Août 1 2020

Au pays des toros (39)

Publié par Giraldillo dans Non classé      

Il existe dans la province de Malaga une ville qui fut jadis un petit village dont il reste encore quelques rues mais qui partagé entre la localité d’origine sur son promontoire et la zone balnéaire a aujourd’hui plus de 80 000 habitants, un tiers venant de l’étranger bien que nul ne les qualifierait de migrants vu le prix du mètre carré. Il s’agit de Mijas où le toro fut longtemps un emblème avec ses encierros dans le village à côté de l’âne-taxi.

Sur les hauteurs de la partie historique se trouvent ses charmantes arènes inaugurées en 1900 puis ré-inaugurées en 1977 après leur restauration. L’arène elle même a une forme presque rectangulaire et sa capacité tourne autour des 500 personnes. Il fut un temps où il s’agissait d’une plaza de temporada avec des affiches tous les dimanches mais aujourd’hui il n’y a le plus souvent que des novilladas sans picadors tronquées pour touristes à des tarifs prohibitifs qui ont toutes les chances de dégoûter à tout jamais le public cosmopolite de la tauromachie. C’est là où l’on regrette le laisser-aller actuel de la part des autirités et on se prend à regretter le temps où l’on dépendait du Ministère de l’Intérieur. Elle a été la propriété du torero Antonio José Galán jusqu’à sa mort en 2001.

La Costa del Sol, outre La Malagueta, possède cinq autres plazas (seulement deux sont à ce jour actives) : Estepona (blanches également mais plus récentes: inaugurées en 1971 par Dominguín, Miguelín et Paquirri avec une corrida au moins en juillet), Marbella (sur le point de rouvrir après cinq ans de travaux qui fut inaugurée en 1964 par Pedrés, Camino et El Cordobés puis ré-inaugurées en 1997), Fuengirola (capacité inférieure de moitié aux précédentes, ouvertes en 62 et qui célèbrent une corrida début août),Benalmádena dans un état lamentable et, pour finir cet itinéraire d’ouest en est, celles de Torremolinos (nouvelles arènes comparables en taille aux deux précédentes inaugurées en 2003 par Conde, Morante et Vega mais qui ces dernières années a subi l’anti-taurinisme de ses dirigeants municipaux).

« El huevo » de Estepona


Juil 27 2020

Petite saison vaut mieux que rien

Publié par Giraldillo dans Temporada      

Il a fallu attendre fin juillet pour le véritable début de la saison (en dehors de Valdemorillo et Olivenza) avec le geste torero de Beaucaire : être prudent et respecter des règles oui, ne plus vivre non.

Un grand novillo de Dolores Aguirre (malgré une sortie en faux à la troisième rencontre) a rencontré un novillero à l’ancienne, de l’école de Paquiro, au propre comme au figuré, qui perdit au moins un trophée après en avoir obtenu un d’un novillo de Conde de la Corte.

Jusque là, la temporada française avait consisté en une novillada non piquée à Magescq avant l’interruption puis à quelques fiestas véritablement camperas dans quelques ganaderías et un festival à Brocas. Pour l’instant, les seuls spectacles majeurs programmés en août sont ceux de Béziers et des Saintes Maries, en attendant les ferias de septembre : Arles et Nîmes (celle de Saint-Martin étant finalement reportée) sans compter la journée organisée à Istres en octobre. Les arènes du sud-ouest, plus petites sont désavantagées mais tout de même on est surpris de ne rien du tout à avoir à se mettre sous la dent tout l’été durant. Heureusement, Dax, premières arènes du Pays d’Adour organise une grande journée taurine au début de l’Automne.

En Espagne, Valdemorillo (avec un triomphe important de Luque) et Olivenza ont été les seules ferias du début d’année. Celles d’Avila ont été les premières arènes de seconde catégorie a ouvrir leurs portes (sortie a hombros de López Simón et corrida correcte d’Adolfo Martín) mais celle de première n’ont rien annoncé, question d’assurances sans doute.

Ce sont des arènes andalouses qui auront été la scène de la plupart des courses espagnoles : Osuna puis Huelva avec deux corridas, puis Estepona, El Puerto, Sanlúcar (corrida de Miura), Priego, Santiesteban et Las Navas, Andújar, Fuengirola, Linares puis en septembre Villanueva del Arzobispo (victorinos), Baza et finalement en octobre Grenade, Cordoue et Jaén mais aussi Niebla et Constantina sans oublier le cycle de novilladas télévisé par Canal Sur (sans public sur les deux dernières novilladas) et les 4 novilladas piquées du Circuit des Novilladas d’Andalousie organisé conjointement par la région et la Fondation du Toro de Lidia (Aracena, Sanlúcar, Antequera et Úbeda). Il n’y aura donc que la province d’Almería qui n’aura connu aucun spectacle taurin cette année.

