Biographie abrégée de Manolete (2)

1936-1947 : de l’alternative à la tragédie de Linares

Le 26 mai 1938, Manolete se présente à Sevilla en compagnie de Juanito Belmonte, fils de Juan Belmonte (1892/1962) et de « Torerito de Triana’’. Dix jours plus tard, il y revient avec cette fois Pepe Luis Vázquez appelé plus tard le « Pharaon Blanc » (1921/vivant en 2010). Deux prestations qui ne furent pas couronnées de succès. Par contre, le 9 octobre de la même année, c’est le triomphe : Manolete coupe une oreille, puis deux oreilles et la queue à des utreros du Marquis de Villamarta (vieille ganadería crée en 1914, venant de Paymogo dans la province de Huelva, et devenue très populaire voici quelques décennies, sous le nom de la Guardiola. Au décès du Marquis, sa viuda gardera le fer original, puis le cédera à Alvaro Dávila Garvey son fils. Ce Fer sera ensuite vendu en 1980 par ses héritiers à Federico Molina et deviendra “Garcibravo”)..

Lorsqu’arrive l’année 1939, à 22 ans et après une cinquantaine de novilladas piquées, Manolete est prêt pour le doctorat. Le 2 juillet à Séville, le grand Chicuelo (1902/1967) lui cède les trastos, Gitanillo de Triana (1915/1969) étant le témoin. Pour l’anecdote, “Comunista” de Clemente Tassara, le toro de la cérémonie, fut rebaptisé “Mirador” par les autorités espagnoles qui ne voyaient pas d’un bon oeil le premier nom de baptême de l’animal. C’est très certainement l’unique fois, dans l’histoire de la tauromachie, où un toro a porté deux noms, mais politique et dictature obligent.

Blessé à San Sebastian le 10 septembre (puntazo à nouveau dans l’aine), il se présente à Barcelone le 1er octobre suivant, puis dans la foulée il confirme à Madrid avec Juanito Belmonte. Le 12 octobre, Marcial Lalanda sert de parrain aux deux toreros du jour, chacun devenant à tour de rôle le témoin de la cérémonie.

Le 12 octobre suivant, sans perdre de temps, Manolete confirmait à Madrid des mains de Marcial Lalanda, avec Juanito Belmonte pour témoin, ce dernier confirmant lui aussi son doctorat. La Corrida de Bienfaisance du jour, organisée avec du bétail d’Antonio Perez de San Fernando (Salamanca), comptait aussi à l’affiche Juan Belmonte (le père de Juanito) qui officiait comme rejoneador.

Quatre ans plus tard (1943), Manolete prenait la tête de l’escalafon avec 73 paseos à son actif, place qu’il conserva l’année suivante (1944) avec 20 paseos supplémentaires.

Manolete va connaître une carrière jalonnée de grands succès, mais aussi marquée par de nombreuses blessures.

La première année d’alternative (1940) vit Manolete monter en puissance et le cordouan aurait sûrement pris la tête du peloton des matadors si à Cordoue, le 25 mai, un bicho de Tassara ne lui avait donné une cornada dans la cuisse droite. Même mésaventure à Alicante le 24 juin, puis diverses contusions à Valencia le 26 juillet. Avec 57 courses au compteur, il finit donc second derrière Domingo Ortega.

1941. A Barcelona le 6 avril, un toro lui inflige un violent varetazo (coup de corne donné de façon latérale). Seize jours après, dans la même plaza, un autre bicho (de Domecq) occasionne une légère blessure sur le côté gauche de la poitrine. Le 8 septembre 1941, c’est un toro de Concha y Sierra qui le blesse au visage (il en gardera des traces). Quatrième épreuve à Logroño : contusion à un genou avec épanchement de synovie.

1942. Le 19 mars à Valencia, saisissante voltereta (dont il ressort sans trop de mal). A San-Sebastian le 16 août, en portant l’estocade, il reçoit un violent coup de corne dans la bouche lorsque le toro relève la tête (encore une cicatrice). Ce qui ne l’empêchera pas de toréer en regardant le public le 6 septembre suivant à Barcelona. Pour finir, le 27 septembre, à Madrid, grave cornada : vingt centimètres dans la cuisse droite avec déchirure de la veine saphène et aponévrose fémorale.

1943. Légère blessure à Castellon le 28 mars. C’est après l’avoir vu toréer à Alicante le 2 juin suivant que le journaliste K-Hito le surnomma « El Monstruo », surnom qui lui resta sa vie durant. Une autre chose qui resta fut la cicatrice au-dessus de l’oeil droit consécutive à un coup de corne reçu à Valencia le 21 juillet. Et l’on n’en resta pas là : Puerto de Santa Maria (15 août) douze centimètres, 2 septembre à Palencia varetazo à la jambe gauche, 11 septembre à Albacete blessure à la cuisse droite.

Durant cette époque, le grand rival de Manolete pour la prise de pouvoir, fut le sévillan Pepe Luis Vázquez (qui marqua surtout les années 41 et 42 avec un total identique de soixante huit corridas pour chacune de ces deux temporadas). Mais l’écrasante régularité du cordouan eut raison de l’opposition.

En 1944, Manolete affronta pour la première fois un autre grand rival, le mexicain Carlos Arruza. Leur première confrontation eut lieu le 4 juin 1944 à Lisbonne au Portugal. C’est aussi durant cette saison qu’il signa ce que beaucoup s’accordent à qualifier de “meilleure faena de sa vie”. L’événement eut lieu à Las Ventas le 6 juillet pour la Corrida de La Presse face à un sobrero de Pinto Barreiros appelé “Raton”.

Le lendemain, sur la route le menant à Pampelune pour la San Fermín, il a un accident de voiture et se fracture le poignet de la main droite. Seize jours après pourtant (23 juillet) à Bilbao, “El Monstruo” participe à deux corridas dans la même journée, une le matin, l’autre l’après-midi. Le 26 août, il retrouve Arruza à Cieza, près de Murcia. Deux jours passent, et c’est à Linares qu’on le retrouve pour la seconde fois de la saison. Il y effectue une grande faena, puis délaissant les honneurs, se rend à l’hôpital de la cité afin de prendre des nouvelles de la fillette qu’il a malencontreusement renversée en arrivant en voiture. C’est dans ce même hôpital qu’il rendra plus tard son dernier souffle. Le 26 décembre, il revient à Linares une troisième fois pour toréer un festival au bénéfice de l’établissement hospitalier.

Avril 1945, il torée à la Feria de Sevilla, puis le 14 juin à Madrid, confirme l’alternative du grand Luis-Miguel Dominguín (doctorat pris deux fois, la première à Bogota en 41, la seconde à La Coroña en 44). Le 29 juin à Alicante, il est accroché en effectuant une “manoletina” et se fracture la clavicule gauche. Quatrième passage à Linares le 29 août pour la feria de San Agustin, puis sans effectuer de pause, le 9 novembre à Lisbonne, il embarque destination l’Amérique. Un mois après, il confirme à Mexico (El Toreo) des mains de Silverio Pérez et coupe la queue de “Gitano”, son premier adversaire. Il sera gravement blessé par “Cachorro”, son second opposant. Le parrain de confirmation coupa lui aussi une queue. Deux mois plus tard, Manolete inaugurait la toute nouvelle Monumental et y coupait la première oreille devant 50 000 spectateurs convertis au “manoletisme”.

Printemps 1946, il torée à Lima au Pérou (10 mars), à Bogota en Colombie (7 avril), puis à Maracay au Venezuela (2 mai) où il subit une cornada.

1946. De retour en Espagne, fatigué et lassé des exigences toujours croissantes du public, il prend une année sabbatique et n’apparaît qu’une fois à Madrid pour la corrida de Bienfaisance. Il y coupe deux oreilles, mais le public n’a plus d’yeux que pour Luis Miguel Dominguín.

Manolete repart pour les Amériques. On le retrouve ainsi le 16 octobre à Lima, le 1er janvier 47 à Puebla au Mexique (sous un torrent de pluie), puis le 19 janvier à Mexico (légère contusion). Trois semaines après, dernière corrida à Mérida, toujours au Mexique pour ce qui fut sa seconde et dernière temporada outre-Atlantique.

Il débute la saison européenne assez tard, à Barcelona, le 22 juin 1947. Madrid le verra encore une fois pour l’habituelle corrida de Bienfaisance, mais un toro de Bohórquez le blesse très sérieusement au mollet. Le 4 août, Vitoria le retient à l’affiche, puis Tolède treize jours plus tard. Gijón, dans les Asturies, le voit toréer le 24 août dans ses arènes, et la ville portuaire de Santander en Cantabrie au nord de l’Espagne, lui organise une course pour le 26 août 1947.

Le 28 août, deux jours après Santander, Manolete reprend la route de Linares où deux corridas sont programmées les 28 et 29 pour la San Agustin. Dans ces arènes de seconde catégorie dirigées par Pedro Balaña, une corrida de Miura attend Manolete le jeudi 28 tandis que le 29, huit toros de Samuel Hermanos doivent être opposés à Domingo Ortega, Luis-Miguel Dominguín, Pepín Martín Vázquez et Paquito Muñoz.

Ce 28 août 1947, deux grandes figuras de l’époque, son ami, Gitanillo de Triana, et Luis-Miguel Dominguín vont être les témoins d’un drame qui prendra une ampleur nationale.

La roue du destin est en marche …

Biographie rédigée par Henry Sabatier. Correction, mise en page et illustration : Paco,

Toro bravo


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