Fév 7 2013

Le pouvoir du toreo

Au printemps 2011, j’avais déjà pris des places pour plusieurs corridas à Séville lorsqu’on m’a décelé un cancer. En attendant un rendez-vous avec un spécialiste et l’opération qui devait s’en suivre je me suis donc rendu au pays de mes aïeux. J’ai connu comme on peut aisément l’imaginer des périodes plus joyeuses.

 La première course, le 30 avril, avait pour affiche Aparicio, Morante et Manzanares avec des toros de Cuvillo. Ce fut une corrida del arte, sur le papier et dans les faits, une corrida historique aussi avec la grâce d’Arrojado, que je n’ai, au passage, personnellement pas demandé, ne voulant pas confondre excellent et grand toro. Mais ce n’est pas de ce détail, dont je me souvienne vraiment, aussi important soit-il. Non, ce qui perdure dans ma mémoire c’est cet art aussi éphémère que sublime, qui s’évanouit dès qu’on le saisit, du toreo signé Manzanares, un toreo de perfection durant deux faenas complètes; Des passes en demi-cercle au temple exquis, des deux côtés, une harmonie de chaque instant, des passes de poitrines à l’épaule opposée, quelques trincheras extraordonaires, une arrucina improvisée, des changements de main d’une longueur infinie, bref un florilège de l’art de Belmonte. C’est pour ce genre de moments que je suis aficionado a los toros y al toreo, ce genre de moments qui nous fait tout oublier, qui nous fait vivre un moment d’éternité, qui nous fait perdre de vue notre condition ô combien mortelle. Comme j’ai aimé ce moment de vie ! Il fallait bien ça pour fendre mon visage d’un large sourire seulement effacé lorsque m’a effleuré la pensée que ce pourrait être là la dernière grande faena de ma vie. Heureusement il n’en fut rien, ma santé va beaucoup mieux et j’ai même pu, un an après la première, profiter d’une deuxième porte du Prince pour ce même torero.