Demain je serai libre

Nestor García a côtoyé Iván Fandiño pendant 15 ans. Il l’a donc aidé à grimper au sommet puis l’a accompagné pendant sa disgrâce avant de lui tenir la main dans ses derniers instants. Son livre est celui d’un homme marqué. Ce n’est pas l’amertume qui parle contrairement à ce que diront certains, c’est la douleur, donc la vérité. C’est un livre fait d’ombres et de lumières, comme le toreo même, un livre aussi entier que son auteur, en blanc et noir. Il ne s’agit nullement d’une œuvre littéraire, là n’est pas la question. On n’y trouvera rien non plus de glauque ou d’indiscret sur la vie ou la mort du lion basque mais bien ce qui fait l’essence du toreo, l’exaltation de la vie, une vie vécue sans concessions, comme si chaque jour était le dernier (pour reprendre les mots d’une chanson bien connue) avec pour objectif avoué celui de la liberté. Fandiño n’a pas cherché la mort, il n’était nullement suicidaire contrairement à ce que pourront dire ceux qui l’ont vu tuer des toros sans muleta en se jetant entre les cornes. Il avait l’ambition de devenir quelqu’un dans la voie qu’il avait choisi qui est celle des héros. Être vrai, c’était sa manière d’être, dans la vie et dans l’arène. Il ne cherchait pas à paraître, même pas sympathique, mais à être ce qu’il était au fond de lui-même, un TORERO, pur, sans fioritures. Voilà ce qu’on apprend dans le livre même si entre les lignes on aperçoit un fils, un mari et surtout un père, un être qui ne peut être héroïque à tout moment, surtout quand s’immisce le doute et que les circonstances du quotidien et les questions sur l’avenir viennent troubler la permanence de l’être profond. Nestor García est un autre lion, il rugit dans un travail de deuil où il n’épargne personne en donnant son sentiment, tout d’abord sur les familles mafieuses (sic) et leurs toiles d’araignée qui tissent un système interconnecté, leur archaïsme et leur manque de parole et d’honneur dans un secteur où au contraire celui-ci devrait être magnifié. Il parle aussi des compañeros, ennemis dans les bureaux mais voulant curieusement être bons copains en piste : El Juli le premier. Il parle aussi du système des sites et revues taurines qui sont financés par la publicité des toreros, jusqu’à 15 000 euros dans son cas par saison jusqu’à ce qu’il dise stop. Bien-sûr ce livre est écrit depuis sa vision des choses, il n’est pas impartial, il est fandiñista. Mais comme disait Saint-Exupéry, on ne voit bien qu’avec le cœur. Et comme disait l’autre – Yiyo peut-être – pour ceux qui comme moi ont eu le cœur fendu ce 17 juin 2017 à Aire sur l’Adour, il s’agissait d’une lecture nécessaire. (Elle m’a permis de reprendre la plume, ce que je n’avais pas fait depuis lors.)


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