Les autres écoles

A part les écoles de Ronda et de Séville, on a pu parler d’autres écoles tout au long de l’histoire du toreo : celle de Castille, que nous avons évoqué précédemment serait évidemment la plus importante. On pourrait la considérer comme une émanation de l’école rondeña, dans la mesure où elle représente un toreo d’efficacité qui s’accorde aux canons les plus classiques mais en se différenciant de ce qu’on appelle le toreo andalou par son côté plus austère. Même si l’éventail du toreo castillan va d’un toreo campero, propre aux purs « lidiadors », à un toreo plus raffiné, il reste en effet peu inspiré et il ne met l’esthétique qu’au second plan.

Des autres écoles il faudrait mentionner celle de Chiclana ou de Cadix, étant donné l’importance que le “coin du sud” a eu dans l’histoire du toreo, ainsi que les écoles de Cordoue ou du Mexique.

La première est due en premier lieu à Jerónimo José Cándido et surtout à Paquiro. El Chiclanero fut ensuite son héritier naturel. Dans le “Cossío” il est écrit à son propos : « Il a mis en pratique tout ce que son maître [Montes] lui a appris de l’école de Chiclana, éclectique et complète, en la raffinant encore plus et en la rendant plus spectaculaire ».1 Elle sera l’école des toreros largos, équilibrés dans le sens de la lidia et du toreo. Dans cette école, à mi-chemin entre celles de Ronda et de Séville, la réalisation brillante serait aussi importante que l’efficacité mais sans se cantonner à la plus stricte orthodoxie dans le but de développer sa propre personnalité. Après Montes, un autre roi solitaire apparaîtra, Guerrita, bien que Cordouan. Ne pourrait-on pas considérer Manolete et après lui Luis Miguel comme leurs successeurs ? Le toreo de Paco Ojeda ne pourrait-il pas être inclus dans la définition de cette conception du toreo ? J’ai moins de doutes envers un torero comme Paquirri et dans l’autre extrême Espartaco, avec plus de technique que d’éthique. Et El Juli ? Ne pourrait-il pas être dans l’actualité l’élève devenu maître de ce courant ? Faut-il sinon les considérer comme des cas particuliers ? Les situer dans une catégorie n’empêche évidemment pas que chacun ait sa propre personnalité, d’autant plus quand les distances temporelles sont importantes.

Ce n’est pas qu’il soit tellement important de vouloir les mettre dans des cases prédéfinies et il est vrai qu’on parle peu aujourd’hui d’écoles en dehors de la sévillane et du style castillan, mais certains parallélismes peuvent être tentés lorsqu’on essaie de comparer différentes époques. Par exemple, Lagartijo, premier grand torero Cordouan, a laissé sur la tauromachie la marque de l’esthétique tout en étant un torero dominateur. José Bergamín et Francisco de Cossío, duquel nous transcrivons ce qui suit, faisaient référence à cette école de Cordoue : «En ce qui concerne Lagartijo, il a pris des deux écoles ce qui s’adapte le plus à sa manière particulière de toréer, au point qu’on a prétendu voir en lui le créateur d’une nouvelle : la cordouane, qui serait une synthèse de l’une et de l’autre. »2 En fait assez proche de la conception de la précédente, mais moins ample et donnant plus d’importance à l’esthétique, sans la profondeur de celle de Ronda ni l’allégresse et les détails inspirés de celle de Séville mais beaucoup moins sobre que celle de Castille, cette école cordouane correspondrait assez bien, d’après moi, aux formes et au fond de la tauromachie d’Enrique Ponce.

Des Mexicains et de leur toreo jovial et très varié, en particulier à la cape, traditionnellement bons banderilleros, il faudrait écrire quelque chose à part mais je ne voudrais pas être ici trop prolixe. Le fondateur est indubitablement Gaona, dont les grands héritiers sont Armillita, Solórzano, Liceaga, El Soldado, le très créatif Ortiz, avant Arruza puis Martinez sans parler de la nouvelle génération. Le toreo d’Esplá également, tout Espagnol qu’il est, pourrait parfaitement rentrer dans la définition de cette école.

Les toreros Basques ont également leurs caractéristiques, proches de celles de l’école castillane, le style est dépouillé et ils sont de grands « estoqueadors » : Mazzantini, Cocherito, Fortuna ou Martín Agüero même si les Aragonais Villalta o Nacional II, par exemple, pourraient compléter cette liste.

Puisque nous sommes dans un jeu de classement, il faudrait aussi parler de l’école « trémendiste » (Arruza et Carnicerito de México pourraient aussi y figurer, en plus de Litri, El Cordobés, Palomo ou Chamaco) ou celles des téméraires (Frascuelo, El Espartero, Reverte, Freg, Gitanillo de Ricla… et maintenant Padilla, parfois).

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  1. In Los Toros deux volumes : tome II p. 682.
  2. In Los Toros deux volumes : tome II p. 91.

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