais en août le programme s’étoffe avec MURCIE qui renoue avec la tauromachie à Molina de Segura et Calasparra après Moratalla ou LA RIOJA à Alfaro. Une dizaine de petites villes de LA MANCHE accueilleront des corridas mais Cuenca organise une feria complète. L’ancien double royaume de CASTILLE et LEÓN qui en plus de son circuit de novilladas accueillera des toros à Vitigudino, Cantalejo, Briviesca ou Illescas mais surtout de vrais ferias à Roa de Duero et la très touriste Cuéllar. En ESTRÉMADURE une affiche est à nouveau proposée pour le 15 à Almendralejo en plus de Pedro Muñoz, Herrera del Duque ou Fuente de León. Pour les ferias (purement taurines), il y aura Huelva, El Puerto, Malaga, Almería ou Linares au sud (en plus d’une bonne douzaines de spectacles isolés dans toute la géographie andalouse) et Gijón au nord respectivement. Inca a été la scène du retour de la tauromachie aux BALÉARES et Catalayud le sera pour l’ARAGON. Le bastion du Toro qu’est la madrilène Cenicientos  donnera sa traditionnelle feria mariale composée de deux corridas et une novillada. Rien cependant dans des arènes importantes comme Valence, Bilbao et Saint-Sébastien sans parler de la galicienne Pontevedra.

En France on n’est pas si loin d’une saison normale (voir l’onglet SAISON 2021), reste maintenant à savoir si l’affluence sera bonne surtout pour les ferias déplacées à des périodes atypiques.

PRINTEMPS

Comme l’an dernier, l’Andalousie a été la première à annoncer des cartels en ce début d’année : Ubrique, Jaén (victorinos), Morón et Sanlúcar (deux corridas chacune) mais aussi Constantina, Niebla, Utrera ou Cazorla et surtout Cordoue qui a célébré  deux corridas et une novillada. SEVILLE dont l’empresa avait prévu 8 corridas et une novillada au printemps mais avec une capacité autorisée de 40% celles-ci n’auront finalement lieu qu’en septembre, à partir du 18. Trois corridas ont été programmées à Grenade dont les dates ont été déplacées de deux semaines. Las Navas de San Juan sera quant à elle le théâtre de deux novilladas piquées en août (deux autres étaient prévues en juin). Dans cette catégorie, en plus des courses du Circuit de la Fondation du Toro de Lidia a également eu lieu un spectacle à Montoro.

Il y a eu aussi un certain nombre de courses dans des villages des deux Castilles (avec un cartel de figuras à Brihuega) mais c’est Tolède qui ouvre la première ses portes avant Valladolid parmi les arènes importantes, avant les ferias de León, Burgos, Zamora mais aussi Ségovie ou Cuéllar fin juin. La Vieille Castille bat donc la nouvelle même si l’une des meilleures ferias de novilladas est déjà programmée à Villaseca entre le 5 et le 12 septembre : défi polychrome et fers de La Quinta, Cebada, Ibán, Jandilla et Monteviejo pour les 6 spectacles programmés.

En Estrémadure où on a déjà pu voir une apothéose de De Justo à Almendralejo et aussi une corrida à Mérida, la première dans des arènes de deuxième catégorie et en attendant Badajoz fin juin qui devrait être, on l’espère, le début du plein régime. Avec Yecla (Murcie) la tauromachie gagne du terrain mais le nord se fait attendre, sauf à Tudela mais pas de Sanfermines cette année, même en version réduite. La région de Valence retrouvera des bous fin juin, après un an et demi, avec les ferias de Castellón et d’Alicante.

MADRID, il n’y a pas de San Isidro à Las Ventas malgré le festival du 2 mai mais à Vistalegre avec 9 courses à pied et une novillada (Matilla devance ici Casas sur le terrain de l’audace) en attendant une feria d’Automne XXL. Dans cette région également des corridas sont prévues à Leganés et Aranjuez en plus du circuit de novilladas. Finalement Las Ventas va rouvrir ses portes le 26 juin en corrida formelle avec le fer du A couronné avant un mano a mano très attendu entre Ferrera et De Justo le 4 juillet.

La Tournée de Reconstruction version 2021 a commencé quant à elle fin avril à Zafra et le circuit de promotion des novilladas devrait compter trente cinq dates sur six circuits différents dont cinq spectacles au nord et quatre sur la zone méditerranéenne. De plus, un accord a été trouvé avec le syndicat des toreros pour réduire les coûts d’organisation.