En plus de ces 18 corridas, la Fondation du Toro de Lidia annonce fin septembre l’organisation de 9 corridas supplémentaires en Andalousie (Cabra, Úbeda, Montoro, Antequera et Estepona) d’ici à la fin de la saison et quatre autres entre Barcarrota (Badajoz) et Logroño (il y aurait dû en avoir deux autres mais la crise sanitaire en aura eu finalement raison) en plus de 3 novilladas qui se dérouleront finalement à Herera del Duque.

Pas grand-chose ailleurs en dehors de l’Estrémadure (Mérida, Herrera et finalement Badajoz où Ferrera a réalisé la geste de la saison), Castilla-La Mancha, comme à Añover, Manzanares, Consuegra, Almoguera et Tolède plus une novillada à Tobarra, et Castille-et-Léon (El Espinar et Astorga, en plus d’Avila, déjà citée et de novilladas à Guijelo et Medina del Campo). Dans la très taurine Communauté de Madrid, les quelques spectacles annoncés ont finalement été annulés par les autorités régionales pour cause de recrudescence de la pandémie.

Dans la plupart des villes évoquées, un dénominateur commun : Enrique Ponce qui prend en charge ce qui reste de saison avec 16 courses à son actif. Pour Roca Rey, il semblerait qu’une année sabbatique ne soit pas un problème (une de plus pour Talavante ou José Tomás); il ne semble pas prêt à baisser son cachet même pour défendre la tauromachie comme un spectacle essentiel, celui de la victoire sur la Mort, celle qu’on ne veut plus voir mais qui a surgi avec force dans nos vies avec ce satané coronavirus.

Espérons que les corridas programmées en France et en Espagne au mois de septembre seront une réalité et que malgré l’annulation de certaines ferias les organisateurs feront leur métier pour au moins des spectacles isolés, quitte à inventer des formules moins coûteuses à produire avec de formules de quatre toros et un novillo par exemple. Il serait d’ailleurs bon que l’UVTF régule les fiestas dites camperas aux formats très différents les unes des autres, comme elle vient de le faire concernant l’organisation des spectacle pour la saison prochaine avec une part modulable sur les émoluements des toreros en fonction des entrées dans lres arènes importantes et une baisse de 25 % dans les plus petites.

Au milieu de ce champ de désolation, c’est bien leur droit, les toreros se sont battus pour que justice soit faite et le Ministre de la Culture espagnol, M. Rodríguez Uribes, après moultes tergiversations, a fini par reconnaître certaines « lacunes » pour faire référence à l’absence de subsides perçus par le secteur taurin. Il aura fallu attendre le mois de novembre pour que 775 euros soient versés à des professionnels qui ont cotisé autant que dans n’importe quelle autre profession.


Mai 16 2020

Joselito « el Gallo »

Publié par Giraldillo dans Portraits      

Il y a 100 ans, « le plus grand torero de l’histoire » mourait sous la corne. Portrait.

José  GÓMEZ ORTEGA  “GALLITO”

[1]

Il est né à Gelves (Séville) le 8 mai 1895. Sa mort survint à Talavera de la Reina (Tolède) le 16 de mai 1920.

Son père, le torero Fernando “El Gallo”, meurt alors que Joselito n’a que deux ans. A 8 ans, il torée sa première vachette et il s’habille pour la première fois de lumières le 19 avril 1908 à Xérès. Il fera ensuite partie d’un quadrille d’enfants toreros. Le 24 octobre 1911, sans encore avoir reçu l’alternative, il tue le toro Avellanito de Moreno Santa María, à Séville. Il se présente à Madrid le 13 de juin 1912 pour toréer une corrida de toros, la novillada ne lui paraissant pas suffisamment sérieuse : les critiques déjà voient en lui un torero d’exception. Le 23 du même mois, il triomphe également à Séville. Joselito reçoit un coup de corne le 1er septembre à Bilbao et prend l’alternative dans sa ville natale des mains de son frère Rafael le 28 septembre 1912 avec le toro Caballero de Moreno Santa María. Ce n’est que le lendemain qu’il triomphera pour la première fois à la Maestranza.

