Rivalités (VII)

José Tomás vs El Juli

Badajoz, 25 juin 2012

          Ceci est l’histoire d’une rivalité tronquée mais rivalité tout de même. On aurait préféré les voir plus souvent face à face sur les scènes les plus prestigieuses pour que l’afición se partage et s’enflamme et même s’affronte symboliquement mais une chose est claire : ils ont été avec le maestro Ponce, un poil plus âgé, les deux toreros les plus importants de ces 20 dernières années dans deux styles bien différents, le premier dans le classicisme le plus pur et sans concessions et le deuxième dans un toreo plus varié et moderne.

            Lors des derniers épisodes, le 14 août 2016, à Saint-Sébastien puis le 4 septembre suivant à Valladolid, chacun a montré ses arguments dans ce qui promettait être et fut finalement un grand moment de tauromachie dans le premier cas et un vibrant hommage à Víctor Barrio dans le second; numériquement le moins âgé des deux l’emporte à chaque fois mais dans le cœur des aficionados… L’important est que la Fiesta en sorte grandie quand ces deux géants se hissent à leur meilleur niveau.

            Voir José Tomás a l’affiche est depuis longtemps devenu chose rare mais le voir annoncé face à El Juli est un événement encore plus exceptionnel, cependant dans leur première étape, qui commence à remonter il est vrai, ils se sont affrontés plus d’une quarantaine de fois. L’un de mes plus grands souvenirs de corridas est d’ailleurs l’une de ces confrontations, le Dimanche de Pâques de 2001 à Séville où l’ambiance était électrique dans une alternance de l’éclair et du tonnerre pour obtenir la prééminence sur l’Olympe.

            La rivalité entre ces deux là a commencé à Lima fin 98 puis s’est poursuivie 18 fois l’année suivante. Parmi ces dates, la plus importante sans doute est celle du 13 juin à Barcelone, première rencontre en Espagne dans des arènes de première catégorie : 4 oreilles pour José Tomás dans ce qui sera son fief. Notons aussi que quelques jours plus tard, à León, a lieu une corrida où nos deux compères sont précédés d’Enrique Ponce dans un cartel cinq étoiles qui se répétera quelques fois (Puerto Banús et Haro cette même année). C’est à Mont de Marsan, le 20 juillet 1999 que débute leur rivalité sur le sol français mais c’est Manuel Caballero qui triomphe. En revanche, à Dax, le 13 août, avec le même cartel de toreros, c’est le torero de Galapagar qui l’emporte avec un trophée à chaque toro. Le lendemain il coupe un autre appendice à Donostia et le jour suivant a lieu une grande corrida dans la voisine Bayonne où César Rincón, José Tomás et El Juli sortent a hombros dans une corrida de Marca qui permet à chacun de couper 3 oreilles.

            Le 7 mai 2000 la rivalité se précise en même temps que ces deux jeunes toreros atteignent le firmament : José Tomás sort à nouveau en triomphe à Barcelone sous le regard d’El Juli. A Bilbao, le 16 juin, le trio magique se renouvelle mais seul le torero de Velilla touche du poil. Ponce accompagne à nouveau le binôme à Huelva le 3 août et c’est lui qui s’impose avec un double trophée même si José Tomás l’accompagne par la Grande Porte. A Valladolid les trois se retrouvent le 13 septembre  et ce sont les deux plus jeunes qui sortent a hombros. Six jours plus tard, cara y cruz, José Tomás est blessé à Salamanque et El Juli triomphe.

            Le 15 avril 2001 la confrontation a lieu au sommet, sur l’albero de la Maestranza : José Tomás sort par la Porte du Prince. Le 22 ils sortent tous les deux en triomphe des arènes de La Merced accompagnés de Finito. Le 25, à Cordoue, c’est El Juli qui prend sa revanche comme le premier septembre à Bayonne. Le 13 c’est Ponce, à Valladolid.

            Le 31 mars 2002 les deux madrilènes se retrouvent à Séville mais le succès de l’année précédente n’est pas renouvelé. José Tomás est sur le départ, les saisons longues ne sont semble-t-il pas pour lui. Le 31 août, à Bayonne, il est sifflé alors que le stakhanoviste Julián López obtient trois trophées. Du pareil au même à Salamanque le 10 septembre dans des affiches similaires avec Finito de Córdoba en ouvreur, puis le mythe fatigué se retire.

            Il faudra attendre cinq années pour que les deux grands toreros se revoient en piste : lors du mano a mano d’Avila du 22 juillet 2007 c’est El Juli qui remporte la mise, imparable. L’année suivante, le 20 avril, à Barcelone, une seule oreille, elle est pour El Juli. A partir de là les confrontations vont considérablement s’espacer : 3 oreilles chacun le 25 juin 2012 à Badajoz (avec Padilla en tête de l’affiche) avant les rencontres de 2016.

            La Corrida est un Art mais pas seulement. Les statistiques expriment quelque chose mais ne sauraient rendre compte de la puissance émotionnelle du toreo. Ceci dit, elles sont clairement à l’avantage d’El Juli, meilleur technicien que José Tomás : en 48 confrontations, 78 vs 66 oreilles et 27 vs 21 sorties en triomphe. Le reste est de l’ordre de l’ineffable.


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