Ronda et Séville

“(…) j’affirme, de la manière la plus précise, qu’on ne peut pas bien comprendre l’histoire de l’Espagne depuis 1650 à aujourd’hui si on s’est pas rigoureusement construit, dans le sens strict du terme, l’histoire des corridas de toros; non pas de la tauromachie qui a plus ou moins vaguement existé dans la Péninsule depuis trois millénaires, mais ce que nous appelons ainsi actuellement.”

José  ORTEGA Y GASSET

Pedro Romero2          

L’habit de torero est, à la fin du XVIIIe siècle, un vêtement de ville enrichi de taffetas et de soie, inspiré de la tenue que portaient les « manolos », ou bas peuple de Madrid3, avec les cheveux emprisonnés à l’intérieur d’un filet. Peu à peu, cet habit s’embellira : par exemple Costillares utilisera des galons et des franges argentés. L’alguacil, représentant les forces de l’ordre, apparaît en tête du défilé d’ouverture. Les trois tiers sont ceux d’aujourd’hui, la lidia est organisée et tout ce qui se fait dans l’arène a pour seul objectif de tuer le toro selon les règles fixées, a recibir pour Pedro Romero, et à vuelapié pour Costillares. La muleta est un instrument de défense avant de devenir un outil artistique. La véronique apparaît avec Joaquín Rodríguez « Costillares » (il n’en est pas réellement l’inventeur, pas plus que du volapié, mais sans doute l’a-t-il perfectionné et lui a-t-il donné sa valeur première pour la domination sur l’animal) et le répertoire de cape deviendra de plus en plus varié.

Le combat de taureaux primitif se transforme en art de « lidier » les toros dans l’arène. Nous pouvons également lire dans le livre Histoire de la tauromachie dudit historien français : « Dans l’Andalousie des années 1770-72, la mutation décisive qui a donné naissance à la tauromachie nouvelle était accomplie. » (Comparaison des récits de Edward Clarke à Madrid en 1760 et de R. Twiss à El Puerto et à Cádiz en 1772.) « (…) trois tiers, qui, à cette époque, sont d’égale longueur : cinq minutes chacun, sois un quart d’heure au total ; durée réglementée »4. A cette époque, jusqu’à vingt-cinq taureaux sont tués par journée de festivités.

Pepe-Hillo est le premier à « se croiser », c’est-à-dire à se situer entre les cornes et à se servir de la muleta pour toréer. Il améliore le toreo de cape avec les inventions du frente por detrás et du capeo dans le dos. Son toreo était offensif (ce qui représente une contradiction avec les préconisations de son traité), en se plaçant délibérément en situation de danger, ce qui d’ailleurs lui valut un coup de corne mortel en 1801. Il fut la première idole populaire et le pseudo auteur, en 1796, d’un des premiers traités exclusivement consacré à la tauromachie à pied. Il s’agissait plus précisément du troisième après la Cartilla en que se notan algunas reglas de torear a pie de la bibliothèque d’Osuna – plus connue comme “Cartilla de torear” -, au XVIIe siècle ou début du suivant – bien qu’il existât antérieurement des traités de tauromachie à cheval qui avaient inclus quelques paragraphes sur le toreo à pied-, et l’œuvre Noche fantástica de García Baragaña publiée en 17505. Les corridas sont interdites en 1805 mais elles sont rétablies en 1808 grâce à José I, plus connu en Espagne sous le sobriquet de Pepe Bonaparte « El Botella ». 

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1. In Sobre la caza, los Toros, y el toreo p. 136.

2. Pedro Romero. Document Los Toros.

3. Cf. tome “El Toreo” de Los Toros en fascicules p. 46.

4. Cf. Histoire de la tauromachie de Bennassar pp. 47-48.

5. Cf. “La técnica y el arte del toreo” du tome “El toreo”, p. 222 et suivantes, de l’encyclopédie Los Toros en fascicules.


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