Quel est le sens de la Corrida?

Il s’agit là d’une question importante parce que nous croyons que la compréhension de l’art taurin passe par celle de son sens profond. Plus que tout autre chose, la tauromachie puise dans les sentiments les plus profonds enfermés dans l’Homme. Les corridas se composent de tout ce qui compose la vie. Nous pouvons apercevoir la soumission et la domination, le mensonge et la sincérité, la peur et le courage, la science et l’art, la lutte et la caresse, l’indifférence et la passion, le corps et l’esprit, les larmes et la fête… la vie et la mort.

La tauromachie espagnole est en fait une tragédie en trois actes qui représente la lutte de l’homme face à son inéluctable destin de mort, elle-même représentée par le toro. Le torero, représentant de l’humanité, mais se détachant finalement de celle-ci, triomphe de l’inexorable, transforme son destin fatal en tuant la Mort. La grandeur de la tauromachie réside dans le fait qu’il s’agit en même temps d’une représentation et d’une réalité. Si le scénario est rompu nous revenons à la dure réalité. Comme le disait Hemingway dans Mort dans l’après-midi, le torero est le seul artiste en danger de mort pendant la réalisation de son œuvre. Certains disent également que les toreros sont les seuls êtres humains qui peuvent vivre dans une plénitude totale. En effet, d’un côté ils trouvent une solution aux problèmes existentiels fondamentaux dans une danse amoureuse avec la mort et d’un autre, ils laissent, eux-aussi, en tant qu’artistes, une trace de leur passage en ce bas monde, pour après leur mort. Cependant, celle-ci finit par gagner le combat, même si une corrida nous donne l’impression d’une possible éternité.

Les toreros ne sont pas suicidaires et la majorité d’entre eux ne sont pas téméraires du tout. C’est l’envie de vivre qui les amène à exposer leur vie. Être torero peut être considéré comme une philosophie de vie : « Sénèque considérait la mort comme le point de référence de la vie. Elle est en effet nécessaire pour que l’homme puisse ‘sentir’ la vie, de même que son contraire est nécessaire à toute chose pour que celle-ci puisse exister. Nous devons donc nous familiariser avec elle et non la craindre, puisque c’est grâce à elle que la vie acquiert toute sa valeur. Elle n’est qu’un ‘incident’ nécessaire. »1


1. Cf. Tauromachie de Prevôt-Fontbonne p. 80.

 


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