Chiclana et Cordoue

1      Au cours du XIXe siècPaquirole les pasodobles font leur apparition dans les  arènes. Paquiro (alternative en 1831), torero athlétique mais orthodoxe dans le sens où il pratiquait toutes les suertes des différents toreos existants d’une manière supérieure, organise les corridas. Bien que les picadors continuent encore à défiler devant lors du paseo, ils deviennent subalternes. Le nombre de banderilleros se réduit définitivement à trois, comme aujourd’hui, et l’habit de lumière apparaît (montera, boléro plus court, épaulettes caractéristiques, machos…)2. Si la tauromachie du sud s’impose définitivement, il convient de noter que Montes a fréquemment pratiqué des suertes provenant du toreo du nord comme le saut à trascuerno qui survit actuellement dans les concours de recortadores ou le saut à la perche. L’artiste Cúchares, qui vulgarise le derechazo, El Chiclanero, avec un toreo qui évolue vers l’immobilité et Cayetano Sanz, le premier grand torero castillan, sont les autres grands toreros de l’époque de Montes.

Si Paquiro est connu pour avoir fixé un grand nombre de règles du toreo, ce que ce dernier lui doit le plus est sans doute son ample répertoire de cape, au travers de ses galleos, c’est à dire une tauromachie certainement en mouvement mais en avançant, soit en se croisant, suivant en cela la dynamique initiée par Pepe Hillo. Mais si la postérité a gardé, pour faire référence à l’art dont nous nous occupons, l’expression « l’art de Cúchares », c’est que le torero sévillan a plus marqué les esprits que son collègue grâce à son inventivité. Même si avec le temps il finira par considérer la muleta comme un instrument de défense, le fait d’imposer les passes avec la main droite démontre qu’il ne se servait pas seulement de cet instrument pour la préparation à la suerte suprême. Avec les passes aidées dont il est également le créateur, l’épée participe également au toreo. A la même époque, El Chiclanero dépasse son maître vers l’immobilité (non pas qu’il restait complètement immobile mais sans doute stoppait-il son mouvement d’avancée, sans en esquisser un de recul au moment de la rencontre).

En 1847 Melchor Ordóñez, un homme politique de Malaga, légifère sur le thème qui nous intéresse et il crée la première véritable réglementation sur la tauromachie3.

Le torero Gordito invente la pose de banderilles dite al quiebro à la fin des années 50 du XIXe siècle.

A cette époque également, deux pratiques barbares réservées aux mansos cessent : les morsures de chiens (pour remplacer les piques) et le desjarrete (coupure au niveau des jarrets avec un instrument en demi-lune lorsque l’estocade semblait impossible).

La première oreille concédée à Madrid est attribuée à José Larra « Chicorro » le 29 octobre 1876, la seconde en 1898 et il faudra attendre 1910 pour la concession du troisième appendice dans la capitale espagnole. A partir de là, l’attribution de trophées se généralise. Il existait à Séville, avant l’époque moderne,  une ancienne pratique, au moins depuis 1751, consistant à donner l’oreille à un torero comme contremarque signifiant que le prix en viande du taureau lui revenait3. Le nombre de toros par corrida est très aléatoire mais il se réduit progressivement : de 12 (6 le matin), qui était le chiffre normal à Madrid à la fin du XVIIIe siècle on passe dans la plupart des cas à 8 dans la première moitié du XIXe4.

Avant cela, Lagartijo (alternative en 1865) est le protagoniste avec le vaillant Frascuelo de la première grande époque de la tauromachie. Le premier sera sans doute le premier grand torero complet (dans le sens d’un équilibre entre courage, technique et esthétique) et permettra surtout au toreo de rentrer dans une dimension esthétique qu’il ne fera ensuite qu’approfondir.

Après eux, Guerrita (alternative en 1887), torero largo s’il en est, règnera en solitaire. Ce torero cordouan torée de profil à la cape et commence à baisser les mains. Il impose le toro de 5 ans et il est également l’un des derniers à pratiquer le saut a trascuerno. A cette époque, Luis Mazzantini, un excellent tueur, impose le tirage au sort. Il est également le premier matador à recevoir l’alternative sans être passé par le quadrille d’un maître. 

A la fin du siècle il faut aussi faire référence à El Espartero (alternative en 1885) qui s’immobilisait pour dévier le toro avec la muleta et le vaillant Reverte, spécialiste des recortes cape au bras et auteur d’un toreo on ne peut plus ajusté.A cette époque apparaît également la gregoriana, c’est à dire la protection de la jambe droite, de la part du grand picador Badila.

Au début du XXe siècle, le travail à la  muleta reste bien souvent un simple trasteo, un toreo par devant avec des toros mansos le plus souvent, une manière de jouer avec le leurre autour et sous la tête du toro, « un art de birlibirloque », un art de l’abracadabra, dans sa meilleure version, comme disait le poète José Bergamín. Bombita, en plus de créer Montepío, une sorte de Sécurité sociale pour toreros, en 1909, réduira les distances et « citera » de profil, établissant les bases du toreo de proximité qui apparaîtra quelques 70 années plus tard. La rivalité entre ce dernier (alternative en 1899), qui fut un véritable torero largo, et le lidiador Machaquito est intéressante mais la tauromachie ne traverse pas son meilleur moment. A côté d’un torero austère comme Vicente Pastor  apparaissent cependant des toreros artistes comme  Antonio Fuentes, qui impose par ailleurs le cuarteo aux banderilles5, et surtout Rafael « El Gallo », premier grand artiste inspiré.

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Bombita

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1. Paquiro. Document Los Toros.

2. Cf. “Reglamento” dans le dictionnaire de M. Ortiz Blasco.

3. Anales de la plaza de toros de Sevilla de Ricardo de Rojas y Solís, p.91.

4. Cours de l’UNED de Víctor Pérez López, module 3, chapitre 1 p.73.

5. Cours de la UNED de Víctor Pérez López, modulo 3, chapitre 3 p.35.


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