Il la confirme le 1er octobre à Madrid face à Ciervo de Veragua. Il rivalise avec Bombita lors de la Feria d’Abril 1913. Le 1er  juin Rafael “el Gallo”, Machaquito et Gallito sortent par la grande porte à Madrid. Le 5 juin le plus jeunes des gallos coupe un appendice auriculaire d’une grande valeur dans la capitale espagnole. Jusqu’à cette date, seuls Bombita, Machaquito, Vicente Pastor (deux fois) et Rafael “el Gallo” avaient obtenu une oreille dans lesdites arènes. Il obtient en outre d’importants triomphes à Saint Sébastien et à Saragosse. A partir de la saison 1914 commence sa rivalité avec Juan Belmonte. Il torée admirablement lors de la Feria d’Abril  le toro Almendrito de Santa Coloma, alors qu’il affronte pour la première fois en mano a mano celui qu’on appellerait « el Pasmo de Triana » (ils s’étaient rencontrés face à des miuras quelques jours avant). Il coupe une oreille à Madrid le 2 mai dans le premier épisode de leur opposition  dans la capitale. Il sort ensuite a hombros des arènes de la route d’Aragon le 3 juillet dans une corrida en solo. Il fut blessé à Barcelone le 5 du même mois par le toro Coletero de Pérez de la Concha et il triomphe à Bilbao où il est à nouveau blessé. En 1915, à Séville, il réalise un faenón au toro Napoleón de Gamero Cívico, tant à la cape, qu’aux banderilles, qu’avec la muleta et l’épée. Il coupe aussi des oreilles à Madrid puis revient dans l’ancienne Hispalis pour y triompher face aux miuras le 29 avant de s’enfermer face à 6 toros 6 le lendemain : la présidence lui accordera l’oreille du cinquième Cantinero, de Santa Coloma, une première dans ces arènes. Il termine la saison avec 102 corridas au compteur, un record qu’il battra l’année qu’il dépassera encore  suivante (105) et qu’il dépassera encore deux ans plus tard (103). Le 15 mai 1916, à Madrid, il parvient à enchaîner sept naturelles (apparemment, seul Florentino Ballesteros avait réussi à en enchaîner plus, à Barcelone, en 1913)[2]. Le 8 octobre de la même année, il triomphe dans les mêmes arènes avec du bétail de Gamero Cívico, en coupant les oreilles de ses deux toros. En 1917 il connaît un grand succès à Barcelone et surtout à Séville où il coupe les oreilles à quatre des six toros qu’il tue en solitaire. Il reçoit un coup de corne à Saragosse en 1918 et un autre le 1er mai 1919 à Madrid, mais il connaît l’autre face de la monnaie à Séville, Valence et Bilbao.

[4]

En cette année 1919, après avoir perdu sa mère, le caractère mélancolique de José Gómez s’accentue. Le toro Bailador, de l’élévage connu comme celui de “la veuve Ortega”, fut la cinquième à sortir en piste à  Talavera de la Reina le 16 mai 1920. Ce toro supposément burriciego[3] allait mettre fin à la vie de cet immense toreo nommé Joselito “El Gallo”, pour beaucoup le plus grand de tous les temps, en lui introduisant toute la corne dans le ventre. Il avait à peine 25 ans.

Torero très dominateur, Joselito commencera à bien toréer avec la cape à partir de 1916. Il fut un spécialiste de la larga cambiada à genoux et des recortes avec la cape pliée sur le bras. C’était également un torero avec un répertoire très large et un banderillero exceptionnel. Ses naturelles en rond, ce qui fait de lui un des précurseurs du toreo lié en séries, étaient célèbres. Sans être un matador hors du commun, il tuait avec une rapidité, une agilité et une sécurité exceptionnelles. Ses meilleures estocades sans doute furent-elles données dans la suerte a recibir. Statistiquement, il a coupé un total de 17 oreilles dans les arènes de Madrid. Il était en quelque sorte le Miquel Ange des toreros, un mythe de perfection.


[1] et [1bis] Photos 6 TOROS 6.

[2] Cf. l’article “El ritmo por dentro” de J.C. Arévalo dans la revue 6 TOROS 6 n°720 p.62.

[3] Animal ayant un problème visuel.

[4] Demi-véronique de “Gallito”. Photo 6 TOROS 6.


