Rite et spectacle

La Corrida est certes un spectacle mais pas un spectacle comme les autres. L’acteur y représente d’abord l’Homme, au sens viril mais surtout dans son acception d’être humain qui doit s’approprier les vertus de l’animal mythique qu’il affronte depuis des millénaires. C’est cette puissance qu’il acquiert qui peut faire du torero un demi-dieu, trait d’union avec le Mystère de l’ailleurs qu’il révèle en partie, un instant. Cette transcendance n’a pas lieu tous les après-midi, il faut la réunion d’un certain nombre d’éléments, pour certains la conjonction de planètes peut-être, mais lorsqu’elle apparaît, la Vérité s’impose au plus grand nombre. Contrairement à la représentation théâtrale, rien n’est écrit en tauromachie, tout, à commencer par la matière prime, y est plus fragile et instable que dans aucune autre discipline artistique. C’est sa force et sa faiblesse, ce qui crée les déceptions et les révélations, les incompréhensions aussi.

 Comme dans d’autres religions (elle en a pour moi la valeur) le sacrifice rituel est une nécessité parce que pour nous, vaincre le toro, c’est échapper à notre condition de mortel (mais mon propos n’est pas ici de revenir sur cet aspect des choses que j’ai traité ailleurs). Le rite de la Corrida a une force que n’a pas (ou n’a plus) la religion dans laquelle j’ai vaguement été élevé, une messe étant pour moi quelque chose comme une enveloppe vide. ll n’y a que lors des grands moments symboliques de la vie et de la mort – le baptême, le mariage et les obsèques – que la religion peut reprendre sa place primordiale. En Andalousie il y a aussi la solennité de la Semaine Sainte.

 Pour aller aux corridas, je me vêts donc à la hauteur de l’importance que la tauromachie revêt pour moi. Je vais voir le spectacle de l’exaltation de la vie au travers de ma mort et cela mérite bien, comme d’autres actes sociaux, l’habit des grands jours. Je ne fais pas partie des festaïres (même si dans certaines circonstances l’adaptation aux couleurs locales, blanche et rouge notamment, est de mise) ni de l’élite « toriste » qui chacun à leur manière ont assimilé la tauromachie à leurs valeurs, en particulier rugbystiques (les métaphores sont légion), mais les arènes ne sont ni des stades ni des cirques, au sens romain.

 


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