Ecoute ! Ecoute !

Voici « Ondine », un poème en prose extrait de Gaspard de la nuit. Ce recueil très musical fut édité pour la première fois en 1848, après la mort de son auteur, Aloysius Bertrand (1807-1841). Ce travail remarquable fut l’une des premières oeuvres poétiques composées en prose. Charles Baudelaire s’en inspira pour écrire son Spleen de Paris… J’ai proposé à mes élèves de 5ème de s’inspirer de la structure d' »Ondine » pour écrire à leur tour un poème sur le vent, la pluie, la neige, la nuit, la lune ou encore le soleil. Le résultat a dépassé mes espérances. Bravo à tous nos poètes !

Ondine

« Ecoute ! Ecoute ! C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.

Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air.

Ecoute ! Ecoute ! Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes soeurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! »

Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.

Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisse- lèrent blanches le long de mes vitraux bleus.

Le vent 

« Ecoute ! Ecoute ! C’est moi, c’est le vent qui qui fait danser les nuages et les cheveux des enfants sages; et voici, en robe de coton, la dame de saison, qui regarde s’envoler les feuilles dorées et le chapeau du jardinier.

Chaque  nuage est un dessin qui danse au gré du vent, chaque vent est un souffle qui siffle vers le soleil couchant, et le soleil couchant est un refrain qui berce l’oiseau, sifflotant au dessus de l’océan.

Ecoute ! Ecoute ! C’est la mouette virevoltant par le seul appui du vent. Majestueusement elle plane, puis doucement, doucement, elle descend vers le radeau flottant. »

Le vent me souffla les légendes du temps qui passe puis me supplia d’éloigner mes mauvaises pensées, balayant en un instant tous mes tourments en me proposant de me reposer dans l’avenir et dans le temps.

(Manon Michaud)

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Titan, l’ébranleur de la terre

« Ecoute ! Ecoute ! C’est moi, c’est Titan qui t’énerve avec ses blocs de terre qui remplissent les chariots de l’encombrante mine, entre les murs étroits des roches; et voici, avec leurs outils, les Kobolts qui construisent le tunnel du désespoir.

Chaque pierre est un Titan qui rassemble les blocs de terre; chaque bloc de terre est  un morceau d’élément précieux qui guérit les blessures, et les blessures sont des marques de courage qui mènent vers le lieu sacré de Titan à côté de son voisin, Ifrit, le magicien du feu.

Ecoute ! Ecoute ! Mon père bat la terre dure comme de la pierre et mes frères ramassent de leurs bras de fer les poussières de l’Enfer ou se transforment en Golems qui prennent vie sous terre. »

Sa musique chantée, il me supplia de le laisser étendre son territoire, pour montrer sa puissance, et d’y envoyer son fils, pour surveiller son royaume.

(Aymeric Becker)

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Neige

« Ecoute ! Ecoute ! C’est moi, c’est la neige, qui chatouille de ses flocons blancs l’herbe frétillante de ton jardin illuminé par les grands rayons du soleil; et voici, en robe de neige, la princesse des fées, qui contemple à sa fenêtre le beau ciel blanchi et la belle rivière gelée.

Chaque perle de glace est un flocon, chaque flocon est un espoir qui vient vers ma blanche demeure, et ma blanche demeure est faite de neige, au fond de la montagne, dans le triangle de l’air, de la glace et du vent.

Ecoute ! Ecoute ! Ma mère bat les flocons brillants d’une baguette de glace, et mes cousines frôlent de leurs mains gelées les belles îles de glace, de gouttes d’eau froides et de flocons blancs, ou se moquent du chêne ridé et poilu qui chasse les biches. »

Sa mélodie soufflée, elle me demanda de recevoir sa bague dorée à mon doigt, pour être le mari de la neige, et de voir avec elle sa demeure royale, pour devenir le roi des flocons glacés.

(Elora Lemistre )

C’est la neige

« Ecoute ! Ecoute ! C’est moi, c’est la neige, qui touche de ces boules de neige la glace blanche et belle de ton jardin illuminé par les rayons de la lune; et voici, en robe de flocons, la magicienne des glaces, qui contemple à sa terrasse le beau ciel blanc et le beau lac brillant.

Chaque flocon est un souffle de glace, chaque souffle de glace est un chemin qui ondule vers mon château, et mon château est bâti, limpide, au fond de la rivière, dans le triangle de l’eau, de la glace et de la tempête. 

Ecoute ! Ecoute ! Ma soeur bat l’eau coassante d’un bâton blanc et gelé, et mes frères frôlent de leurs jambes de neige, les froides plages de flocons, de fleurs glacées, ou rigolent du vieux cerisier blanc qui boit de l’eau givrée. »

Sa mélodie murmurée, elle me supplia de la prendre comme épouse pour être le mari de la neige, et de visiter avec elle son château, pour être le roi des glaces.

(Eva De Souza)

La terre 

« Ecoute ! Ecoute ! C’est moi, c’est la terre, qui frôle de cette boue luisante les pavés de ta maison illuminée par les pâles lumières des lucioles; et voici, en robe d’herbe, la dame terrestre qui contemple de sa terrasse le beau ciel bleu marine et la belle rivière de végétaux.

Chaque algue est un végétal qui nage dans le courant, chaque courant est un chemin, qui s’étire jusqu’à mon royaume, et mon royaume est fait de boue au bout de la rivière de végétaux, dans le triangle du feu, de la terre et de la lumière.

Ecoute ! Ecoute ! Mes sujets coupent l’herbe morte d’une paire de ciseaux et les autres touchent de leurs mains pleines de terre les frais bouquets de fleurs, de marguerites et de roses où dorment les grands chênes et les grands sapins. »

Son histoire terminée, elle me demanda de l’épouser dans son royaume, pour être le roi de la terre, des fleurs et des arbres.

(Maëva Gonçalvès)