Mai 5 2020

Dámaso Gómez nous a quittés

Publié par Giraldillo dans Non classé      

Le « Lion de Chamberí », son quartier de Madrid, s’est éteint à 90 printemps ce 2 mai 2020, jour de la Communauté de Madrid en mémoire de la rébellion contre l’envahisseur français. Né le 1er avril 1930, il était un parangon de torisme : un spécialiste des corridas dures surtout à Madrid, en affrontant en particulier miuras et victorinos. C’est un toro de ce dernier élevage qui lui permit d’atteindre la gloire d’un triomphe madrilène estival en 1971. En activité de 1953 à 1981, année où il a toréé sa dernière corrida dans sa Salamanque adoptive, il a été durement châtié par les toros.

Après une oreille à Madrid pour sa présentation comme novillero en 1950, comme tant d’autres, il connut une longue traversée du désert après son alternative barcelonaise, un 25 mai, dans une affiche prestigieuse avec Julio Aparicio comme parrain et Manolo Vázquez comme témoin. Il avait pourtant confirmé son doctorat dès le 6 juin 54 des mains de Rafael Ortega mais il dut attendre 1966 dans une corrida de Miura pour commencer à être reconnu chez lui.

C’était un torero capable et impassible qui banderillait « à l’intérieur » avec une certaine témérité et toréait à la naturelle avec le plus grand naturel. Son desplante en tenant les cornes à deux mains étaient aussi l’une de ses marques de fabrique. Il a coupé un total de 9 oreilles dans la capitale des Espagne et donné 19 tours de piste dont les 2 de sa confirmation.


Avr 2 2020

La monnaie

Publié par Giraldillo dans Non classé      

Il y a dans le jargon taurin un certain nombre d’expressions faisant référence à la numismatique. Ne parle-t-on pas souvent des deux faces de la monnaie, cara o cruz, pour évoquer les pôles du destin, la face pour la gloire et le côté pile (la croix en espagnol, signe d’un châtiment expiatoire) pour les vents contraires, la blessure ou l’échec ? On dit aussi fréquemment qu’il faut lancer la monnaie, donner sa chance au toro, c’est-à-dire s’exposer, lui donner l’avantage en se mettant dans le terrain périlleux qui ne lui donne pas d’autre choix que d’attaquer ou de se défendre, soit montrer sa vraie nature et par là-même réaliser le toreo puis faire aller la faena a más si tant est que le toro réagisse favorablement. Ce lancement de monnaie exprime le moment crucial, celui de l’incertitude, l’acmé de la faena en fait, où il faut parier sur le toro pour le « mettre dans le panier », sans quoi il ne pourra pas être dominé.

            Ceci-dit je vais maintenant utiliser l’image de la monnaie pour tout autre chose : pour l’attribution des trophées, en prenant une pièce d’un euro pour une oreille et une autre de deux pour le double trophée. Pour un président de corridas qui se respecte, il y a bien-sûr des critères concernant le travail du matador en relation avec la charge du toro qui peuvent correspondre à l’un ou l’autre de ces prix mais dans les faits l’appréciation n’est pas aussi nette : on est par exemple souvent à la limite du trophée qui finit par tomber avec l’aide du public.

            Dans le patinage artistique, les jurés ont des notations très précises avec décimales. Je ne prétends absolument pas qu’il faille faire pareil mais je voudrais utiliser la comparaison pour poser la question sur le niveau d’exigence minimum requis pour l’attribution d’un trophée. Admettons qu’un euro (pour que ma réflexion soit plus concrète qu’une note abstraite) soit la valeur idéale pour une oreille (tout effort mérite une récompense, pécuniaire, en nature ou symbolique), peut-on arrondir dès 85 ou 90 centimes ? Et dans ce cas 85 centimes ont-il la même valeur qu’1€70, c’est-à-dire le double ? Je prends des cas un peu extrêmes mais dans les faits on voit des oreilles avec des valeurs très variables qui donnent quelquefois le sentiment de deux poids deux mesures mais ce n’est pas parce qu’on a une idée précise de la valeur d’un euro qu’on ne va pas être confronté à une réalité qui s’impose au-delà de nos représentations.

