Fév 10 2020

5 ans après, toujours Charlie

On a le droit d’être en désaccord mais la violence contre les personnes n’a aucune circonstance atténuante.

Vive la liberté !

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Jan 15 2020

Les fondamentaux du toreo

Aguantar, mandar et templar puis ligar et enfin cargar ?

            On aurait pu écrire les fondamentaux de la lidia mais il est sous-entendu que pour qu’il y ait toreo il faut maîtriser la lidia et on ne saurait confondre faire passer un toro et le toréer.

            Chacun de ces fondamentaux est à définir et à préciser :

En début de lidia

Fixer le toro, le conduire au centre et l’arrêter (parar : dans le premier canon classique issu du toreo belmontien c’est bien le toro qui doit être arrêté pour réaliser le toreo moderne qui fait passer l’animal)

Conduire le toro au cheval et le placer

– Eviter les coups de cape inutiles et tout faire avec parcimonie et sans brusqueries

En début de faena

– Tenir l’estaquillador dans sa partie centrale et la muleta plane, de face

– Donner à chaque animal ce qui lui convient : soumission ou soulagement mais en ouvrant  le chemin, en le faisant répéter et sans accrocher la muleta (donner le bon rythme voire lui imposer le tempo le plus lent possible)

– Trouver la distance et le placement idoine : en se croisant ce qu’il faut en fonction de l’animal, pas toujours sur la corne contraire, parfois seulement au fil de la corne, jamais en dehors (fuera de cacho)

– Supporter immobile la charge de l’animal (aguantar) et réduire les déplacements au maximum (juste pour retrouver le sitio)

– Respecter les 3 temps en aimantant la charge bien en avant (citar et enganchar) puis, au milieu de la passe, en pesant sur la charge avec la jambe d’appui (mandar ou cargar la suerte selon les définitions) avant d’allonger la passe au maximum pour marquer la sortie (rematar)

En milieu de faena

– Montrer l’animal sur les deux cornes

– Toréer en le soumettant par le bas même si le toréer avec temple à mi-hauteur a aussi sa valeur

– Eviter les recortes inutiles qui cassent l’animal mais le rompre en toréant pour l’obliger à faire ce qui lui coûte, charger en rond autour de la jambe d’appui, vers l’intérieur en terminant derrière la hanche

Fin de faena et mise à mort

– Choisir un final de faena qui convient au toro, si possible dans des naturelles de face ou dans des aidées à mi-hauteur ou par le bas selon les cas

– Placer le toro dans la suerte contraire ou naturelle selon ses caractéristiques

            Même si on imagine toujours la faena idéale, un toreo en mouvement, sur les pieds, imparfait, légèrement accroché, les passes incomplètes, d’une en une, avec un animal « encasté », accrocheur, ne possédant qu’une demi charge, ayant tendance à se serrer et au port de tête altier peut avoir un mérite énorme et donner de grands moments d’émotion quand on ressent que l’homme a extrait toutes les possibilités de l’animal. Il n’y a pas une seule manière de toréer ni une seule manière de triompher. A chaque animal sa lidia.

            Précisons aussi que le toreo rêvé que nous appelons tous de nos vœux est presque un mirage et que réaliser une passe en point d’interrogation, avec un double déplacement n’est possible qu’avec une composante suffisante de noblesse, c’est-à-dire avec un animal à la charge suffisamment franche, qui baisse la tête et surtout lorsqu’il est progressivement dominé mais qu’il a encore la force suffisante pour supporter ces contorsions contre-nature ; cargar la suerte dans l’acception idéale que nous lui donnons n’est possible qu’en fin de faena ou éventuellement, dans le meilleur des cas, dans la première passe d’une série lorsque l’animal vient de loin mais est antinomique avec le concept de liaison.


Déc 22 2019

Bonnes fêtes

Marina Heredia, La Gran Faena : « el toreo empezaría en el ruedo de asserrín de aquella carpintería. […] el torerillo divino ensayaba su faena […] La Virgen tenía sin darse cuenta en su mano un nevado pañuelo de presidenta. […]  Mejor que no supiera que su Hijo moriría en un ruedo de madera. Moriría par darnos una barrera de sol. […] No en vano, entre tinieblas, mató a volapié de luz, a la muerte aquel torero. » (pur blasphème païen-taurin dans cette métaphore déguisée de christianisme).

On parle parfois à propos de notre Passion de religion immanente, refermée sur le cercle de l’arène où nos grands-prêtres, comme ceux de Mithra, célèbrent le rite du sacrifice du toro, mais où, sous-jacentes, sont également présentes des forces invisibles : les duendes, personnages telluriques sortis du monde souterrain, l’Ange venu du ciel et tout notre Panthéon de martyrs, à commencer par le mythe Gallito dont on commémorera le 16 mai prochain le centenaire de la mort en attendant toujours sa résurrection sous la forme d’un nouvel enfant prodige.


Déc 1 2019

El Cid matatoros

Manuel Jesús Cid, alias “EL CID” s’en va : rétrospective d’une carrière.