Sep 12 2020

Au pays des toros (40)

Publié par Giraldillo dans Non classé      

Dans le centre historique de Saint-Sébastien, la Parte Vieja, se trouve la Place de la Constitution, située à l’endroit de l’ancienne Plaza Nueva qui avait été inaugurée en 1723 par une corrida. La place actuelle, où se trouvait l’ancienne mairie, de style néo-classique, date de 1817, reconstruite après l’incendie provoqué par les troupes anglo-portugaises dans le cadre  de la guerre d’Indépendance contre l’occupant français. Elle fut rebaptisée sous son appellation actuelle pendant les trois années de la période libérale du général Riego, entre 1820 et 1823, en honneur de la Constitution de Cadix de 1813 qui fut également proclamée dans la belle ville balnéaire de la côte basque. Aujourd’hui encore, on peut voir les numéros des loges de corrida sur ses balcons.

Plaza de la Constitución

Elle fut en concurrence avec les arènes en bois de San Martín dès 1851 (6 000 spectateurs), remplacées en 1876 par celles d’Atocha (10 000 spectateurs). Les arènes qui ont duré le plus longtemps sont celles de El Chofre, à l’est de la baie de La Concha, près d’une plage aujourd’hui prisée des surfeurs. L’affiche de l’inauguration du 9 août 1903 porte les noms de Mazzantini, Bombita, Montes (en substitution de Reverte) et Lagartijo Chico avec neuf toros de Ibarra. Sa capacité était de 14 000 places et elle fonctionna jusqu’en 1973.

Plaza de toros de El Chofre

Les actuelles arènes, situées sur les hauteurs d’Illumbe, sont aussi modernes qu’impersonnelles avec leur toit ouvrant donnant l’impression d’être dans une piscine quand il est refermé. Elle furent inaugurées le 11 août 1998 par Manzanares, Ponce et Rivera Ordóñez avec des toros de Torrestrella et comptent 11 000 sièges.


Août 15 2020

Emilio De Justo

Publié par Giraldillo dans Portraits      

Il est né à Caceres le 16 février 1983. Ses débuts en public se sont déroulés à Valdecín dans sa province natale le 18 juillet 1998 et il a revêtu son premir habit de lumières dans sa ville le 16 avril 2000 avant d’y débuter avec picadors le 22 avril 2002 en sortant a hombros.

C’est cinq ans plus tard, le 26 mai 2007, qu’il reçut l’alternative, après avoir foulé le sable de la plupart des grandes arènes, des mains de Talavante et en présence de Cayetano, essorillant un toro de Vegahermosa.

La confirmation eut lieu l’année suivante, le 29 juin 2008 dans une affiche partagée avec Aníbal Ruiz et Sergio Martínez qui comatirent du bétail de Juan Luis Fraile puis coupe une oreille venteña la saison d’après.

Malgré les succès prometteurs qu’il a obtenu, les 5 années qui suivent sont misérables en contrats, la crise n’expliquant qu’en partie cet état de fait.  En 2010 et 2011 il reste en Colombie puis revient en Espagne sans parvenir à rentrer dans le circuit. Il se fit cependant remarquer à Hervas en 2015 en coupant les deux oreilles d’un toro de Victorino Martín.

L’année suivante, sous l’égide de Luisito, avec lequel il sera lié professionnellement quatre années durant, il « rentre » en France à Vic où il triomphe dans une corrida de Palha puis à Mont de Marsan (deux fois une oreille des toros gris d’Adolfo puis de Victorino) et surtout à Dax avec du bétail de ce dernier fer qui sans faire de cadeaux lui permettra de gravir peu à peu les échelons.

En 2018 il est déjà considéré comme le torero révélation avec toujours des triomphes en France, notamment à Mont de Marsan et à Dax mais aussi en Espagne où on commence à le regarder d’un tout autre œil, en particulier à Pampelune où il obtient un trophée d’un toro de José Escolar. A la fin de la saison, le jour de la mort de son père, il fit preuve d’un dépassement de soi remarquable, autant d’un point de vue de la force mentale que d’un stoïcisme impressionnant face à la douleur après une blessure sérieuse avant de triompher une nouvelle fois dans la capitale des Landes. Cet esprit de sacrifice eut sa récompense la semaine suivante avec une sortie par la Grande Porte madrilène dans une corrida de Puerto de San Lorenzo.

En septembre 2019 il triomphe pleinement à Dax dans un solo face à 6 victorinos après avoir obtenu un trophée à Bilbao et s’être remis d’un problème à la clavicule. A la fin de la saison, le « producteur » Simon Casas devient son nouvel apoderado.

Le 4 juillet 2021 il coupe trois oreilles à son lot de Victoriano del Río, dont deux de Duende et obtient sa deuxième Grande Porte madrilène. Le 23 septembre il complète une saison magnifique en coupant deux oreilles à un toro de Victorino Martín après une excellente faena qui le fait « rentrer » à Séville. Le 2 octobre suivant il obtient aussi un double trophée d’un toro de Garcigrande et sort par la Grande Port madrilène pour la troisième fois.

