Et qu’en ont-ils pensé ?

Les premières E reviennent sur leur expérience du Prix Goncourt des Lycéens 

Par Jeanne Guillaume

C’est la rentrée ! J’apprends que ma classe est choisie pour participer au prix Goncourt des lycéens. Il me semble pour comprendre l’étendue de notre travail, qu’il convient dans un premier temps de présenter le prix Goncourt et  le prix Goncourt des lycéens.

Le prix Goncourt est un prix littéraire fondé en 1902, qui récompense chaque année un auteur parmi les romans publiés de l’année en cours. II a été créé par Edmond de Goncourt. Il s’agit du plus ancien prix littéraires français. C’est un prix très prestigieux.

Le prix Goncourt des lycéens a été créé en 1988. C’est un prix littéraire organisé par la FNAC et l’éducation nationale. Le jury est donc, quant à lui, constitué d’environ 2000 élèves. Ce n’est donc jamais le même jury d’une année sur l’autre. Nous sommes les futurs lecteurs de ces auteurs, notre avis est donc important.

Notre travail consiste à lire chacun au moins quatre romans, parmi les quatorze sélectionnés. Il s’agit de lire, résumer le livre, s’intéresser à l’auteur, à son style, à son thème…

Puis dans un deuxième temps de déterminer ensemble, celui qui fera l’unanimité, expliquer en quoi ce livre nous a plu, a retenu notre attention.

Je vais tenir ce journal en deux temps. Je vais d’abord y retracer mes lectures, livrer mes impressions, donner mon avis sur les romans.  Puis, une deuxième partie sera consacrée aux grands rendez-vous, et à l’enrichissement que ceux-ci m’ont apporté.

Mes lectures

Mi-septembre, je me lance dans ma première lecture : Soif, un roman étonnant écrit par la célèbre Amélie Nothomb. Ayant déjà résumé ce livre sur le support de la classroom, je vais tenter d’être concise. Amélie Nothomb ne manque pas d’imagination ! Elle se glisse dans la peau de Jésus Christ et nous livre ses pensées lors de sa condamnation et après sa résurrection. Elle nous présente un homme qui aime la vie, doté de sens exacerbés.

=> J’ai lu ce livre avec beaucoup de curiosité, et ce, en un week-end (14-15 septembre), le thème étant très déconcertant. Le point de vue d’Amélie Nothomb m’a beaucoup intéressé, j’ai découvert un Jésus plus épicurien que celui des Evangiles.

Nous somme fin septembre, je choisis de lire Les choses humaines de Karine Tuil. C’est une romancière discrète, juriste de formation. Elle s’est inspirée d’un fait réel, l’affaire d’une jeune étudiante victime d’un viol sur le campus de l’université de Stanford en 2015. Dans ce roman, elle nous emmène chez les Farel, une famille de pouvoir et médiatisée, où en apparence tout semble parfait. Mais un scandale éclate, le fils Alexandre est accusé de viol.

=> C’est peut-être, parce qu’il traite un sujet d’actualité dans lequel j’ai pu m’identifier, que ce roman m’a captivé.

Il traite en effet la problématique du féminisme dans notre société. Karine Tuil condamne le pouvoir que les hommes exercent sur les femmes dans certains milieux. Elle met aussi en lumière le pouvoir des médias : aujourd’hui les accusés sont d’abord jugés par le «tribunal médiatique» et les réseaux sociaux. J’ai été happée par la mécanique judiciaire que Karine Tuil met en place. Ce roman très contemporain qui parle de notre époque est donc mon «coup de cœur» pour le prix Goncourt.

Début octobre, je décide de lire Tous les hommes n’habitent le monde de la même façon de Jean Paul Dubois. Paul Hansen est en prison à Montréal. Il partage sa cellule avec Patick Hotton un vrai caïd. On comprend rapidement que Paul, le narrateur, a commis l’irréparable mais on ne connaît ni les raisons, ni les circonstances de cet acte.  Le lecteur cherche à comprendre pourquoi un homme qui dégage une certaine sagesse est arrivé là où il est : en prison. Tout le roman repose sur cette intrigue. Le récit est donc une succession de passage où le héros évoque sa vie en prison et se repasse le film de sa vie. Paul nous raconte d’une part les difficultés de l’enfermement, le froid, le bruit, les odeurs, la nourriture, les rats…Et d’autre part, il nous raconte sa vie d’avant. Le soir, pour s’apaiser, ceux qu’il aime lui «rendent visite» : son père un pasteur, sa femme Winona,une indienne, et son chien Jouk. Il se souvient combien il était heureux avec eux.

=> Malgré des passages que j’ai trouvés parfois denses dans la deuxième partie du roman, concernant le cadre canadien dans lequel Paul évolue, j’ai apprécié ce livre. A travers les yeux de Paul, j’ai pu découvrir le milieu carcéral. Les réflexions incongrues de Patrick, son compère, m’ont souvent fait sourire. J’ai pu découvrir l’histoire d’une belle personne loyale et bienveillante, qui, poussée à bout, commet l’impensable.