          Ce Paco Camino du XXIe siècle s’est incontestablement fait un nom durant ses vingt ans d’alternative à partir d’une capacité remarquable et surtout d’un poignet gauche exceptionnel. Torero de Madrid, il y a perdu un certain nombre de triomphes à l’épée mais maintenant qu’on a un regard sur l’ensemble de sa carrière on peut dire qu’il a manqué d’ambition ou de personnalité au moment où il aurait pu devenir un torero d’époque. Son toreo de qualité ne s’est jamais départi d’une certaine froideur et c’est ce qui a empêché Séville de se livrer pleinement à lui malgré son concept classique et sévillan, ses 4 Portes du Prince et ses 23 oreilles.

         Il est né à Salteras, près de la capitale andalouse, le 10 mars 1974. Le 2 mai 1999 il coupe un trophée pour sa présentation comme novillero dans les arènes de la Maestranza, cinq après ses débuts avec picadors.

         L’année suivante, il prend l’alternative à Madrid des mains de David Luguillano et en présence de Finito de Córdoba le 23 avril 2000 avec le toro Gracioso de José Vázquez, avant de recevoir un grave coup de corne dans ces mêmes arènes qui deviendront les siennes, bien plus que celles de sa ville natale.

         Spécialiste des corridas dures durant ses premières années de matador, il acquiert la catégorie de figura en 2005 en sortant par deux fois en triomphe des arènes de Séville, le 27 mars, Dimanche de Résurrection puis le 7 avril, cette fois avec des toros de Victorino Martín, avant d’en fairede même à Madrid le 3 juin avec le même fer.

         En 2006, il ouvre à nouveau la Grande Porte de Las Ventas le 22 mai puis obtient sa troisième Porte du Prince le 23 septembre pour son encerrona qui se solde par un bilan de 4 trophées (deux d’un victorino).

         Il est dans la meilleure partie de sa carrière et les triomphes s’enchaînent l’année suivante : triomphe sévillan le 19 avril, à nouveau avec les toros du A couronné, puis trois autres oreilles à Pampelune et quatre à Bilbao (deux du cinquième) pour son encerrona avec les toros du « Cateto », qui lui doivent tant. La saison se clôt avec un nouvel appendice pour la feria de San Miguel.

El Cid lors de sa geste basque : libération de la tension après

l’intensité de la solitude épique

La saison 2008 débute bien avec une oreille de plus à la Maestranza à Pâques puis se poursuite avec une grande faena à Madrid avec un toro de El Pilar même si c’est d’un victorino qu’il obtient une oreille.

         Le déclin du Cid commence en 2009 et même s’il se maintiendra dans les ferias pendant 10 ans il ne sera plus que l’ombre de lui-même. Il reçoit cette année là un coup de corne à la cuisse à Pampelune puis une autre à Navalvarnero au mois de septembre.

         L’année 2010 fait renaître l’espoir, à Madrid et à Pampelune et la saison suivante est meilleure faisant penser à un torero retrouvé : il coupe une oreille à Séville à la fois pour la feria d’Avril puis pour celle de San Miguel et aussi à Madrid et à Bilbao.

         Il faut attendre le 4 octobre 2013 pour le voir réaliser une grande faena à Madrid mais son talent d’Achille aux aciers, qui avait retardé son ascension dans les premières années de sa carrière, l’empêche de triompher. En 2014 il coupe une oreille d’un victorino à Bilbao, des toros qu’il torée de moins en moins puis échoue dans un 6 contre 1 madrilène en 2015 face à des toros de ce fer.

         Les dernières années sont encore un cran en-dessous sauf la toute dernière où le torero fait honneur à son nom surtout dans la deuxième partie de la temporada : oreille à Séville pour sa despedida, vuelta à Madrid et double trophée à Saragosse.


Nov 1 2019

La bonne conscience

             Protéger nos enfants ? Les protéger de nous-mêmes, de ce que nous sommes, de ce que nous aimons et souhaitons leur transmettre ? Avec le projet de loi visant à interdire l’entrée aux corridas de mineurs de moins de 16 ans la liberté se meurt encore un peu plus au bénéfice d’une prétendue protection.

            Il faut suivre une norme; la morale républicaine frappe à nouveau : après son côté laïcard voilà que c’est son côté paternaliste qui ressort.

            L’interdiction du voile à l’école est une chose mais pour les lieux publics il s’agit d’une restriction claire des libertés. Pourquoi ne pas interdire l’uniforme ecclésiastique, la kippa, les rastas, les turbans, les vêtements blancs des santeros cubains, les processions de semaine sainte, les tenues de communiants….

            Récemment, j’entendais à la radio qu’il y a actuellement un problème de recrudescence de violences sexuelles chez les mineurs. L’interdiction de la pornographie aux moins de 18 ans est-elle respectée ? Qui peut le croire ? Il y a là un problème réel. Hiérarchisons les priorités.

            Les mangas ne sont-ils pas violents ? Interdisons-les. Et ne parlons pas des jeux-vidéo !

            Accompagner papi à la chasse ? Interdit ! Regarder à la télé un lion manger une gazelle ? Interdit ! Tuer le cochon ou l’agneau en famille ? Interdit !

            Laisser un enfant SEUL devant une tablette voilà qui est violent. Ne pas l’écouter et donc ne pas répondre à ses interrogations (de plus en plus larges avec internet et l’avalanche de sujets déversés sans filtres), c’est ça qui peut perdre un enfant. L’éducation c’est un cadre et un accompagnement qui font de plus en plus défaut.

