Psychose, un cauchemar réaliste ?

Aurore vous offre sa réflexion sur ce sujet : 

 

  • Un cauchemar est un rêve causant un sentiment d’horreur d’angoisse, d’anxiété  qui nous tourmente. Tout d’abord, de même que dans nos rêves, au cinéma nous ne pouvons que rester immobile, assis sur notre siège et assumer nos peurs jusqu’au bout . Ensuite le réalisateur recrée le même processus qui, dans notre sommeil, libère de notre cerveau nos fantasmes et angoisses. En effet, Hitchock s’inspire de nos songes pour sa mise en scène. C’est un médium de nos angoisses subconscientes : l’œuvre coïncide avec la projection mentale du public. Il garde contact avec la terreur qu’on a en soi , celle véhiculée par exemple durant notre enfance par les contes de fées. Pour cela, il utilise des thématiques qui parlent à notre inconscient : sexe, angoisse, mort.  Il nous oblige également à imaginer le pire en nous suggérant des images. Dans Psychose, ce sont les images qui créent le contenu, le meurtre de Marion en est la preuve : l’image d’un couteau s’abattant sur un corps sans jamais y pénétrer, implique dans notre esprit la déchirure de la chair, donc le sang. Il en est de même pour le meurtre du détective. On remarque d’ailleurs qu’il insiste tout particulièrement sur les faits les plus sanglants : la scène de la douche dure 43 minutes, l’information du meurtre aurait pu être donnée en beaucoup moins de temps, mais c’est ce qui la rend aussi terrifiante et horrible.
  • Dans le film, l’angoisse est principalement créée par la surprise. Elle repose sur la succession d’événements qui nous dépassent: le meurtre du personnage principal au milieu du film rompt la narration et détruit notre identification au personnage qui était rassurante. De plus, une tension est créée par un faux suspens, qui repose sur nos souhaits. Nous pensons avoir un temps d’avance sur les héros mais Hitchcock joue en fait au jeu du chat et de la souris et nous manipule jusqu’à la fin avec par exemple le Mac Guffin ( l’argent). Prenons par exemple la scène où la sœur de Marion se dirige vers la cave. Nous savons qu’elle se dirige vers la mère de Norman, meurtrière et alors, le réalisateur transfert la menace qui est sur l’écran au public qui voit tour à tour le danger et la prise de conscience du héros. Cela aboutit à notre propre prise de conscience, notre surprise, lorsque nous apercevons le cadavre puis Norman. Passant du doute ( suspens ) au trouble ( surprise ) nous sommes déstabilisés et effrayés. Notre esprit est aussi mis à l’épreuve par la musique , stridente qui met en place une atmosphère oppressante et insupportable que nous endurons durant plus de 2 heures. Enfin, le film ne finit pas mal, il ne finit pas. Il n’a pas de résolution logique ni rationnelle, ce qui installe une ambiance onirique et crée un véritable malaise. A la sortie du cinéma, le malaise continue de hanter l’esprit du public, comme l’on est hanté par les souvenirs d’un cauchemar au réveil.
  • Néanmoins, ce film Psychose est un miroir de la réalité. Premièrement, Hitchcock va à l’encontre du cliché du film d’horreur en bannissant les monstres, créatures ou les univers fantastiques et en les remplaçant par un cadre qui nous est plus familier plus banal : une Amérique ordinaire avec de modestes employés. Il fait alors rentrer l’étrange dans notre espace domestique. Il utilise et transforme par exemple un lieu de sécurité : la salle de bain, la douche, en un lieu de meurtre. La confusion entre le réel et l’imaginaire commence avec la mise en abyme du spectateur au cinéma lors du prologue. En effet la caméra survole la ville et choisit un immeuble (tout comme nous choisissons un cinéma ), elle s’en rapproche et centre sur une fenêtre avec des rideaux ( les portes de l’entrée du cinéma ). On quitte la lumière du jour pour entrer dans le noir de la chambre ( mise en abyme de la salle obscure du cinéma ). Hitchcock nous suggère qu’il nous fait passer en image. On entre alors dans le film, une fusion s’opère entre les personnages fictifs et nous, entre le monde fictif et le nôtre : le film peut alors débuter. Il démarre d’ailleurs avec une scène érotique ( Marion et Sam dans un môtel ) qui nous fait rentrer dans l’intimité des personnages et renforce notre lien d’empathie avec ces derniers.

 

  • Tout au long du film le spectateur va s’identifier à 4 personnages successivement : Marion , Norman , Arbogast et Lila (sœur de Marion ). Il va ainsi coïncider avec le point de vue subjectif de chacun d’entre-eux et partager ses peurs, ses crimes ou ses envies. Il ne regarde le film, il y prend part . Marion vit une situation insatisfaisante (elle veut un mariage avec son amant ), cette envie peut se traduire par notre propre et premier désir collectif : la recherche du bonheur. C’est ce qui va la conduire à voler l’argent et nous souhaitons donc qu’elle réussisse  lors de la poursuite avec le policier. Malheureusement son meurtre en milieu du film ,nous oblige à remettre en question notre identification à ce personnage et nous nous attachons à Norman.  Il est un héros touchant pour nous :  la découverte de sa chambre, restée intact depuis son enfance et celle de sa mère, est la représentation  même d’un fils introverti, trop aimant. En effet, l’un des désirs, la psychose de Norman est, d’une part,  de rester en enfance,  de lutter contre le temps , de surpasser la mort. C’est cette psychose qui nous pousse à prendre, à l’instant même où nous sommes dans le cinéma, l’écran pour la réalité.
  • De plus, la relation entre la mère de Norman et ce dernier, nous fait réfléchir à l’influence parentale. Qui sommes-nous ? Sommes-nous l’image de nos parents ? Hitchock nous propose alors la mise en abyme de notre difficulté à exister par nous-mêmes . C’est pourquoi, en s’identifiant à lui , nous ne voulons pas croire qu’il est méchant et nous trouvons un autre coupable au meurtre de Marion : sa mère. Lorsque Arbogast, détective privé, qui est la projection de notre forme d’esprit déductif, raisonneur, entre en scène, nous comptons sur lui pour démasquer la mère et découvrir la vérité. Mais par ses questions, il va déstabiliser Norman. Nous prenons alors le garçon pour une victime et souhaitons inconsciemment que le détective soit puni. Arbogast sera alors tué.
  •      Dans le film, aucun des personnages n’est réellement sympathique ni  mauvais, tout comme dans la réalité . Norman et Marion représentent la norme humaine, ils ont tous deux des désirs, des secrets dont ils se sentent coupables qui ne leur laissent d’autres choix que de punir l’objet du désir ( meurtre de sa mère ou de Marion par Norman ) ou de se punir ( don de soi à sa mère. On peut conclure qu’Hitchcock nous  propose à travers Psychose, à la fois un film qui relève du cauchemar  et une substitution de la réalité. On peut alors se demander si le fait que le film soit réaliste ne le rend pas encore plus cauchemardesque. Ce film est aujourd’hui toujours considéré comme un chef d’œuvre et un des meilleurs films du maître Alfred Hitchcock .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *