Les grands toros de l’histoire

Les noms de toros dont on se souvient sont souvent des toros assassins ou bien ceux qui, sans avoir fait quoi que ce soit de spécial, se sont retrouvés le bon jour pour participer ou confirmer l’alternative d’un torero qui deviendrait célèbre. D’autres sont connus parce qu’un maestro a été capable d’extraire leur quintessence et a permis leur grâce – comme Arrojado de Cuvillo, gracié à Séville en 2011 – sans qu’ils puissent être considérés comme de grands toros, et puis il y a ceux de toujours, d’hier et peut-être de demain, des animaux qui peuvent non seulement permettre au torero, par leur bravoure, de s’exprimer mais qui le font en vendant cher leur peau – on a l’exemple de ce toro quasi parfait en Cobradiezmos, de Victorino, dont la vie a été pardonnée à la Maestranza en 2017. Et puis il y a les toros qu’on appelle les alimañas, c’est-à-dire la vermine, que personne ou presque ne voudrait ériger en modèle mais qui continueront à vivre dans l’esprit de ceux qui les ont vu combattre. Il peut s’agir de mansos « encastés » ou bien de braves qui gagnent du terrain comme ce Canario de José Escolar « lidié » par Robleño à Mont-de-Marsan en 2012 après avoir blessé Castaño.

Sinon, voici une liste non-exhaustive que j’aimerais bien qu’on m’aide à compléter de ce qu’on entend par grands toros :

Jaquetón, toro cárdeno de Agustín Solís, est à Madrid, depuis 1877, la bravoure par antonomase, même si on va voir du côté de la sublime ville natale de Pizarro sa tête disséquée et que le mythe s’effondre devant cette tête très pauvre au regard des canons d’exigences actuels. On pourra toujours se consoler avec les 43 piques d’un autre cárdeno, Almendrito, toro de Pérez de la Concha « lidié » à Almería en 1876 ou avec l’immense (au sens propre) Cucharero qui, l’année suivante, dans les arènes de Malaga, prit 10 piques (sans que le sang coule) et donna beaucoup de fil à retordre à Lagartijo. Avant eux, il y avait eu aussi Centella, de José María Torres, gracié à Cadix en 1851, recordman ex-æquo du nombre de piques avec la bagatelle de 53 et de 9 chevaux tués, Estornino, de Picavea de Lesaca, à Malaga, qui reçut plus de 40 piques et qui traversa l’arène en chargeant sous le fer ou Machorro, à Xérès, qui en prit la même année 33 en tuant 3 chevaux et qui, bien que grâcié, refusa de quitter le lieu du combat. En 1860, Contador (sans être dopé), de Joaquín Jaime Barbero, chargea la cavalerie 39 fois, ce qui lui valut la grâce et Llavero, de Carriquiri, « lidié » à Saragosse, fut l’autre toro à avoir reçu 53 piques. Zancajoso, de Anastasio Martín, quant à lui, fut le premier toro à avoir été gracié à Séville, en 1861, après avoir pris 33 piques et tué 11 chevaux. Le colorao Marismeño, de Murube, prit à Ronda 51 piques et tua 11 chevaux. En 1866, Jaqueta, de Miura, à Cordoue, se fit châtier en 36 rencontres où il tua 10 chevaux. Un mot pour Libertado de Vicente Romero García, qui, gracié à Xérès en 1864 après avoir été châtié 36 fois et tué 6 chevaux, mourut non loin de là, à Cadix, dans une autre corrida, en 1869. Nous en terminerons avec le XIXe siècle avec Parrillero, de Laffitte (mais élevé par José Bermúdez dont l’origine est Gallardo-Cabrera-Hidalgo), qui prit 39 varas et tua 12 chevaux à Séville en 1873 et, dans un autre genre, avec Playero de Murube qui fut gracié par Reverte dans les mêmes arènes en 1897 après 6 piques mais en raison surtout de son extraordinaire noblesse qui permit même, dit-on, à la duchesse d’Albe de le caresser. Dix ans auparavant un animal de la même ganadería, Manzanito, avait eu droit au mouchoir orange au même endroit ce qui fait un total de trois indultos à Séville au XIXe siècle.

Il convient de préciser que la technique de la pique évoluant, le contact avec le cheval devint de plus en plus fréquent et que le nombre de varas s’est progressivement réduit. Comme le rappelait il y a peu l’auteur du site terredetros dans une conférence, pour considérer qu’un toro était de grande bravoure il fallait environ 35 piques vers la moitié du XIXe siècle puis 10 à la fin de celui-ci et 6 au début du suivant.

