Du sublime et de l’immonde

Si on ne doit pas nier la violence consubstantielle à l’idée d’un affrontement à mort, cet aspect de la tauromachie n’a rien d’une violence gratuite (tous les actes ont ici leur raison d’être et tout se fait avec une éthique propre, sans traîtrise) et surtout, celui-ci n’est certainement pas une fin en soi. La violence est dans la nature de la tauromachie comme elle l’est dans la nature de l’homme  mais elle n’apparaît, même si nos détracteurs ne voient qu’elle, qu’au second plan.

Car s’il faut vaincre la mort, c’est, ne nous y trompons pas, la vie qui est célébrée dans le rite tauromachique, une vie sublimée, tellement idéalisée que le torero semble la mépriser autant qu’il méprise la faucheuse. Et pourtant, c’est par cette attitude qu’il la vit pleinement, qu’il profite du carpe diem. Il se joue de la mort en jouant sa vie dans un acte de création gratuit. Et c’est là la seule gratuité.

En s’exposant, l’homme ne joue pourtant pas mais en le faisant de manière à la fois détachée mais en communion avec son adversaire, il joue l’immortel, il incarne la vie éternelle. Il s’agit là d’une contradiction seulement apparente dans la mesure où elle n’est que la réunion de contraires qui deviennent complémentaires. Mais c’est parce qu’il est tellement difficile de se situer au point intermédiaire que la tauromachie peut être si belle, lorsqu’elle est ce qu’elle se propose d’être : la renaissance d’un mythe. La plupart du temps, on n’assiste qu’à une tentative. Le sublime est par définition très rare. Cependant, lorsqu’on a vécu une fois une geste taurine authentique, on ne demande qu’à revivre un tel instant. Lorsque la flamme s’est allumée en nous, c’est comme une foi qui ne s’éteint plus et qui nous permet de patienter, parfois longtemps, jusqu’à entrevoir à nouveau cette lueur divine.


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