Rivalités (V)

Après la rivalité entre Guillén et Cándido eut lieu celle entre El Sombrerero et Leoncillo qui au-delà de l’aspect strictement taurin fut une transposition dans les arènes de la lutte politique entre Absolutistes et Libéraux.

Le premier, Antonio Ruiz est né à Séville entre 1777 et 1792 (?) et a débuté comme deuxième épée aux ordres de Guillén en 1808, au tout début de la guerre d’indépendance. De caractère semble-t-il irascible, ce fils de chapelier était plus incliné vers l’autoritarisme des partisans de Fernando VII.

L’apogée de sa carrière se situe vers 1824-1825 puis il tirera sa révérence en 1835 après une série de fracasos. Devenu négociant en huiles et semences puis Carliste, ne reconnaissant pas la reine Isabel II, et peu enclin à la diplomatie commerciale, il finit par se ruiner après s’être fâché avec la plupart de ses clients.

Il toréa pour la dernière fois en 1859 dans sa Maestranza et aux côtés de Cúchares et El Tato puis s’éteignit peu après, le 20 juillet 1860.

Torero d’une intelligence technique rare, il fut un temps professeur à l’école de tauromachie de Séville. Il tuait aussi bien a volapié qu’a recibir.

Juan León est né le 2 septembre 1788 dans la même ville que son futur rival qu’il connaissait depuis toujours dans le milieu des chapeliers et des aficionados que fréquentait son père de par son métier et son inclination à la chose taurine. Comme lui, il a fait ses armes à l’abattoir de Séville qui servait d’école face à du bétail à moitié brave.

Une fois que la génération précédente a pris sa retraite, El Sombrerero et Leoncillo prennent la relève à partir de 1820-1821 jusqu’à l’apparition de Paquiro dix ans plus tard. Juan León fut lui aussi l’élève de Curro Guillén – auquel il essaya de faire un quite salvateur lors de son coup de corne mortel à Ronda en 1820 – après avoir débuté dans les arènes andalouses en 1810. En 1818 il était déjà deuxième épée à Madrid puis première épée trois ans plus tard. Milicien pendant la période constitutionnelle, il affirmait aussi haut ses idées que ne le faisait son grand rival. D’ailleurs, à Séville, en 1824, Leoncillo s’habilla de noir, couleur des Libéraux, quand il sut qu’El Sombrerero porterait un habit d’un blanc virginal ce qui lui valut les foudres d’une bonne partie du public. Cette anecdote prouve le courage du personnage après le retour de l’Absolutisme l’année précédente avec l’aide des troupes françaises de Louis XVIII, suite aux trois années libérales qui ont suivi le coup d’Etat du général Riego en 1820 à Las Cabezas de San Juan. Les années suivantes il ne toréa pas à Madrid, victime d’ostracisme politique. Il prit sa retraite en 1846 puis revint en 1850, par besoin, ayant vécu de manière dissolue et dispendieuse, avant de se retirer définitivement l’année suivante suite à un coup de corne reçu à Aranjuez. Il mourut à Utrera en 1854.

En bon sévillan, il s’agissait selon Cossío d’un torero aérien capable d’improvisation, remarquable à la naturelle, un précurseur de Cúchares mais au toreo défensif à la fin de sa carrière qui le fit surnommé par Nestor Luján Le Grand Tricheur.


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