            Et que dire des vieux qu’on cache aux enfants dans certains mouroirs : violence par omission. On les empêche même parfois, là aussi pour les protéger, de leur dire un dernier adieu pour leur enterrement. On cache la mort au lieu de la mettre en scène pour mieux l’exorciser comme il a été fait, de différentes manières, dans toutes les civilisations pendant des siècles et des siècles. Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’Halloween est autre chose qu’une fête commerciale !

***

            Il y a quelques années de cela, j’avais retenu d’une conférence sur le thème de l’enfance et la tauromachie, que la violence symbolique est une nécessité dans la construction des individus et des civilisations. Pour résumer, le public de rugby est un public apaisé car il ressort d’un spectacle sportif où est mis en scène un combat comportant une violence régulée. A mettre en perspective avec le comportement d’une bonne partie du public de football censé être un sport de gentlemen. Il en va de même de celui du public de corridas, pacifique et stoïque en comparaison de celui des anti-taurins avec leur déferlement de haine à notre encontre quand ils nous honorent de ce qu’ils veulent être des haies de déshonneur sur le chemin des arènes. Une société sans violence est une pure utopie. Si on veut bannir toute violence orchestrée, celle-ci ressortira de manière absolument chaotique. Bref, il vaut mieux un bouc émissaire au sens propre avec sa valeur expiatoire et « exutorielle » que des boucs émissaires qui ont été cherchés de tout temps parmi des populations minoritaires accusées d’être responsables de tous les maux comme en témoignent un grand nombre de pogroms spontanés, en France notamment. Ce psychiatre spécialiste de l’enfance ajoutait qu’à son humble avis, à partir de dix ans un enfant pouvait tout à fait comprendre ce spectacle et commencer à appréhender son sens si tant est qu’on le lui explique, mais justement : le mineur n’est jamais seul aux corridas, il est toujours accompagné et nul n’y est traîné de force. Il s’adresse à un public avisé.

            Les anti-taurins ont hélas d’ores et déjà gagné le combat qu’il nous livre alors que nous n’aspirons qu’à vivre en paix et à assouvir notre passion, non pas notre soif de violence, comme ils disent. Car cette vision des choses prévaut clairement aujourd’hui : nous nous délectons de la souffrance animale, cela paraît évident à beaucoup. Ce texte n’est qu’un billet d’humeur et non une défense ordonnée de la Corrida mais il y a des choses à rappeler à nos détracteurs : la mort du taureau de combat ou toro (pour simplifier), bien que violente, est plus digne que la mort rapide dans un abattoir car, si on peut manger la viande du toro, on est là dans un rite sacrificiel certes mais surtout dans la célébration de la vie humaine qui recrée des mythes anciens en représentant d’une manière esthétisée la victoire de l’Homme sur la mort. Là où certains y voient un spectacle morbide et sanguinaire nous y voyons l’exaltation de la vie et la mise en valeur des qualités combattives du toro qui permettent parfois sa grâce ou le souvenir de son combat, nombreux étant les noms de toros dont on se souvient.

            Pour parodier Sartre, qu’on a vu parfois aux arènes d’ailleurs, mais qui parlait là de littérature, après tout, cela n’est pas si important, l’Homme peut fort bien se passer d’aller aux corridas… mais la nature peut tout aussi bien se passer de l’Homme. Il est clair pour quiconque a déterré un arbre pour le transplanter que cela représente un grand stress comme on dit maintenant à propos de tout et de n’importe quoi : il souffre. Voilà le combat du futur, s’occuper de la souffrance végétale. Pourquoi pas, après avoir stoppé, comme le propose L214, l’exploitation des animaux et leur consommation, arrêter de consommer des légumes et passer à l’alimentation du futur, des sachets de nourriture synthétique lyophilisée et remplie d’arômes.

            Au-delà de l’ironie, il y a une réalité objective à laquelle on accorde l’importance qu’on considère opportune. Même si on ne peut être contre que les procédures d’abattage soient respectées, il y a des exceptions à prendre en compte par rapport à l’idée d’une mort donnée gentiment (un oxymore dans tous les cas) ou « proprement » : l’abattage rituel, casher ou hallal, celui des poulets élevés à la maison, des homards ébouillantés, des poissons pris dans les filets… Même la pêche à la ligne n’entre pas dans le respect des droits des animaux autoproclamés.

            Et les droits humains, lorsqu’il y a conflit, ne sont-ils pas au-dessus de ceux-ci ? Les anti-spécistes répondent évidemment que non mais dans la déclaration universelle des droits de l’homme, article 27, il est indiqué : « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté ». Nous n’obligeons personne à aller aux Corridas mais nous, peuple du taureau, des zones landaise ou camarguaise, parfois héritiers de l’immigration espagnole, voulons continuer à pouvoir transmettre notre culture et ses valeurs, notamment celles de courage et de don de soi si contraires aux temps présents. Ceux qui ne sont pas de cette culture disent qu’elle n’en est pas. Pour eux sans doute, mais tant que nous continuerons à remplir les arènes de France, plus de 50, elle perdurera. C’est à nous d’en décider. La Corrida est un fait social, pas un sujet de salons. Nous ne faisons de mal à personne, surtout pas à nos enfants. S’il-vous-plaît, ne nous attaquez pas dans ce que nous sommes, c’est d’une rare violence. Nous sommes des êtres sensibles quoiqu’en pensent ceux qui nous dépeignent comme des barbares. Goya ou Picasso, entre autres, nous ont transmis un message sur ce qu’est la tauromachie, permettez que de futurs artistes boivent aux mêmes sources et trouvent leur future inspiration ailleurs que dans la morale « bambinesque » qui est à la vie réelle ce que le château de Disneyland est à l’histoire. Permettez que nos enfants puissent continuer à s’inscrire dans une lignée, c’est-à-dire que le lien, historique, culturel et social mais aussi générationnel ne soit pas rompu.