De Justo est un torero à l’ancienne qui torée avec vérité du bétail de respect. Il est incontestablement devenu le meilleur spécialiste actuel de l’encaste Albaserrada. Il est surprenant qu’un torero de cette qualité et de cette capacité soit passé si longtemps inaperçu. Il est dans la ligne du Cid, de Fandiño, de Ferrera, d’Urdiales ou d’Ureña : justice a finalement été faite alors que rien ne leur avait été facilité.  C’est un torero classique qui torée avec une grande classe et temple mais sans concessions pour la galerie. Il ne sera peut-être jamais une figura tout public mais les entendidos comme ses collègues le jugent à sa juste valeur. Comme dit un autre Emilio avant sa révélation définitive : « Attention à ce torero ! »


Août 3 2020

Dieu que c’est beau

Publié par Giraldillo dans Humeur      

Presque onze mois après ma dernière corrida (le solo d’Emilio de Justo à Dax), j’ai retrouvé le chemin de arènes sur une scène et avec du bétail bien différent,  à Huelva, plus d’un millier de kilomètres plus au sud. Et Dieu que c’est beau ! Mes sentiments taurins se sont ravivés mais mon propos n’a jamais été dans ce blog d’écrire des chroniques et de suivre l’actualité au jour le jour mais au contraire d’avoir une vision d’ensemble sur la Corrida, pas une corrida en particulier qui ne peut par définition n’être qu’un fragment du tout.

Beau, quoi donc ? Le sang versé, les meuglements de souffrance, l’acharnement vicieux des piques et des banderilles, l’agonie de la pauvre victime, le sourire satisfait du bourreau, le public sadique qui en veut plus, bref un spectacle barbare et macabre ? Quelle misère de la pensée ! Et c’est cela l’évolution ? Le stade le plus avancé de la civilisation ?

Voilà à quoi se résume pour certains la Corrida (ceux qui considèrent que la mort d’un torero c’est bien fait parce qu’ils ne sont pas capables de faire la différence entre un élevage de poulets et un camp d’extermination). Moi j’y vois et j’y recherche tout autre chose. On y voit du sang certes mais souvent peu en vérité avec des piques très dosées, nul mugissement, des toros qui ont envie d’en découdre, point de victimes, des combattants nés, élevés pour leur caractère mais menacés par une dégénérescence puis une disparition pure et simple de l’espèce par ceux qui prétendent les défendre contre les humains insensible que nous sommes. J’y vois la beauté d’une sculpture vivante (et je suis loin d’être le seul, dois-je énumérer les artistes incommensurables qui y ont trouvé leur inspiration ?), non pas des poses prises devant un toro mais l’imposition d’un tracé grâce au courage et à la maîtrise de soi comme en la confiance en sa capacité à dominer la sauvagerie assassine à l’aide d’un simple morceau d’étoffe conduit au plus près des cornes ; accrochées bien en avant, les pieds ancrés au son et conduites en cercle autour du corps en imposant une harmonie et un tempo, la volonté réfléchie s’imposant à l’instinct brut d’un animal parfois dix fois plus lourd que l’homme. Cet ensemble, ce groupe sculptural toro-torero où l’artiste, tel le danseur, est un élément de son œuvre et où le toro, tel la pierre du sculpteur, est un matériau à modeler, constitue à n’en pas douter une œuvre d’art bien que parfois l’on n’assiste dans ce processus créatif qu’à des tentatives infructueuses (le matériau est parfois friable ou récalcitrant) ou à des ébauches. Mais ce n’est pas tout : qui sait capter un instant de cette sculpture en mouvement pour la faire passer définitivement de la rétine à la mémoire sait que le dessin offert par le contournement du corps du torero (ce que dans le jargon on appelle l’acoplamiento, soit l’  « accouplement » à la charge) doit être complété par la « musique silencieuse » pour reprendre les mots du poète républicain José Bergamín, c’est-à-dire le rythme de la passe, donnée comme une caresse en réduisant le tempo (le temple en terme taurin). Mais ce n’est pas tout : ces passes doivent, pour atteindre au chef-d’œuvre, être cousues les unes aux autres en séries et les séries doivent répondre à une structure d’ensemble comme pour le plan d’une cathédrale. Si l’œuvre est complète et si elle est le fruit d’un travail progressif d’apaisement d’une charge vive cherchant à accrocher le leurre qui lui échappe, alors c’est un mythe qui se rejoue devant nos yeux, celui de l’évolution de l’humanité depuis les combats préhistoriques en corps à corps face à un animal dont il fallait s’imprégner des valeurs (la force, la puissance) par besoin vital autant que dans un rite animiste (les peintures pariétales en sont le témoin) jusqu’à la victoire de l’intelligence et l’intégrité d’un spectacle codifié au siècle des Lumières où tout a son origine comme sa raison d’être, des piques jusqu’au « meurtre » du toro, ce que nous appelons l’estocade. Et tout cela sans traîtrise, en respectant une éthique : il serait plus simple de supprimer la barre d’arrêt de la pique si l’objectif était de « massacrer » l’animal (des blessures dont il guérit aujourd’hui presque toujours lorsqu’il est gracié) et il serait de même plus facile au torero de planter une épée dans le flanc ou depuis la barrière que de le faire en se lançant face aux cornes.