Au XXe siècle, on distinguera particulièrement Gamito, de Vicente Martínez, vainqueur de la corrida-concours à Madrid en 1911, Cantinero, de Santa Coloma, qui fut le premier auquel on coupa une oreille à Séville dans l’ère moderne; c’est ni plus ni moins que Joselito El Gallo qui s’en chargea et c’était en 1915. Bravío, du même élevage, « lidié » à Madrid en 1919 est considéré comme l’un des plus braves de ceux qui ont foulé l’arène de la capitale espagnole. La même année au même endroit, Barrenero (7.7.3), d’Albaserrada, mit en difficulté Gaona qui ne parvint pas à le tuer dans le temps imparti. En 1930, Mancheguito, du marquis d’Albayda, prit, à Salamanque, 6 piques, fit tomber 5 fois la cavalerie et tua 2 chevaux malgré le caparaçon. En 1942, à Madrid, Colombiano de Pablo Romero. En 1970, à Nîmes, Yeguero de Isaías et Tulio Vázquez prend 4 monumentales piques et permet un grand triomphe à Limeño. En 1973, à Madrid, Capitán de Hernández Plá. Velador de Victorino Martín, gracié à Madrid en 1982 par Ortega Cano. Des toros de Pérez de Vargas comme Guitarrero à Séville en 1982 ou Trompetillo à Nîmes en 1986. Lamparillo de Miura à Arles en 1990 (3 avis à Víctor Mendes). Garapito de Palha en 1992 à Vic Fezensac. A Madrid, Bastonito de Baltasar Ibán en 1994 et Segador de Cuadri en 1998. A Grenade, Marquito d’Ana Romero gracié par Ortega Cano et à Bilbao en 1996, Madrilito de Atanasio Fernández.

Cobradiezmos

Cobradiezmos, de retour chez lui

Un mot pour quelques sementales comme Diano (1903-1920) de Ibarra, qui acheté par l’élevage de Vicente Martínez donna d’excellents résultats en mélangeant son sang Vistahermosa avec celui de la caste jijona et dont la vie se perpétue de nos jours dans l’élevage de Montalvo, ou encore Alpargatero, de Parladé, père fondateur des encastes Conde de la Corte, Atanasio et Domecq avant d’être occis par Curro Posada en 1916 à Madrid. Chez Graciliano, l’étalon qui a été la base de l’encaste avait pour nom Mesonero. On peut citer encore Murciélago de Joaquín del Val, élevage de caste Navarre, gracié à Cordoue en 1879 par Lagartijo et après 24 piques et récupéré par Antonio Miura, élevage où il serait l’aïeul de tous les toros roux, et aussi Gaitero de Conde de la Corte ou bien Guitarrero de Palha.

Quelques lignes aussi, en nous concentrant sur les arènes de Madrid, pour ces excellents toros qui ont permis de grandes faenas, comme celle réalisée par Chicuelo a Corchaíto, de Graciliano, en 1928 et qui allait poser à la fois les bases du toreo et du toro moderne, celle de Belmonte à Tramillero, de Paco Coquilla, qui lui valut une queue en 1935, celle d’Antonio Bienvenida au toro Gracioso de Conde de la Corte en 1952, celle de Manolo Vázquez à Lagunillo de Juan Cobaleda, celles réalisées par Antonio Ordóñez à Bilbilarga d’Atanasio Fernández mais en 1960 ou à Comilón de Pablo Romero en 1965, bien-sûr celle d’Antoñete à Atrevido d’Osborne, l’année suivante, celle de Curro Romero à Chorrón de Benítez Cubero en 1967, celle de Paco Camino à Serranito (vuelta posthume) de Pablo Romero en 1971, celle de Manzanares (père) à Clarín de Manolo González ou bien celle d’Aparicio à Cañego d’Alcurrucén en 94.


2 Responses to “Les grands toros de l’histoire”

  • Bruguières Says:

    J’ai eut la chance de voir Trompetillo. Un toro que je n’oublierai jamais. Je ne me pardonnerai jamais de ne pas avoir pensé à demander l’indulto pour ce toro d’exception. Un Piquero à la fête. Un Ruiz Miguel à la rue. Un public sous le choc. Je ne vais plus aux arenes lasser d’attendre à nouveau un Trompetillo.

  • NOEL Christophe Says:

    Erreur de ne pas aller aux arènes car si j’ai vu Trompetillo de MLDPV à Nimes en 1986 et pensait que ce toro resterait exceptionnel, il y eu « Clavel blanco » du même élevage combattu en Arles lors de la corrida concours du 9/9/2009 qui surpassa en bravoure « Trompetillo », 5 rencontres au cheval chaque fois de plus loin ,poussant chaque fois sous 15 à 20 mètres avec deux chutes à la 1ere et 5e et dernière rencontre al regaton; poursuivant les banderilleros aux planches et dévorant le pauvre lopez Chaves à la muleta.Un toro prototype du toro bravo qui aurait mérité l’indulto,et mourut comme tel en plein centre de la piste.Il existe encore des grands « toros » même si cela est de plus en en plus rare.

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