Oct 12 2019

Temporada 2019 (2e partie)

Dans la première partie de la saison nous avions rencontré un Roca Rey imparable mais un problème de cervicales l’a arrêté pour le reste de la temporada.

  1. Au bout du compte, le triomphateur de cette année aura incontestablement été Paco Ureña avec 5 oreilles à Madrid (la dernière en Automne), 4 à Bilbao et 1 à Saragosse en plus de triomphes à Santander, Almería, Valence et Logroño. Il reçoit par contre un coup de corne à Palencia, prix de son engagement total.
  2. Le deuxième nom de la saison est Antonio Ferrera qui sort une deuxième fois a hombros des arènes de Madrid après son encerrona réussie du mois d’octobre. Le reste de ses prestations ne sont pourtant pas du même acabit quoiqu’il soit toujours professionnel.
  3. Emilio de Justo n’aura pas connu sa grande saison comme on pouvait l’espérer mais il ne lâche rien (comme disent les sportifs) avec un solo réussi à Dax, rien de moins que face aux victorinos, un trophée à Bilbao et quelques triomphes clairs, à Albacete notamment.
  4. Les noms qui ont aussi résonné dans la partie la plus chargée de la saison auront été ceux de toreros en progrès comme Cayetano ou Luis David Adame (dont le frère a interrompu la saison). Le premier est le triomphateur absolu des Sanfermines mais il triomphe aussi à Huesca, Malaga ou Logroño et le deuxième aurait été celui de Bilbao (3 oreilles) sans un certain Ureña ; il a aussi donné une bonne dimension à Pampelune mais il montre surtout une évolution certaine qu’il devra encore accentuer sur la durée pour atteindre le sommet.
  5. On ne va rien dire de nouveau sur Enrique Ponce qui est revenu après sa blessure de début de saison comme si le temps et les contre-temps n’avaient aucune prise sur lui. Les autres figuras ne peuvent pas en dire autant.
  6. Parmi les révélations de la saison, Pablo Aguado a connu quelques moments brillants (Ronda, San Sebastián de los Reyes, Palencia, Huelva, Logroño) mais on a peu vu David de Miranda.
  7. Pour ce qui est des toreros dont le nom a peu fait parler, le triomphateur de la saison dernière, Diego Urdiales, a pourtant parfois balayé les pistes de sa muleta magique (oreille à Dax et Saint-Sébastien) mais sans succès retentissants. Après sa Porte du Prince, El Juli aurait peu de chance dans les tirages au sort (mdr) même s’il parvient à toucher du poil à Pampelune et Bilbao. Perera garde un grand pouvoir de domination mais il n’enflamme pas vraiment les gradins. Manzanares a ressurgi sporadiquement, surtout à Bilbao, comme savent le faire les grands même dans les moments de crise. Morante, qu’on n’attendait plus, a coupé une oreille à Saragosse. Le dernier membre d’un G5 bien lointain, Talavante, a semble-t-il voyagé.
  8. Chez les français, Juan Leal confirme à Bilbao, mais aussi à Saint-Sébastien, ses bonnes dispositions madrilènes. Au-delà des concepts, son courage est évident et ses progrès aussi mais il est loin d’être un prophète chez lui malgré ses engagements dans des corridas loin d’être faciles, comme dans son nouveau triomphe biterrois. Castella marque un peu le pas cette année même s’il se retrouve un peu en cours de saison (ses plus gros succès auront pour scène Dax et Bayonne). Juan Bautista (nouvel empresario, au sens espagnol, de Mont de Marsan) en revanche aura plus fait parler de lui en une seule corrida que le précédent sur toute une saison. Dorian Canton est devenu matador après son alternative frustrée à Bayonne. Les autres ont peu toréé sans avoir démérité mais être digne ne suffit plus dans ce métier. Les Joubert, Dufau, Younès, Clemente, Adoureño et maintenant Salenc (double trophée à Bayonne) ou Garcia vont devoir jouer des coudes pour se faire une place.
  9. Un départ d’envergure, celui de El Cid qui réalise une bonne fin de saison en se rappelant qui il a été, en particulier à Bilbao et à Séville avant d’obtenir un double trophée à Saragosse pour sa dernière corrida espagnole.
  10. Parmi les spécialistes des corridas dures, Escribano s’accroche après son « tabac » de San Isidro mais il a incontestablement du mal à retrouver le sitio, perdu totalement en revanche chez des toreros comme Chacón ou Moral (malgré son succès arlésien). López Chaves et Robleño font dans ce contexte figure de valeurs sûres mais aucun torero n’arrive au statut d’Emilio de Justo, même de loin, si ce n’est Daniel Luque, qui coupe une queue à Bayonne et qui est l’incontestable triomphateur de la saison française (Vic dans la première partie puis Dax ou Nîmes dans la deuxième, pour les grandes arènes). Il faut tout de même compter sur Rubén Pinar qui a montré sa dimension à Villeneuve et surtout chez lui à Albacete dans son 6 pour 1. Un tragique accident, celui de Javier Cortés, qu’on a beaucoup vu en France cette année et qui pourrait perdre le troisième matador en une décennie à perdre un œil. Mais le meilleur espoir pour cette catégorie est porté par un torero qui n’est encore que novillero mais qui prouve déjà qu’il a tout d’un Torero en majuscule comme dans sa prestation cérétane. : Maxime Solera.
  11. On parle depuis un certain temps de relève mais cette année la génération qui devait prendre le relais ne s’est pas hissée au sommet comme on l’attendait. Marín a fait une saison correcte mais sans plus, Lorenzo n’a pas vraiment profité des opportunités. Il n’y a que Román, à base de responsabilité et d’exposition, qui progresse. Celui qui avait frappé fort il y a 4 saisons de cela, López Simón, n’est plus que l’ombre de lui-même, même s’il triomphe à Mont de Marsan. Colombo a montré en fin de saison qu’il faut compter avec lui et Caballero paye une fois de plus par le sang sa disposition.
  12. Pour les nouveaux venus, Isiegas coupe une oreille pour son alternative dans la capitale aragonaise et Ángel Jiménez passionne la Séville flamenca. Chez les novilleros, des surprises prometteuses comme le Mexicain San Román, triomphateur à Pampelune, Tomás Rufo, qui est sorti par la Grande Porte de Las Ventas en Automne (4 oreilles sur la saison) et des toreros comme Rafael González (2 oreilles à Séville et 1 à Madrid), Francisco Montero (Arnedo, Villaseca ou Peralta après Boujan) ou Fernando Plaza dont on attend beaucoup mais qui n’a encore rien prouvé. Pour les français, El Rafi, Olsina, Lamothe et désormais Solalito montrent que la relève est bien là.