            Admettons qu’au premier toro de la corrida un torero soit arrivé à une valeur cumulée de 85 centimes : malgré la pétition apparemment majoritaire du public, le président exigeant refuse le trophée de manière antiréglementaire mais se réfugie derrière l’idée d’une épée quelque peu défectueuse. Au deuxième toro, un matador classique qui respecte les canons sans ostentations ni fioritures obtient une note virtuelle de 1€10 (ou 11/20 pour les tenants du système vigésimal) selon le président qui lui accorde l’appendice malgré des mouchoirs en petit nombre (on imagine la bronca). Au troisième toro, le plus jeune du cartel fait une prestation remarquée valant mettons 1€80 et la pétition est unanime ; les deux oreilles tombent même s’il manque un petit quelque chose.

            Dans la deuxième partie de cette course hors du commun, le matador le plus ancien, piqué au vif, réalise un effort malgré un animal assez quelconque et obtient à nouveau un 85 sur cent. Malgré une pétition plus minoritaire qu’au premier, peut-on imaginer l’attribution d’un trophée compensatoire pour l’ensemble de l’après-midi ? J’observe qu’à Madrid c’est parfois le cas, les exigences étant supérieures au premier qu’au second. A chacun de voir : 1 est-il la valeur idéale ou minimale ? La question est là car si c’est le premier cas et que le président est quelqu’un d’exigeant il peut peut-être, en se justifiant sur l’ensemble de la course, faire un effort de générosité. Je poursuis ; au cinquième, le matador réalise une prestation intéressante, sans être transcendante (à 0,90) qui passe totalement inaperçue pour la plus grande partie du public et le président préfère ne pas attribuer de trophée considérant les circonstances et la récompense attribuée précédemment. Pour le dernier, j’imagine deux scénarios : le torero réalise une prestation comparable à la faena du quatrième avec une demande de la part du public assez comparable, c’est-à-dire maigre et le président, pour ne pas verser dans le triomphalisme refuse l’octroi du trophée eu égard encore à la prestation d’ensemble, suffisamment bien rémunérée. Pour la deuxième option, le torero manque complètement de torería est utilise le descabello depuis de burladero : dans un  cas comme celui-là, la sortie a hombros ne devrait-elle pas pouvoir être refusée malgré les deux oreilles coupées ? Bien-sûr, nul règlement n’évoque cela.

            Certains verrons dans cette réflexion un certain laxisme mais force est de constater que les discours et les faits ne se rejoignent pas toujours. Exigence n’est pas intransigeance.

 

 

 


Mar 14 2020

Don Temple

Publié par Giraldillo dans Portraits      

Urdiales est un artiste dans le sens le plus noble du terme. Il n’y a pas chez lui la recherche d’une beauté artificielle, points de poses et de pointes, de postures à distance ou à toro passé mais du lourd, de la maîtrise, du naturel et du courage pour réaliser, face à des animaux souvent difficiles un toreo de réduction : réduire l’adversaire à sa volonté pour lui permettre de montrer toute l’étendu de sa bravoure, le montrer pour le mettre en valeur et par là-même la dimension incommensurable de son toreo fait de réduction de la vitesse. Avec Puerta nous avions Diego Valor et là nous sommes en présence de Diego Temple, car c’est bien le don premier de Monsieur Urdiales. Ce n’est pas un hasard si Curro Romero himself le suit un peu partout, comme une résurgence de lui-même. Des déplacements réduits à l’essentiel même s’il pratique le toreo de mouvement et le macheteo avec un art – je sais que cela semble un oxymore pour certains – et un classicisme un brin surannés incluant ce temple d’une extrême rareté en font un maître, un torero de torero, un idéal à atteindre plus qu’un modèle à suivre. Heureusement pour les figuras, la qualité et la quantité sont souvent incompatibles. Son toreo est possible avec divers encastes mais pas avec tous les toros. A la véronique c’est un aussi un géant et même face à des pupilles d’encaste Albaserrada il donne de cette suerte une interprétation magnifiée ; il est donc en ce sens meilleur que Curro et Morante réunis.

Diego Urdiales est né à Arnedo, dans la Rioja, le 31 mai 1975. Le 21 mars 1992 il débute avec picadors dans son village où il obtiendra le prestigieux Zapato de Oro en 98.

Il prend l’alternative le 15 août 1999 à Dax des mains du maestro Paco Ojeda et avec un lot de Diego Puerta. Quoique considéré depuis toujours comme un torero de classe, celui que l’on doit désormais appeler Don Diego a été confiné longtemps à des corridas de village et quelques prestations dans des arènes de saison sans grand succès jusqu’au jour où tel un ouragan il a tout balayé sur son passage démontrant qu’il était à lui seul, comme disait Rafael de Paula, une classe de torero.

