Juin 18 2019

Temporada 2019 (1)

Que retenir de ces premiers mois ?

  1. Roca Rey reste le Roi, dans une régularité écrasante et un toreo de plus en plus dépuré : 3 oreilles à Valence et Séville comme à Madrid.
  2. Paco Ureña casse la baraque en se consacrant à Madrid. Plus que les 4 oreilles et les deux vueltas c’est un nouvel exemple de dépassement de soi auquel on assiste, après celui de Padilla. Mais la différence est bien plus grande entre les deux : on ne lui a fait aucun cadeau et surtout son toreo est d’une profondeur sidérante. Sa manière de dévier doublement le toro en point d’interrogation est tellement rare qu’elle a pu semblé presque impossible… et pourtant. Alors oui, Ureña ne reste jamais en-deçà, ses schémas logiques sont discutables sur le plan technique mais il est la Passion incarnée, son courage n’est au service que de l’esthétique la plus pleine de sens : tout se tient, en jouant sa vie il écrit, avec son art épique une véritable épopée. C’est un amoureux du toreo qui se vide en toréant pour se ressourcer, revenir à l’essence de son être, en somme pour se sentir… !TO RE RO! Oui… !TO RE RO! Des mots scandés à Madrid pour en faire taire plus d’un.
  3. El Juli obtient un grand succès à Séville mais il ne tient plus le rythme, c’est un fait.
  4. Ferrera qu’on commençait à reléguer presque au rang qu’il a trop longtemps occupé se rappelle à notre bon souvenir devant un victorino à Séville et en triomphant de la plus belle des manières à Madrid.
  5. Une confirmation superlative, celle d’Aguado avec une oreille à Valence, des triomphes en France (Gamarde et nîmes), une Porte du Prince bien-sûr et un arôme d’huiles essentielles à romarin qui le font suivre d’une foule
  6. Une révélation, celle de De Miranda qui surprend par sa fraîcheur sans complexes lui qui est revenu l’an dernier d’une grave lésion à une vertèbre : deux oreilles à Madrid dans un combat contre le vent qui le lance vraiment dans le grand bain. Chez les jeunes toujours, Marín semble revenir à son meilleur niveau et Román acquiert une autre dimension avant de recevoir un « tabac » énorme.
  7. De Justo montre qu’il conserve les mêmes arguments qui l’ont hissés au premier rang mais un problème de clavicule le ralentit dans son ascension.
  8. Perera obtient à Madrid une oreille de trop (le seul des 5 triomphes qui a été contesté), celle qu’on lui aurait supposément volée à Séville. (Si on connaît le principe compensateur des vases communicants à l’intérieur d’une corrida, celui-là est inédit.)
  9. José Tomás fait son petit tour puis s’en va avec dans sa besace une belle cueillette d’oreillettes, six, plus une queue, en quatre toros mais on sait le Maestro du Silence, qui vit retiré dans le rincón du Sud, n’est plus un torero mais un gourou qui convie ses affidés pour une grand messe annuelle dont l’exceptionnalité est une des conditions pour qu’un public fébrile, conquis d’avance, soit d’abord subjugué puis finisse transe pour peu que le Maître étende le bras jusqu’au bout. Il est, face à son aura, comme Marcisse face à son image. Point de rivalité hélas, ce sel du toreo.

Pour le  reste ? Talavante absent, Manzanares et Morante n’ont pas daigné se montrer à Madrid (et pour cause, ils ne sont pas au mieux même s’ils refont surface occasionnellement) et Ponce s’est blessé au genou à Valence. Avec une vuelta à Séville et une oreille perdue à l’épée à Madrid, Urdiales reste présent mais être le triomphateur de la saison comme l’an passé sera compliqué, quoi qu’à bien y réfléchir, il y a un an il n’avait pratiquement pas commencé sa temporada qui n’a pris son envol que fin août. Accomplira-t-il à nouveau le grand Œuvre à Bilbao ? Castella n’a pas tiré tout le parti d’Horroroso à Valence et a été discret par la suite. Je veux bien qu’il dise qu’il se l’ait joué mais ce n’est pas la sensation qu’on a eu (cf. Ureña). Simón, Lorenzo, et Luis David, dont le frère a interrompu sa saison européenne, sont intermittents; c’est moins pardonnable pour le premier, le plus expérimenté.

Parmi les spécialistes des corridas dures, Chacón, Moral et Rafaelillo sont en méforme et Escribano ne va pas récupérer son meilleur niveau après le cornalón reçu à Las Ventas. Cortés s’accroche, par intermittences lui-aussi et Chaves et Lamelas sont toujours là, bien présents au niveau qui est le leur. Luque est quant à lui en train de se convertir en triomphateur de la saison française, sans forcer son talent d’ailleurs.

En novilladas, c’est le courage du Mexicain San Román qui impressionne le plus et De Manuel maintient son cartel à Madrid. Parmi les français, Canton semble prêt pour l’alternative et l’arrivée de Lamothe assure la relève.

Côté bétail, Valdefresno, Fuenteymbro et Santiago Domecq d’un côté et Cebada ou Pedraza de l’autre, entre autres, se sont fait remarquer, en sus de quelques toros isolés.

Plein d’autres choses se sont passées, des bonnes comme des moins bonnes mais le but n’est pas ici d’être exhaustif. A signaler une nouvelle oreille pour un français à Madrid, accompagnée hélas d’une blessure comme l’an dernier à Bilbao : celle de Juan Leal.

Quantitativement parlant, le plus gros de la saison est devant nous. Espérons qu’elle se maintienne au niveau atteint dans cette première partie.