Côté bétail, des confirmations chez Pedraza, malgré la décadence annoncée et des surprises comme avec La Palmosilla mais pour le piquant rien de tel que Cebada ou Saltillo. En novilladas, Baltasar Ibán, Los Maños et Pincha ont montré le plus de bravoure. On a vu beaucoup d’élevages portugais cette année et ceux qui se sont fait remarquer sont Condessa de Sobral et Murteira Grave en plus de Palha.


Août 1 2019

Rivalités IX

Gallito vs Belmonte ou l’Âge d’Or du toreo

La première rencontre entre les deux matadors eut lieu dans les arènes barcelonaises de Las Arenas le 15 mars 1914 face à des animaux de Moreno Santamaría (et un sobrero de Concha y Sierra) et avec Cocherito en guise de Célestine; à noter que Joselito coupa une oreille. Ce premier agarrón, comme disent les Mexicains, fut complété jusqu’en 1920 par 257 autres dont 43 furent en mano a mano. La tragédie de Talavera mit fin à ce binôme on ne peut plus complémentaire qui n’aura donc pas été la rivalité la plus longue de l’histoire du toreo mais assurément la plus intense et la plus cruciale pour l’évolution de l’art taurin.

Les deux hommes avaient l’un pour l’autre un grand respect et la rivalité n’en était une que parce qu’ils avaient compris que le contact direct pourrait être bénéfique pour la carrière de l’un et l’autre et bien-sûr parce que au-delà d’accords de carrières il s’agissait de deux monstres, deux colosses. Le destin a toutefois renversé celui des deux qui semblait invincible et laissé dans la plus grande solitude celui qui paraissait avoir des pieds d’argile.

Belmonte était pathétique et irréel alors que Joselito était cérébral et apparemment facile. L’un était la tragédie incarnée, l’autre le héros triomphant. Lutte de l’impossible et du possible, de l’intuition et de la raison. Le deuxième l’emporta le plus souvent, comme les Romains l’emportèrent sur les Grecs, mais le savant Gitan vit dans son ami payo la voie, la lumière par où sa perfection pouvait se transcender. Belmonte apprit de Joselito, cela ne fait aucun doute mais José Goméz Ortega s’est belmontisé en se croisant, s’immobilisant et en templant d’abord. Et c’est là que le génie galliste a fonctionné en dépassant cette proposition pour quelquefois enchaîner les passes su même côté (ce que ne faisait pas Belmonte) et établir ainsi un début de ligazón qui sera la base du toreo moderne. José ne fréquentait pas autant les intellectuels que Juan mais il pensait le toreo et surtout il avait les moyens de mettre en pratique ses concepts. Juan se transcendait, qui plus est au contact de José mais compensait ses limitations par une personnalité et une esthétique jusqu’alors inconnues.

***

Le 2 mai 1914 eut lieu le premier affrontement madrilène. Là encore Joselito coupe une oreille (cela n’arrivait une fois toutes les 10 corridas pour un torero de cette trempe et encore…) mais Juan lui donne la réplique même s’il tue mal. Les toros étaient de Contreras et le compagnon de cartel Rafael, le grand-frère.