C’est le 8 juillet 2001 qu’il avait confirmé ce doctorat des mains de Frascuelo et face à des toros de Guardiola. En 2005, c’est aussi d’un guardiola qu’il obtient une oreille chez lui à Logroño, pourtant la campagne suivante se résumera à un unique festival. En 2007, il obtient la grâce à la maison de Molinito de Victorino Martín en coupant une queue symbolique (plus deux oreilles de plus à des toros de Victorino et Cebada). La campagne suivante est bien plus prolifique avec des ponctuations à Saint-Sébastien et Bilbao, où on aperçoit la dimension qu’il va acquérir, mais surtout à Madrid devant un victorino pour la feria d’Automne.

Le 2 mai 2009, il renouvelle ce succès dans la capitale espagnole puis en fait de même à Bilbao (là avec un autre victorino), qui seront dès lors ses deux arènes de prédilection; il donne aussi un aperçu de son art à Saint-Sébastien avant d’essoriller un Torrestrella à Logroño et de donner une vuelta dans la capitale des Espagnes. La capitale économique du Pays-Basque le verra encore toucher du poil en 2010, 2012 et 2013 (Victorino à chaque fois), année où il réalise à Vic-Fezensac une faena mémorable mais c’est à Dax trois ans plus tôt qu’il était « rentré » en France en sortant a hombros des arènes qui l’avaient vu devenir matador avant d’obtenir aussi un trophée lors de la feria du riz. En 2014, Urdiales triomphe à Mont de Marsan et à Dax puis à Logroño avant de couper une grosse oreille à Madrid à un toro d’Adolfo et une autre à Saragosse.

C’est la saison suivante qu’il obtient son premier succès d’envergure lors de l’Aste Nagusia face à des toros d’Alcurrucén. Il avait aussi coupé un appendice auriculaire à Dax et aussi à Saragosse après avoir triomphé à nouveau chez lui par deux fois. Nouveau triomphe à Bilbao en 2016, encore avec les núñez d’Alcurrucén. Après une temporada 2017 très discrète, c’est celle d’après qu’il casse la baraque, renaissant tel le sphinx : Grandes Portes à Bilbao et Madrid avec un toreo stratosphérique en 6 corridas seulement, se consacrant définitivement après 20 ans de métier, le temps de la maîtrise en toutes choses il est vrai. Si quantitativement 2019 a été une bonne moisson elle n’aura pas donné lieu à de réels chef-d’œuvres, quelques esquisses tout au plus mais après la crise sanitaire le Sphinx se consacre dans le temple du toreo en coupant deux oreilles à un toro de Garcigrande le 2 octobre 2021. Premier épisode pour devenir torero de Séville ? Malgré ses origines boréales il en a les moyens.


Fév 28 2020

Au pays des toros (38)

Publié par Giraldillo dans Non classé      

On limite souvent l’activité taurine au Pays Basque aux capitales provinciales que sont Bilbao, Saint-Sébastien et Vitoria mais on a vu qu’il existait des arènes à Trucios (Au pays des toros 31) et Orduña, patrie du regretté Iván Fandiño, en Biscaye, en plus de celles, plus célèbres, d’Azpeitia (9), dans la province de Guipuzcoa où nous restons aujourd’hui, d’abord à Cestona ou Zestoa où on va s’arrêter brièvement.

Comme dans beaucoup d’autres endroits de la péninsule ibérique, la place du village, plaza de los Fueros, se transforme pour les fêtes annuelles, début septembre, et ce depuis 1670, en arènes dont la capacité se situe autour des 2000 places.

Peut-être verrons-nous prochainement, après la fin des travaux prévue en 2020, le retour des toros dans les magnifiques arènes de Tolosa. Espérons-le.

 


Fév 10 2020

5 ans après, toujours Charlie

Publié par Giraldillo dans Humeur      

On a le droit d’être en désaccord mais la violence contre les personnes n’a aucune circonstance atténuante.

Vive la liberté !

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Jan 15 2020

Les fondamentaux du toreo

Publié par Giraldillo dans Toreo      

Aguantar, mandar et templar puis ligar et enfin cargar ?

            On aurait pu écrire les fondamentaux de la lidia mais il est sous-entendu que pour qu’il y ait toreo il faut maîtriser la lidia et on ne saurait confondre faire passer un toro et le toréer.

