Elle serait blanchisseuse des corps

Le fait d’être blanchisseuse des corps fait référence à l’avortement,  c’est le passage entre la vie et la mort. Marie G.  a la quarantaine, c’est une fille de milieu modeste en manque d’amour qui, les mains usées par le travail à la ferme, devient blanchisseuse des corps, pour élever correctement ses enfants, c’est à dire faiseuse d’anges. Une façon aussi d’exister par le pouvoir de vie et de mort que la société légale lui offre dans la clandestinité et d’accéder à un certain confort matériel. Elle est sculptée dans la revanche, elle se trouve dans une petite cellule, condamnée à mort.
Stéphanie Son

sa peau se transforme en neige

Ce qui est intéressant dans « sa peau ,se transforme en neige ». Pour le lecteur c’est la confusion entre le regard de la narratrice et celui de Lucie. Il est frappant dans cette séquence de voir la confusion entre les deux voix narratives,  celle de la narratrice et celle du personnage Lucie L.  La narratrice décrit l’apparence physique du visage de la mère . Mme L. pleure sans bruit  mais ce regard sur le visage pathétique de la mère n’est jamais neutre. La compassion que la narratrice éprouve à l’égard du visage de douleur de la mère en pleure s’exprime à travers la métaphore de la neige.  Cette métaphore de la peau en neige permet de la percevoir le visage de la mère  comme la lumière , le bonheur , le soleil. La mère de Lucie L met de la poudre blanche pour cacher sa tristesse et le manque d’un mari absent.
Ilham Kendil

« C’est la nuit. Pas la vraie nuit encore, il reste du bleu et du jaune…

« C’est la nuit. Pas la vraie nuit encore, il reste du bleu et du jaune, quelque chose de la lumière du jour pas tout à fait effacée ».
Cette phrase explique que dans sa cellule, Marie G. a bien vu que le jour s’en était allé mais elle a cru que ce n’est pas encore la pleine nuit ; elle voudrait que le petit matin de son exécution soit encore loin. À travers la fenêtre de sa cellule, elle voit peut être un peu de ciel bleu, éclairé par la lueur des étoiles.
Marine Maurel

Les enfants courent, en bas, dans la rue…

« Les enfants courent, en bas, dans la rue, ils sortent de l’école avec des bruits d’oiseaux, de billes sous les fenêtres de Lucie L. endormie. »

Cette phrase est poétique, que peut-elle vouloir dire ?
Lucie L. n’a pas dormi de la nuit, elle attend les effets de son avortement, couchée dans son lit, au petit matin elle s’endort.
Une nuit longue, douloureuse, un bruit d’oiseau qui la berce… pendant la nuit Lucie L. repense à son passé, à sa chair, la douleur qu’elle ressent. Le matin, les enfants « sortent de l’école », les bruits d’oiseaux sont associés aux cris de joie que les enfants ont quand ils reprennent leur occupation préférée.
Les enfants jouent aux billes en sortant de l’école, en bas de la rue de Lucie L., le bruit des billes l’endort, ce qui peut être lui fait rappeler son enfance. « endormie »
Valentine Goby par cette phrase veut nous montrer que dehors en bas dans la rue de Lucie L. le temps continue et personne ne se souci du corps de Lucie L., tant mieux c’est le sien. Mais elle ne sait pas si elle a avorté son enfant ou sa mère, la douleur de la cicatrice est toujours là. « Je me suis demandé de qui, j’avais avorté réellement, de ma mère ou de l’enfant. »p56
Kelly Loyer

 

Un écrivain à part

Pour commencer,  le roman de Valentine Goby « Qui touche à mon corps je le tue » m’a paru compliqué à lire, au début. Durant la lecture du livre, la complication persistait mais s’atténuait. Selon moi, le style d’écriture est propre à l’écrivain, et nous n’en sommes pas tous adeptes, c’est mon cas. Cependant quand il était question de femmes, nous pouvions nous sentir concernées par le sujet principal qui est l’avortement. De plus, nous pouvions parfois ressentir la douleur de Lucie L, en tant que femme. Ce qui n’était cependant pas le cas quand il était question de Henri D. Pour continuer, je me perdais dans la distinction des personnages. Par exemple, Lucille et Lucie, sont deux prénoms semblables, ce qui pouvait donc aboutir à de véritables énigmes pour le lecteur. De plus, le changement de personnages était quelque fois trop brutal, et, même si, implicitement, les histoires sont liées (on le comprend), elles sont à la fois indépendantes, nous avons donc du mal à passer d’une histoire à l’autre.
Autre point qui m’a dérangé, les scènes, les passages, sont parfois trop décrits, ce qui nous donne presque l’envie de sauter certains morceaux de l’histoire. Ils sont parfois écœurants comme nous pouvons le voir page 39 « Hier, elle a roulé des heures à bicyclette […] et de se réveiller quand tout sera fini ».
D’autre part, j’ai aussi été gênée par l’arrivée de personnages inattendus, je ne comprenais pas forcément qui ils étaient et quelle était leur « utilité », même si nous avions quelques informations sur leur personne et leur présence, je suis principalement restée sceptique face à leurs rôles dans les histoires. D’autre part, le passage de « je » à « il » m’a troublé comme nous pouvons le voir page 34-35  » Georgette m’appelle Henri depuis le premier jour […] Henri.D marche dans le salon de son meublé, rue de la Convention ». J’ai eu du mal à comprendre le narrateur. Il était quelque fois omniscient, et quelque fois interne.