Le 21 avril c’est le sable ocre de la Maestranza sévillane qui est le témoin du premier face à face (sur un total de 19) des deux futurs colosses dans leur ville natale. Rodolfo Gaona les accompagne face à des toros de Miura et cette fois c’est Juan Belmonte qui l’emporte en sortant par la Porte du Prince. Lors de cette même feria Gallito coupera une oreille à Almendrito de Santa Coloma devant les yeux de son rival.

La rivalité se poursuit aussi à distance : quatre jours plus tard Belmonte triomphe face à un toro de Murube alors que Gallito tue en solitaire une corrida de Vicente Martínez le 3 juillet.

Le 15 août, à Saint-Sébastien dans une corrida de 8 toros 8 de Murube et Santa Coloma, c’est Gaona qui touche du poil (El Gallo ouvrait l’affiche).

Joselito termine la saison avec 75 courses à son actif (mais une trentaine perdues pour blessure) contre 72 à Juan.

Les plus beaux passages de cette rivalité torera auront toutefois lieu la saison suivante.

Après un premier mano a mano à Malaga, les 17 et 18 avril 1915 ils en offrent deux autres consécutifs à l’afición à Séville avec des toros de Santa Coloma et Gamero Cívico; Ils en feront de même les 8 et 10 du mois suivant à Madrid.   

Le 1er août, à Santander, encore accompagnés de Rafael, Joselito coupe les deux oreilles de son premier Saltillo contre une à Juan.

En 1916, Gallito est imparable. Il torée 105 corridas contre 43 pour Belmonte. La suivante en revanche mettra les deux matadors pratiquement à égalité : 103/97.

Le 21 juin 1917 Belmonte triomphe pleinement à Madrid pour la corrida du Montepío devant Gaona et Gallito retournant complètement la tarde au dernier, Barbero, de Concha y Sierra.

En 1918 on sait que Juan Belmonte ne toréa pas en Espagne, laissant seul son rival qui coupa la première queue concédée dans la capitale espagnole.

Il faut attendre le 7 juillet 1919 pour que les deux phénomènes toréent ensemble à Pampelune : une fois de plus cette rencontre tourne à l’avantage de Joselito qui obtient un trophée.

Le 28 avril 1920 Joselito coupe sa dernière oreille à Séville dans un mano a mano avec Juan et devant des toros de Gamero Cívico.

Le 3 mai il en fait de même à Bilbao face à des toros de Tamarón. Ils toréent ensemble deux jours plus tard à Madrid et dix plus avant à Valence avant le tout dernier épisode de la capitale le 15 mai, accompagnés de Sánchez Mejías, où Joselito est conspué comme máxima figura qu’il est.


Juil 21 2019

Un élevage à l’honneur (103)

L’élevage de La Palmosilla a été créé par José Javier Núñez Cervera en 1996 à partir de deux lignes de la branche Domecq, l’une pure Juan Pedro et l’autre Osborne via Núñez del Cuvillo. Son fils, Javier Núñez Álvarez, en est désormais le responsable.

Tinajón

 

Encaste : Domecq

Devise : bleu ciel et rouge

Ancienneté : 2013

 

Dans la finca éponyme sise dans la commune on ne peut plus australe, en terres ibériques, de Tarifa, province de Cadix, paissent une centaine de vaches de la branche Osborne. Le domaine principal, à proximité, a pour nom La China  où vivent les 150 vaches d’origine Juan Pedro (le double des 75 eralas de départ) et les mâles. Outre les femelles, l’élevage comprend actuellement 18 étalons et produit aux alentours d’une dizaine de lots à l’année.

En 2019 cette élevage a fait un début remarqué à Pampelune où Tinajón a reçu le prix Carriquiri, décerné au meilleur toro de la feria puis celui au meilleur lot en 2022 dans ces mêmes arènes.


Juil 7 2019

Consécration de Paco Ureña

Après plusieurs saisons où il le caressait du bout des doigts, Ureña obtient son grand triomphe, celui qui culmine une carrière (en attendant la suite) et qui en fait une figura indiscutable d’autant plus que son toreo, à l’instar de celui d’Urdiales, De Justo ou Aguado, vient remettre le classicisme au cœur du toreo et vient remplacer une génération certes coruscante mais non moins stéréotypée.

Le petit Francisco est né le 26 décembre 1982 à Lorca (Murcie).

Il torée sa première novillada chez lui puis se présente à Madrid le 22 juillet 2005 où il coupe une oreille à un novillo d’Espartaco.

De face

Il prend l’alternative le 17 septembre 2006 dans sa ville d’origine dans un cartel d’artistes avec Conde pour parrain et Morante comme témoin : 4 oreilles à des toros de Gavira.

En 2009, il a fait sa présentation comme matador en France en triomphant de toros de Pagès-Mailhan à Vergèze.

A la fin de la saison 2012, il totalise un total de 33 corridas en 6 saisons complètes (à peine cinq contrats par an donc). Sa carrière ne décolle pas jusqu’à sa Confirmation, le 25 août 2013 où il repart avec un bilan de vuelta et oreille, frôlant donc la Grande Porte.

