L’école rondeña

Voici comme elle se définit à ses débuts d’après son créateur : «L’honneur du matador consiste à ne pas fuir ni courir devant le toro ayant la muleta et l’épée dans les mains. Le torero ne doit jamais sauter la barrière une fois l’affrontement engagé car il s’agit là d’une action honteuse. Le lidiador ne doit pas compter sur ses pieds mais sur ses mains et dans l’arène, devant les toros, il doit tuer ou mourir avant de montrer de la peur. S’immobiliser et se laisser prendre : voilà la manière de permettre au toro de se livrer et de montrer le garrot.»1

Si Pedro Romero est incontestablement le fondateur de l’école de Ronda, celle-ci a semblé disparaître en même temps que la disparition de la suerte suprême en recevant l’animal.

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Pedro Romero par Goya

Elle s’est toutefois perpétuée avec un style sans doute plus sec dans ce qui a été appelé l’école castillane sur laquelle nous reviendrons.

Au XXe siècle l’école rondeña s’est toutefois maintenue avec des toreros originaires de cette petite ville de la province de Malaga que furent « El Niño de la Palma » et son fils Antonio Ordóñez.  Le grand Gregorio Corrochano avait d’ailleurs donné à une des ses célèbres chroniques concernant le premier le titre de « Es de Ronda y se llama Cayetano ».

Il peut en effet être considéré comme le créateur de l’école de Ronda moderne où la quiétude, le pundonor mais aussi le sentiment, composant indispensable à toute bonne école andalouse qui se respecte, sont les trois piliers. Moins enjouée et inspirée que l’école sévillane elle est donc plus sérieuse et généralement plus profonde.

N’y a-t-il pas dans ces conditions d’autres toreros qui peuvent de près ou de loin s’inscrire dans ce concept ? A mon humble avis, chacun avec sa personnalité, il y a pour commencer Antoñete,  beaucoup plus artiste que ses compagnons de l’école castillane à laquelle on a voulu le rattacher eu égard à ses origines. Après j’y inclurais aussi Jaime Ostos, un des « lidiadors » les plus inspirés de l’histoire mais aussi Paco Camino, mal aimé chez lui mais idolâtré à Madrid où on lui reconnaissait des qualités intrinsèquement andalouses, puis il y a eu Manzanares, un torero d’Alicante qui ne ressemblait pas à ceux de sa terre et ces dernières années un torero sévillan un peu sec mais présentant un toreo de qualité où le temple et l’esthétique sont aussi essentielles que le courage et la technique pour dominer des animaux parfois redoutables : El Cid.

Arjona 2Manzanares recibiendo. Photo Arjona.

Mais aujourd’hui le fils de l’un d’entre eux, dont le style rappelle celui de son géniteur mais qui est capable de l’imposer à un plus grand nombre de toros, revient aux sources de l’école de Ronda en pratiquant de manière quasi systématique la suerte a recibir. Décrié par les uns, adulé par les autres José María Manzanares ne laisse pas indifférent et même s’il ne s’est pas imposé à un grand nombre d’encastes comme ont pu le faire des toreros comme Ordóñez ou Camino il est à mon sens le dernier grand rondeño et je prends le pari que son toreo évoluera vers plus de profondeur pour s’accorder encore mieux à l’école dont il est l’héritier.

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  1. Cf. Historia del toreo de Daniel Tapia p. 30 et suivantes.

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