Quant au sadisme supposé des aficionados, pourquoi le public proteste-t-il quand le torero n’arrive pas à donner la mort au toro rapidement ? Dans la célébration de la vie humaine que représente le toreo il y a un ordre aux choses : le toro doit mourir en combattant après avoir eu une vie bien plus longue et enviable que ses congénères et le torero idéalement doit triompher de la mort, pas en la fuyant mais en l’affrontant face à face. C’est là certainement un anachronisme. Ces notions d’honneur et de don de soi semblent aujourd’hui bien dépassées. Comme écrivait Corneille dans le Cid en reprenant Sénèque (un autre Cordouan, Manolete bien-sûr, mourra d’ailleurs avec le même détachement que ce dernier) : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ».

Nous vivons dans nos société industrialisées post-modernes dans des milieux devenus tellement aseptisés, policés, convenus et par là même insipides qu’on s’étonne non pas tant de la violence de la tauromachie, qui existe assurément, nous ne saurions la nier (j’y reviendrai à l’occasion mais elle sert aussi d’exutoire et le bouc-émissaire a eu dans de nombreuses civilisations un rôle apaisant qui a évité des maux bien pires sinon comment expliquer la violence de certains antis à l’égard d’autres êtres humains fussent-ils barbares à leurs yeux) mais de la violence de sa vérité. Oui, ici rien n’est joué même si les mauvais toreros surjouent comme le font les mauvais acteurs. Le torero vit son rôle, c’est pourquoi tout ce qu’on dit sur l’habit de lumière est une réalité : il héroïse l’homme qui le porte, l’obligeant à se transcender pour dépasser sa condition de mortel, sauf naturellement à jouer de malchance et à nous ramener de plein fouet à cette, à notre triste condition.

C’est aussi pour cela que la tauromachie est pour nous une parenthèse enchantée mais pas un spectacle plaisant fait pour passer un bon moment, pas une histoire bien morale et bien-pensante ou simplement gentillette qui raconterait une monde aussi parfait qu’irréel. Elle est une part essentielle de notre culture (pas celle de ceux qui ne l’admettent pas, la nôtre et celle de nos aïeux) multiséculaire, celle du peuple du toro. C’est finalement un spectacle qui raconte notre Histoire et chaque torero l’exprime, tel un poète face aux grands sentiments humains, à sa manière.

Hier, Perera l’a exprimé à la sienne : techniquement supérieur, impeccable, profond mais dans un style moderniste qui n’est pas du meilleur goût, la jambe en retrait mais une élasticité pour allonger la passe et une suavité pour conduire la charge exceptionnelles. Début (passe changée dans le dos) et grande partie de la faena à genoux pour pimenter la faena mais une épée légèrement tombée qui le prive de la queue puis tour de piste émouvant avec ses enfants comme pour revendiquer le droit à leurs transmettre nos valeurs au-delà des nouveaux moralismes. Pour le reste, je passerai sous silence la mono-pique et les poses du Bellâtre pour me concentrer sur le geste de plus de torería de la soirée : une larga à genoux improvisée d’Aguado après avoir trébuché et être à la merci des cornes (il recevra aussi un coup de tête pendant la faena) et cet arôme vintage de lignes courbes, la jambe en avant qui aurait pu lui permettre d’obtenir un trophée avec une meilleure épée. A noter aussi deux paires supérieures de Javier Ambel et deux poses entre les cornes de Curro Javier. A la cape, le meilleur furent les gaoneras une media de Perera et les chicuelinas du Sévillan qui torée à la véronique avec plus de rythme que de composition ce qui présage une évolution prometteuse pour ce qui n’est encore qu’un torero en devenir (dont on attend peut-être trop dans le sens où il ne sera probablement jamais un torero d’une grande régularité; en tout cas au descabello il fait déjà concurrence à Morante).