En 2014, il s’impose en Arles et gracie un victorino à Cieza avant de recevoir, le 30 mai, à Madrid, 25 cm de corne dans la cuisse gauche, ce qui ne l’empêche pas de triompher à Santander avec les figuras puis à Bayonne mais aussi chez lui à Murcie ou encore à Logroño.

La temporada suivante, après des triomphes à Pampelune et Bilbao (deux fois une oreille à chaque course), il est l’auteur d’une grande faena pour la feria d’Automne 2015 où il perd un triomphe à l’épée face à un toro d’Adolfo Martín mais la prestation épique a impressionnée et ce qui manque aux statistiques nous reste derrière les rétines.

La jambe en avant en contrapostto, le toro autour pour vider la passe derrière la hanche, la difficile simplicité du toreo

 

En 2016, après une oreille à Valence, Ureña essorille un victorino dans la Maestranza le 13 avril, jour de l’indulto de Cobradiezmos. Il obtient ensuite un trophée en deux occasions lors de la feria de San Isidro.

En 2017, il coupe une oreille à Séville à un toro de Victorino Martín puis ponctue à Madrid pour la Corrida Goyesque du 2 mai avant de le faire à nouveau lors de la feria d’Automne puis de couper deux appendices à Saragosse. Entre temps, il obtient un autre trophée d’un victorino à Bilbao après un appendice d’un Puerto de San Lorenzo à Pampelune lors d’un grave coup de corne à El Pirri, son banderillero. A Bayonne, il coupe 3 oreilles aux toros d’El Juli et autant à Albacete. En début de saison il avait aussi touché du poil à Valence et lors de la San Isidro il convient de se souvenir qu’il avait réalisé une faena épique à un victorino mal conclue hélas à l’épée.

En 2018, absent de Séville, il coupe une oreille à Madrid et une autre à Pampelune où il est blessé avant de perdre un œil à Albacete, devant logiquement suspendre la fin de la saison.

Corrida de la Cultura 2019 : deux oreilles d’Empanado de Victoriano del Río malgré une estocade en arrière et une mort un peu longue car la faena a été de 18 carats au moins sinon plus. Notons au passage qu’il était sorti tuer ce dernier toro malgré l’avis des médecins avec une côte cassée. Il est aussi le triomphateur indiscutable de la San Isidro avec 4 oreilles et deux vueltas al ruedo. Sa réapparition à Valence en début de saison avait donné la note : zéro concession, mais c’est à Bilbao qu’il enfonce le clou avec 4 oreilles le 23 août avant de recevoir un grave coup de corne à Palencia, comme prix de sa vérité.

Le toreo de Paco Ureña est une merveille. A Madrid surtout, il s’abandonne totalement à son rêve de toreo. Ce qu’on ressent en le voyant toréer ne doit rien être en rapport de ce que lui doit sentir. Dieu que c’est beau. Tout à l’instinct, ses choix techniques peuvent parfois être erronés mais il vient aussi par là nous rappeler que l’Art ne surgit que lorsque le possible est dépassé. Ureña n’est pas un cartésien, c’est un spirituel qui s’oublie de son corps, une enveloppe qu’il a fort élastique et qui lui permet d’ailleurs de s’enrouler le toro d’une manière qui défie les lois de la géométrie.

Depuis son accident, il semble plus classique, moins prêt à des concessions modernistes auxquelles il sacrifiait par soif d’être. Son alternance des deux toreos, naturel et changé, lors du début de faena à Empanado est un sommet de classicisme. Si ses trincheras sont puissantes, ses naturelles sont sans doute le meilleur de son toreo, surtout de face, en fin de faena, liées à des pechos énormes, de cartel, souvent complètement de face. Parfois il aime encore faire peur avec les bernadinas à la mode mais il est capable de « fermer » un toro en suivant les canons les plus orthodoxes. Souvent il a recours également aux passes en regardant le tendido, une manière de dire : quoi de plus ?, mais c’est là un excès d’orgueil, dans une ivresse de toreo, qui ne rajoute rien, au contraire; il n’est plus à ce qu’il fait et les passes sont forcément moins bonnes quoi qu’elles témoignent d’une domination absolue. Son toreo, il le réalise fondamentalement en offrant le torse en en conduisant la charge derrière la hanche, en point d’interrogation. A la cape, il est de plus en plus bon, devenant excellent sur plusieurs palos, dont la véronique. Et tout ça devant les toros les plus compliqués, victorinos notamment. Deux mots résument son toreo : exposition et pureté.

A quelle source boit-il ? Difficile de le dire. Il torée plus avec la ceinture qu’avec le poignet et c’est plus un torero du dessin que du rythme; en cela il est plus Castillan qu’Andalou mais son grain de folie et son baroquisme est la marque des grands artistes du sud. Ureña est un mélange : on pense à Manolo Vázquez ou à Paco Camino et même parfois à Paula. D’autres y verront sans doute d’autres inspirations. José Tomás ?


Juin 18 2019

Temporada 2019 (1)

Que retenir de ces premiers mois ?