Comme Karine Tuil, Jean Paul Dubois nous pousse à nous interroger sur la complexité de la nature humaine.

Mi-octobre, beaucoup de travail scolaire, les interros tombent et les devoirs maisons s’enchaînent, je fais une pause dans mes lectures.

Les vacances de la Toussaint m’offrent du temps libre pour m’investir dans une nouvelle lecture. Me voilà invitée à partager le deuil d’Anne Pauly. A la lecture de la première page, je commence à regretter mon choix. J’espère que ce livre ne sera pas trop macabre…

Le père de la narratrice, qui est aussi l’auteure, vient de mourir. Anne Pauly nous emmène dans cette chambre d’hôpital où elle assiste à la crise cardiaque de son père. Jean-Pierre est veuf, c’est un homme malade unijambiste qui a priori n’ a pas très bonne réputation. Elle nous avoue que son père est un homme médiocre, violent qui a eu des soucis avec l’alcool. Puis, elle doit préparer l’inhumation avec son frère Jean-François. Son frère ressent une grande colère, il a peu d’estime pour cet homme. Quant à Anne, ses sentiments sont plus ambivalents. Au fond d’elle, elle est persuadée que son père n’est pas cet homme oisif, mais un être sensible et délicat. Malgré ses défauts, elle l’aime. Elle lui trouve des excuses, selon elle «les individus ne sont que le résultat d’une concrétion d’atavisme». Il m’ a semblé ici que l’auteure rendait hommage à Zola et à son principe d’hérédité. Anne Pauly, narratrice et auteure, sait combien elle ressemble à son père. Au cours du récit, elle retourne dans sa maison d’enfance trier les affaires. Elle s’attache aux objets. Dans cette description d’objets, elle revoit, revit  l’environnement dans lequel vivait son père. Mais en fait, dans ces objets elle cherche à saisir sa vraie personnalité. La lettre qu’elle reçoit d’une amie d’enfance de son père lui confirme ce qu’elle pensait. Enfin, elle découvre qu’il a été un jeune homme contemplatif. Elle le voit finalement comme une sorte de poète incompris, vulnérable, qui n’ a pas trouvé sa place dans la société, car issu d’un milieu modeste.

Finalement, ce récit de deuil est un livre émouvant, parfois drôle. Son père est un personnage loufoque, qu’elle admire pour son esprit original.

Pendant les vacances, je prépare également les commentaires sur le sujet de la scène de rencontre. A cette occasion, je constate que Marguerite Duras a obtenu le prix Goncourt pour L’Amant en 1984. L’Amant est une oeuvre complexe. Marguerite Duras ne recherche pas à reproduire la réalité. Ainsi les noms, les lieux sont accessoires. Son écriture est très particulière, inclassable. Dès sa sortie, L’Amant connaît un important succès, c’est un événement dans le milieu littéraire. Et avec le prix Goncourt, les ventes explosent.

Dans ce travail, je vois également qu’une autre œuvre conseillée par Mme Bailleul pour nos lectures, le roman La joueuse de Go de Shan Sa, a obtenu le prix Goncourt en 2001.-

Les grands rendez-vous

Le Grand Jour !

Le 08 octobre, nous partons pour Paris, à l’Auditorium du Campus de Jussieu, rencontrer les auteurs, 12 sont présents. Nous sommes 13 lycées à participer à cette rencontre. Dans une salle de conférence, nous exposons nos questions, que nous avons préalablement préparées en cours les semaines précédentes. Je suis impressionnée, puis ravie de rencontrer celui ou celle que j’ai lu depuis la rentrée. C’est un grand privilège !

J prends des notes concernant les différentes interventions. Je suis  particulièrement sensible à celle de Karine Tuil qui nous explique l’ossature de son roman. Elle n’avait pas, au départ, l’histoire complète en tête, le dénouement s’est construit au fur et à mesure de son écriture. Elle a beaucoup travaillé son sujet avant de se lancer dans l’écriture, à la manière des écrivains réalistes. Elle s’est immergée dans des procès d’assises, a interrogé des victimes et des avocats…

Mon entretien avec Karine Tuil :

J’ai la chance de pouvoir discuter avec Karine Tuil et à cette occasion de pouvoir dédicacer mon livre. Je lui fais part de mon trouble concernant mon ressenti par rapport aux personnages. Le procès se déroulant du point de vue d’Alexandre, j’ai eu de l’empathie pour ce personnage qui avait souvent la parole par rapport à Mila. Mila n’a pas les mots pour exprimer sa souffrance, alors qu’Alexandre sait convaincre. Karine Tuil m’explique que c’est une démarche volontaire de sa part, pour mesurer l’impact du déni sur la cour, mais qu’elle considère que la victime est bien Mila.

=> Pour Karine Tuil, «l’écrivain est celui qui observe la société, en révèle les conflits et les tabous, pointe du doigt ce qui dérange». En analysant les mœurs de notre société, elle nous aide à mieux la comprendre.

Cet entretien avec Karine Tuil est un bon moment, très enrichissant ! J’ai rencontré une personne accessible qui m’a fait part de son leitmotiv avec humilité.

 

Par Albane Lepesqueur