Nous pouvons alors observer que le narrateur avait un thème en tête (l’avortement est le plus visible), que pour lui l’histoire était claire, mais que parfois il se perdait dans des détails qui nous faisaient perdre le fil. C’est un narrateur qui écrit selon ses idées et sa vision des choses, pour tenter de la faire partager à ses lecteurs. Néanmoins, j’ai noté que Valentine Goby ne veut pas s’adapter à ses lecteurs, elle veut que ce soit ses lecteurs qui s’adaptent à elle. J’ai donc eu du mal à m’imprégner des personnages, à vivre l’histoire, et parfois même à la comprendre. C’est donc en raison de tous ces détails que je ne suis pas parvenue à finir ce livre.
Marina Oligo

Trois vies condamnées en vingt-quatre heures

En passant

Ce roman Qui touche à mon corps je le tue de Valentine Goby nous mène au coeur du sujet, à travers trois personnages qui ont vécu de près ou de loin  cette journée du 29 juillet 1963 à Paris.
Les trois personnages prennent tour à tour la parole dans l’ouvrage, Marie G faiseuse d’anges dans sa cellule, condamnée à mort; Lucie L, femme avortée enfermée dans sa chambre,  Henri D, exécuté qui “ attend son heure ». Chacun, quel que soit son rôle, victime au bourreau, coupable ou innocent, donne une certaine émotion au lecteur. Marie G. à la prison de la petite Roquette imagine ses dernières secondes de vie avant que la guillotine ne tranche sa tête. Lucie L. dans son appartement vide “attend avant que la foetus glisse hors d’elle ». Henri D. “exécuteur en chef des arrêts criminels » se projette dans sa mission matinale .
L’ouvrage commence à l’aube et s’achève à l’aube. Valentine Goby décrit les émotions de ces trois personnages aux profils opposés et pourtant que tout raproche.
Shérif Bérisha

La goutte s’écrase et… brûle le cerveau comme un acide

La goutte s’écrase et d’heure en heure transperce le crâne, brûle le cerveau comme un acide p. 41
C’est une image. En fait c’est la pensée. Marie G. dans sa cellule,  pense qu’elle va mourir, elle regrette, elle souffre. Elle ne vit pas directement le supplice de la goutte d’eau, mais sa situation lui semble similaire. « Cette gêne infime à chaque respiration trace une ligne rose claire dans son cou, le long de ses hanches, elle lui rappelle au fond de sa nuit la cellule de la Roquette« . En fait la problème c’est la répétition. C’est la répétition qui lui donne l’impression que son cerveau la brûle comme un acide.
Hayk Youssoufian

l’originalité d’un roman

 

« Qui touche à mon corps je le tue »,un roman écrit par Valentine Goby, un livre que j’ai beaucoup aimé lire.
Tout d’abord, un livre concernant l’avortement, mais surtout la condition féminine à l’époque des années 40, un sujet pour lequel je me sens concernée, en tant que femme. C’est un thème qui me fait réfléchir, et qui peut ouvrir des débats, j’ai beaucoup aimé que ce livre, nous en parle.
Ensuite, j’ai été surprise par l’originalité d’introduire trois histoires dans un seul livre, mais j’ai beaucoup apprécié cette idée, de faire un lien entre la femme qui a avorté, Lucie L., l’avorteuse, Marie G. et Henri D., l’exécuteur. Surtout dans un passage du livre, avec des enfants qui sortent de l’école : « Les enfants courent, en bas, dans la rue, ils sortent de l’école avec des bruits d’oiseaux, de billes sous les fenêtres de Lucie L. endormie. Ils traversent le sommeil, léger à cette heure, de Marie G. […]. Henri D. a laissé son journal sur la table du séjour, et regarde debout contre la vitre, les enfants s’éparpiller sur le trottoir. ».
J’ai aussi apprécié le fait que dans chacune de ces trois histoires, l’auteur nous introduisait dans le passé, surtout l’enfance, des personnages : « C’est une partie de cache-cache dans l’entrepôt déserté par le père en voyage, par le comptable et par les ouvriers […] ».
Enfin, ce qui m’a séduit c’était cette façon d’écrire, de formuler les mots, d’une façon qui nous permettait de ressentir le sentiment éprouvé par le personnage, notamment en faisant des phrases courtes ou en faisant des phrases seulement avec un verbe : « Lui seul. L’homme que j’attends existe, il le faut ou je meurs, […] Je veux jouir ensemble. Jouir. Jouir. Vivre. Aimer. A en pleurer. »

Léa Vandevoorde-Villeneuve