  1. Roca Rey reste le Roi, dans une régularité écrasante et un toreo de plus en plus dépuré : 3 oreilles à Valence et Séville comme à Madrid.
  2. Paco Ureña casse la baraque en se consacrant à Madrid. Plus que les 4 oreilles et les deux vueltas c’est un nouvel exemple de dépassement de soi auquel on assiste, après celui de Padilla. Mais la différence est bien plus grande entre les deux : on ne lui a fait aucun cadeau et surtout son toreo est d’une profondeur sidérante. Sa manière de dévier doublement le toro en point d’interrogation est tellement rare qu’elle a pu semblé presque impossible… et pourtant. Alors oui, Ureña ne reste jamais en-deçà, ses schémas logiques sont discutables sur le plan technique mais il est la Passion incarnée, son courage n’est au service que de l’esthétique la plus pleine de sens : tout se tient, en jouant sa vie il écrit, avec son art épique une véritable épopée. C’est un amoureux du toreo qui se vide en toréant pour se ressourcer, revenir à l’essence de son être, en somme pour se sentir… !TO RE RO! Oui… !TO RE RO! Des mots scandés à Madrid pour en faire taire plus d’un.
  3. El Juli obtient un grand succès à Séville mais il ne tient plus le rythme, c’est un fait.
  4. Ferrera qu’on commençait à reléguer presque au rang qu’il a trop longtemps occupé se rappelle à notre bon souvenir devant un victorino à Séville et en triomphant de la plus belle des manières à Madrid.
  5. Une confirmation superlative, celle d’Aguado avec une oreille à Valence, des triomphes en France (Gamarde et nîmes), une Porte du Prince bien-sûr et un arôme d’huiles essentielles à romarin qui le font suivre d’une foule
  6. Une révélation, celle de De Miranda qui surprend par sa fraîcheur sans complexes lui qui est revenu l’an dernier d’une grave lésion à une vertèbre : deux oreilles à Madrid dans un combat contre le vent qui le lance vraiment dans le grand bain. Chez les jeunes toujours, Marín semble revenir à son meilleur niveau et Román acquiert une autre dimension avant de recevoir un « tabac » énorme.
  7. De Justo montre qu’il conserve les mêmes arguments qui l’ont hissés au premier rang mais un problème de clavicule le ralentit dans son ascension.
  8. Perera obtient à Madrid une oreille de trop (le seul des 5 triomphes qui a été contesté), celle qu’on lui aurait supposément volée à Séville. (Si on connaît le principe compensateur des vases communicants à l’intérieur d’une corrida, celui-là est inédit.)
  9. José Tomás fait son petit tour puis s’en va avec dans sa besace une belle cueillette d’oreillettes, six, plus une queue, en quatre toros mais on sait le Maestro du Silence, qui vit retiré dans le rincón du Sud, n’est plus un torero mais un gourou qui convie ses affidés pour une grand messe annuelle dont l’exceptionnalité est une des conditions pour qu’un public fébrile, conquis d’avance, soit d’abord subjugué puis finisse transe pour peu que le Maître étende le bras jusqu’au bout. Il est, face à son aura, comme Marcisse face à son image. Point de rivalité hélas, ce sel du toreo.

Pour le  reste ? Talavante absent, Manzanares et Morante n’ont pas daigné se montrer à Madrid (et pour cause, ils ne sont pas au mieux même s’ils refont surface occasionnellement) et Ponce s’est blessé au genou à Valence. Avec une vuelta à Séville et une oreille perdue à l’épée à Madrid, Urdiales reste présent mais être le triomphateur de la saison comme l’an passé sera compliqué, quoi qu’à bien y réfléchir, il y a un an il n’avait pratiquement pas commencé sa temporada qui n’a pris son envol que fin août. Accomplira-t-il à nouveau le grand Œuvre à Bilbao ? Castella n’a pas tiré tout le parti d’Horroroso à Valence et a été discret par la suite. Je veux bien qu’il dise qu’il se l’ait joué mais ce n’est pas la sensation qu’on a eu (cf. Ureña). Simón, Lorenzo, et Luis David, dont le frère a interrompu sa saison européenne, sont intermittents; c’est moins pardonnable pour le premier, le plus expérimenté.

Parmi les spécialistes des corridas dures, Chacón, Moral et Rafaelillo sont en méforme et Escribano ne va pas récupérer son meilleur niveau après le cornalón reçu à Las Ventas. Cortés s’accroche, par intermittences lui-aussi et Chaves et Lamelas sont toujours là, bien présents au niveau qui est le leur. Luque est quant à lui en train de se convertir en triomphateur de la saison française, sans forcer son talent d’ailleurs.

En novilladas, c’est le courage du Mexicain San Román qui impressionne le plus et De Manuel maintient son cartel à Madrid. Parmi les français, Canton semble prêt pour l’alternative et l’arrivée de Lamothe assure la relève.

Côté bétail, Valdefresno, Fuenteymbro et Santiago Domecq d’un côté et Cebada ou Pedraza de l’autre, entre autres, se sont fait remarquer, en sus de quelques toros isolés.

Plein d’autres choses se sont passées, des bonnes comme des moins bonnes mais le but n’est pas ici d’être exhaustif. A signaler une nouvelle oreille pour un français à Madrid, accompagnée hélas d’une blessure comme l’an dernier à Bilbao : celle de Juan Leal.

Quantitativement parlant, le plus gros de la saison est devant nous. Espérons qu’elle se maintienne au niveau atteint dans cette première partie.