Catégories et trophées

Les catégories d’arènes ont-elles un sens au-delà de l’aspect purement syndical (rémunération des toreros) ? Est-il normal que sur plus de cinquante arènes françaises une seule soit de deuxième catégorie ? Soyons clairs, selon les critères du règlement national espagnol, seule Nîmes pourrait prétendre au titre de 1ère catégorie (capacité et nombre de spectacles). Des six autres, seule Mont de Marsan, en tant que siège de préfecture, aurait la possibilité d’intégrer celles de seconde même s’il est vrai qu’en Espagne il existe un certain nombre d’exceptions historiques. Cependant, nos voisins sourient lorsqu’on leur dit qu’il s’agit de plazas de toros d’une capacité avoisinant les 7000 places. Peu importe, à chacun ses particularités.

Ceci dit, des arènes donnant des spectacles majeurs ayant la réputation de faire les choses bien ne mériteraient-elle pas que, d’une manière ou d’une autre, on reconnaisse leur travail ? Ne pourrait-on pas au moins leur distribuer un label ? Je pense, pour la partie est, à des arènes comme Saint-Martin de Crau ou Vauvert et, au sud-ouest, à Orthez, Aire sur l’Adour, Parentis en Born, Saint-Sever ou Hagetmau qui organisent avec sérieux plus d’un spectacle par an. Mais bien-sûr ce serait toucher, indirectement, à la mythique Céret. Pas sûr que nos amis Catalans apprécient (on sait cependant qu’ils aiment beaucoup les piques ;). Toutefois, d’après les archives de la FSTF, il y a un peu plus de dix ans, le bureau fédéral d’alors, devant le flou qui prévalait concernant ces critères, avait jugé que devraient être considérées de deuxième catégorie les arènes en dur de plus de 3000 places célébrant au moins trois spectacles majeurs. Certaines plazas évoquées devraient donc avoir intégré cette catégorie, même si cela ne les arrangerait pas pour des raisons de coûts. Il y a donc sans doute des concepts à différencier.

En ce qui concerne les trophées, on peut se demander si les critères d’attribution doivent être théoriquement les mêmes en fonction de la catégorie d’arènes. Dans les faits ce n’est pas le cas mais parfois les critères sont inversés, certaines petites arènes (et certains présidents) étant beaucoup plus dures que d’autres plus importantes. Dans les grandes arènes espagnoles le critère artistique est, même à Madrid, d’après mes observations, primordial même si il paraît évident que le lidiador obtiendra un trophée en réalisant une faena épique où surgit l’émotion tragique. Mais des séries enchaînées, « templées » sur les deux cornes prévalent normalement sur un travail besogneux, engagé mais sans aboutissement, bien que la domination sur l’animal soit palpable. C’est sur cette dichotomie que s’est peut-être située l’incompréhension entre le public vicois et le président espagnol lors de la faena de Lamelas à Cantinillo. J’observe en effet que le public français, à l’intelligence plus analytique qu’émotionnelle, valorisera généralement plus le second cas de figure évoqué. Encore faut-il bien évaluer les possibilités du toro. On entend trop souvent juger le travail d’un torero sans prendre en compte son opposant. Nous savons aussi tous qu’il est des faenas incomprises ou non considérées à leur juste valeur. D’un côté il y a des toros impossibles où le lidiador arrive à tirer un petit parti de l’animal, tout ce qui était possible et de l’autre il y a des bons toros qui permettent une faena complète même si celle-ci à un goût d’inachevé quand elle n’est pas fade. Donc, dans l’idéal, deux oreilles doivent signifier que le torero a été au-dessus des qualités du toro et qu’il a pu en tirer un parti suffisant en quatre ou cinq séries a más (même sur une corne, de mon point de vu, mais en ayant essayé sur les deux). Si le toro ne permet pas grand-chose mais que le torero lui est très supérieur de manière visible et reconnue (partiellement au moins) par le public et qu’il conclut d’une très bonne épée (rectitude, temps de la suerte et placement de la lame, comme pour Dávila Miura à Séville) alors le trophée s’impose mais pour la seule épée, comme on disait avant, sans domination préalable, qui la réclamera ? Par ailleurs, certains très grands toros ne permettent que d’être à leur hauteur et c’est déjà très bien. Dans les faits, dans des arènes comme Madrid, il se peut que seul un appendice soit attribué, mais tout le monde s’en souviendra, comme cette oreille de poids octroyée à Ponce face à Lironcito en 96 ou celle de Rincón face à Bastonito deux ans plus tôt. Les oreilles ne sont donc pas si importantes que cela, il faut en tous cas savoir les interpréter, savoir juger de ce qu’elles valent.

Je prétends toutefois (mais vos réactions seront les bienvenues) qu’en reconnaissant une pétition majoritaire un président donne le calibre d’un trophée. Celui-ci dépend donc en premier lieu du public mais à partir de là, et pour ne pas tromper celui-ci, il convient d’être conséquent en attribuant un double trophée si une autre prestation a été bien meilleure que celle du cas précédent, même si elle ne correspond pas, dans l’absolu, au canon idéal. Il faut savoir s’adapter et être plus pragmatique que dogmatique. A partir de là, pour une feria, ce calibrage devrait prévaloir du début à la fin (sauf grosse bourde). D’ailleurs, pour une feria sur cinq jours, il serait positif que ce soit la même équipe (quitte à changer de poste) qui reste en place. Il est préférable qu’il y ait des différences de critère d’une année sur l’autre que d’une corrida à l’autre. Question de justice.


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