La robe de ses rêves – épisode 3 (suite et fin)

Marie, flattée du choc que produisait son accoutrement, resta au côté de la vieille femme en attendant qu’elle reprenne ses esprits. Une voiture passa devant elle et l’homme au volant ouvrit de grands yeux accusateurs en disant à ses enfants sur la banquette arrière de ne pas regarder. Ce que les enfants firent alors instantanément avec curiosité. Marie, surprise, regarda sa robe et, ne lui trouvant rien de vulgaire ou de provocant, passa outre.

Quelques minutes plus tard, une porte s’ouvrit derrière elle. Un homme de son âge vêtu d’un costume bleu très chic apparut. Il fit calmement un tour du regard de sa droite à sa gauche. Quand il eut terminé la rotation de sa tête, il vit Marie et sursauta, soudainement perdu et révolté.
Il balbutia avec de gros yeux indignés :
« Mais… mademoiselle, enfin… Il fait chaud, je vous l’accorde, mais ce n’est pas une tenue convenable pour se promener en ville ! N’avez-vous rien à vous mettre ?
– Ma robe est tout à fait convenable, monsieur ! Je ne vois pas ce qu’elle a de si choquant ! répondit Marie, frustrée.
– Mais enfin, vous délirez ! s’exclama-t-il, outré. Vous ne portez pas de robe ! Vous êtes on ne peut plus nue, avec une paire de chaussures noires !
– Je suis… toute nue ? Ma robe… n’existe pas ? prononça faiblement Marie, soudainement rougissante et pudique.
– Peut-être dans votre imagination, mais en l’occurrence, vous êtes vraiment nue et tout le monde se moque de vous ! » fit-il en désignant un groupe de personnes qui ricanaient allègrement.

Alors, Marie, décontenancée, s’évanouit au côté de la vieille dame, et le jeune homme, bien embêté, resta planté là devant ces deux femmes qui dormaient paisiblement à ses pieds.

Elsa Malkoun  TG5

La robe de ses rêves – épisode 2

Elle en avait vu une, la plus fabuleuse de toutes, qui l’enivrait de joie plus encore que ce qu’elle avait déjà vécu. Sur le vêtement, elle semblait percevoir des bribes de ses plus beaux rêves défiler en continu.
Tout à coup, un élan l’emporta et la projeta sur cette œuvre. Marie s’en empara et rentra chez elle en courant avec son habit dérobé. Arrivée dans son petit appartement, elle jeta la robe sur son lit et resta dressée devant elle, essoufflée, rouge et secouée de frissons précipités. Elle scruta cette chose avec délice.

Son précieux butin volé sortait de l’ordinaire. Elle pouvait le voir comme elle voyait son lit, mais pourtant, il semblait tout droit échappé d’un songe étrange. Cette robe venait sûrement de l’au-delà, d’un monde parallèle qui n’existait que dans son imagination… Marie était totalement fascinée, émue et attirée. Le vêtement étincelait, déversant de multiples couleurs surprenantes. Il semblait vivant et dans son vivant apeuré, agité, voulant trouver refuge quelque part.
Alors, Marie ôta violemment ses vêtements, les déchirant à moitié. Elle attrapa la robe et, soudainement calmée, l’enfila lentement, avec douceur. Le tissu était changeant lui aussi, parfois doux, parfois rugueux, lisse ou piquant. La texture était même parfois indécise sur certaines parties du corps et elle sentait alors son bras droit caressé alors que son dos la tiraillait. Cela lui donna envie de danser, de sauter. C’est ce qu’elle fit, en une euphorie soudaine, riant des chatouillements de la robe ou simplement de plaisir.
Elle vivait habillée de rêve. Son corps et son âme étaient en contact avec l’extraordinaire, mais elle se situait bel et bien dans la réalité, dans le même monde que tous ses semblables. Comblée, trouvant enfin goût à la vie, elle
décida de se montrer, envahie de bonheur, et de vivre avec son rêve en seconde peau.
Elle sortit de son appartement, avec pour seul vêtement sa robe féerique, et une paire de chaussures noires.

Elle n’eut pas froid, réchauffée par le soleil brûlant du mois de juin. Au croisement, au bout de sa rue, elle vit une vieille dame qui peinait à porter à bout de bras son cabas rempli de provisions. Elle accourut alors pour l’aider. Mais en voyant Marie, la grand-mère tomba en arrière en s’exclamant : « Doux Jésus ! » Elle était évanouie.

Suite au prochain épisode

Elsa Malkoun

La robe de ses rêves – épisode 1

Une nouvelle rédigée par Elsa Malkoun, trois épisodes de lecture pour ces vacances, avec une chute inattendue à la fin, comme il se doit.

Ce soir, comme tous les autres soirs, Marie se préparait un maigre en-cas en guise de repas. Comme tous les autres soirs, elle l’avalait machinalement, puis elle se levait péniblement pour laver son assiette en économisant la moindre goutte d’eau. Elle pénétrait ensuite dans sa chambre, fermait la porte derrière elle et, avec un plaisir délicieux qui l’emplissait de bonheur, elle s’allongeait enfin sur son lit, et commençait à rêver.
Marie était une femme comme les autres… ou presque. La vie de tous les jours ne lui apportait aucune sensation : elle ne trouvait aucune joie dans la fraîcheur matinale, dans les belles couleurs des robes de vitrines, dans le son entraînant d’une chanson, ni même dans le goût sucré d’un dessert. La réalité ne lui inspirait pas la fougue qu’elle trouvait dans ses longs périples enchantés de la nuit. Elle ne vivait que pour l’instant où enfin, son esprit pouvait s’abandonner dans ses songes piquants et dorés. Son imagination lui fomentait des rêves tous plus merveilleux et surprenants les uns que les autres. La lune et son infinité d’étoiles brillaient plus à ses yeux que les rayons chauds du soleil. C’était une jeune femme de la nuit.
Le lendemain, elle sortait de son rêve fantastique avec lenteur, et peu à peu rentrait sur Terre. Les paillettes s’évanouissaient dans le lointain. Elle ouvrait alors délicatement les paupières, et redécouvrait les formes banales de
la réalité d’un œil triste. Son réveil affichait 8 heures. Elle s’habillait, sans grand empressement, puis avalait son déjeuner, le regard perdu dans le vague. Et elle partait prendre le métro, au bas de sa rue. Certains passagers finissaient leur somme dans la machine grognonne qui boudait sous terre.

Un jour où elle remontait de son métro, à l’arrêt « Florence », comme tous les autres jours, elle vit une nouvelle boutique qui venait d’ouvrir la veille. Cela ne l’étonna pas. Mais elle sentit une envie irrésistible d’y entrer, comme un appel. Il fallait qu’elle passe par là pour que son destin s’accomplisse. Alors la jeune femme, attirée, avança lentement vers l’entrée de la boutique. Chaque pas qui la rapprochait de cet endroit l’y entraînait encore plus, et lui faisait un bien incroyable. Elle ne s’était jamais sentie aussi bien que lorsqu’elle pénétra dans ce petit lieu. Il n’y avait personne à la caisse, la boutique semblait dormir. Peut-être n’était-elle pas encore ouverte ? Qu’importe, Marie la visitait, emportée par le bonheur que lui procurait cette pièce. La boutique était remplie de robes tout à fait merveilleuses, chacune totalement unique et époustouflante. Elle sautillait de robe en robe, comme une petite fille comblée.
Soudainement, elle s’arrêta net.

(suite prochainement)

Elsa Malkoun

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