            Chacun de ces fondamentaux est à définir et à préciser :

En début de lidia

Fixer le toro, le conduire au centre et l’arrêter (parar : dans le premier canon classique issu du toreo belmontien c’est bien le toro qui doit être arrêté pour réaliser le toreo moderne qui fait passer l’animal)

Conduire le toro au cheval et le placer

– Eviter les coups de cape inutiles et tout faire avec parcimonie et sans brusqueries

En début de faena

– Tenir l’estaquillador dans sa partie centrale et la muleta plane, de face

– Donner à chaque animal ce qui lui convient : soumission ou soulagement mais en ouvrant  le chemin, en le faisant répéter et sans accrocher la muleta (donner le bon rythme voire lui imposer le tempo le plus lent possible)

– Trouver la distance et le placement idoine : en se croisant ce qu’il faut en fonction de l’animal, pas toujours sur la corne contraire, parfois seulement au fil de la corne, jamais en dehors (fuera de cacho)

– Supporter immobile la charge de l’animal (aguantar) et réduire les déplacements au maximum (juste pour retrouver le sitio)

– Respecter les 3 temps en aimantant la charge bien en avant (citar et enganchar) puis, au milieu de la passe, en pesant sur la charge avec la jambe d’appui (mandar ou cargar la suerte selon les définitions) avant d’allonger la passe au maximum pour marquer la sortie (rematar)

En milieu de faena

– Montrer l’animal sur les deux cornes

– Toréer en le soumettant par le bas même si le toréer avec temple à mi-hauteur a aussi sa valeur

– Eviter les recortes inutiles qui cassent l’animal mais le rompre en toréant pour l’obliger à faire ce qui lui coûte, charger en rond autour de la jambe d’appui, vers l’intérieur en terminant derrière la hanche

Fin de faena et mise à mort

– Choisir un final de faena qui convient au toro, si possible dans des naturelles de face ou dans des aidées à mi-hauteur ou par le bas selon les cas

– Placer le toro dans la suerte contraire ou naturelle selon ses caractéristiques

            Même si on imagine toujours la faena idéale, un toreo en mouvement, sur les pieds, imparfait, légèrement accroché, les passes incomplètes, d’une en une, avec un animal « encasté », accrocheur, ne possédant qu’une demi charge, ayant tendance à se serrer et au port de tête altier peut avoir un mérite énorme et donner de grands moments d’émotion quand on ressent que l’homme a extrait toutes les possibilités de l’animal. Il n’y a pas une seule manière de toréer ni une seule manière de triompher. A chaque animal sa lidia.

            Précisons aussi que le toreo rêvé que nous appelons tous de nos vœux est presque un mirage et que réaliser une passe en point d’interrogation, avec un double déplacement n’est possible qu’avec une composante suffisante de noblesse, c’est-à-dire avec un animal à la charge suffisamment franche, qui baisse la tête et surtout lorsqu’il est progressivement dominé mais qu’il a encore la force suffisante pour supporter ces contorsions contre-nature ; cargar la suerte dans l’acception idéale que nous lui donnons n’est possible qu’en fin de faena ou éventuellement, dans le meilleur des cas, dans la première passe d’une série lorsque l’animal vient de loin mais est antinomique avec le concept de liaison.


Déc 22 2019

Bonnes fêtes

Publié par Giraldillo dans Non classé      

Marina Heredia, La Gran Faena : « el toreo empezaría en el ruedo de asserrín de aquella carpintería. […] el torerillo divino ensayaba su faena […] La Virgen tenía sin darse cuenta en su mano un nevado pañuelo de presidenta. […]  Mejor que no supiera que su Hijo moriría en un ruedo de madera. Moriría par darnos una barrera de sol. […] No en vano, entre tinieblas, mató a volapié de luz, a la muerte aquel torero. » (pur blasphème païen-taurin dans cette métaphore déguisée de christianisme).

On parle parfois à propos de notre Passion de religion immanente, refermée sur le cercle de l’arène où nos grands-prêtres, comme ceux de Mithra, célèbrent le rite du sacrifice du toro, mais où, sous-jacentes, sont également présentes des forces invisibles : les duendes, personnages telluriques sortis du monde souterrain, l’Ange venu du ciel et tout notre Panthéon de martyrs, à commencer par le mythe Gallito dont on commémorera le 16 mai prochain le centenaire de la mort en attendant toujours sa résurrection sous la forme d’un nouvel enfant prodige.