Exposition virtuelle des étudiants de DNMADE2

Le travail  des étudiants de 2ème année de DNMADE

EC – Culture des arts du design et des techniques – Outils d’expression et d’exploration créatives – Communication et médiation de projet – Démarche de recherche en lien avec la pratique de projet

 

La Chronophotographie

« De très courtes séquences, magnifiquement restaurées, de 1889 à 1904, qui mettent en scène un « homme plantant un épieu dans le sol », des « insectes vus de haut », une « raie attachée, mouvement des nageoires » ou encore une « danse du ventre d’un athlète américain »… Ce drôle d’inventaire à la Prévert et Perec est en fait un ensemble de prises de vues scientifiques destinées à étudier le mouvement. Etienne-Jules Marey, médecin et physiologiste, s’est emparé du cinéma balbutiant pour ses travaux sur ce qu’il appelait « la machine animale ». »

Anne Dessuant

« La dualité des images mareysiennes a de quoi troubler. En raison de leur beauté, de leur mystère, elles captivent aujourd’hui le grand public qui est en général totalement ignorant des problèmes posés par la physiologie du mouvement. En raison de leur signification, de leur raison d’être, elles passionnent les physiologistes et les biomécaniciens actuels. Marey jouait déjà sur cette ambiguïté à son époque : il cherchait à réaliser des images de plus en plus étonnantes afin de surprendre le monde scientifique et le public. Son programme n’était-il pas de « voir l’invisible » ? Cette course en avant vers le spectaculaire allait engendrer, un peu plus tard, l’industrie du septième art. »

Laurent Mannoni – La Cinémathèque française

Lien vers le cours Penser/classer selon Perec

Histoires de fantômes pour grandes personnes

Mise à plat

Entretien radiophonique provenant de l’émission « Pas la peine de crier » réalisation Anne-Laure Chanel, France Culture le 18 décembre 2012

L’exposition-montage « Histoires de Fantômes pour Grandes Personnes » qui eut lieu au Fresnoy du 5 octobre au 30 décembre sous la forme d’un vaste Atlas d’images et d’extraits de films projetés au sol par Georges Didi-Huberman et de photos d’Arno Gisinger. Elle reprend le système de l’atlas  Mnemosyne d’Aby Warburg, en proposant une histoire comparative de l’art basée uniquement sur l’image,  en les classant autour de grands thèmes. 

Voir l’article qui lui est dédié 

Qui est Bill (2) ?

BILL VIOLA – Article du réseau Canopé

INTRODUCTION

Synthèse multimédia rédigée par François Germa, avec la coordination de Christophe Jouxtel.
Ce sujet est inscrit au programme de l’enseignement des arts plastiques, option facultative toutes séries, en classe de terminale.

Le foisonnement des images vidéo de Bill Viola sur YouTube, Vimeo, Dailymotion ou sur d’autres sites plus spécialisés dans la ressource vidéographique artistique constitue pour l’élève un premier accès à l’œuvre de l’artiste, mais pour le professeur un premier défi pédagogique. En effet, la disponibilité de nombreux extraits de vidéos de Bill Viola ou d’images anonymes filmées dans ses expositions offre un panorama varié mais trompeur, que l’enseignant aura la charge de mettre en perspective et en problème. Trompeur parce que décontextualisé, ce panorama d’images conserve leur nature vidéographique mais les détache de leurs conditions de réception comme parties d’une installation, en ne rendant pas toujours aisément compte de leur dimension spatiale et sensible spécifique. C’est pourquoi la question de l’expérience du spectateur et de son rôle aura une place prépondérante dans nos commentaires.

La synthèse multimédia que nous proposons ici a donc comme double objectif d’opérer un choix thématisé et commenté pour aider les professeurs à accéder rapidement à ce qui peut leur être le plus utile pour commencer leur travail, et de problématiser cet accès à l’œuvre et la démarche de l’artiste, en lien avec quelques axes de travail majeurs.

Il s’agit d’un point d’entrée que chacun pourra ensuite dépasser par ses propres recherches.

Le travail de Bill Viola fournira aux professeurs des ancrages manifestes au programme de l’année de terminale, option facultative. Autour de la question de la présentation, il permettra d’approfondir la place de la vidéo et des technologies dans l’art contemporain et l’impact des innovations techniques sur la création plastique. Les ressources proposées ici introduiront également la façon dont Bill Viola inscrit sa recherche plastique et son propos très singulier dans des perspectives historiques ou spirituelles plus immémoriales, questionnant ainsi la relation entre tradition et expérimentation.

REPÈRES BIOGRAPHIQUES

Les éclairages d’ordre biographique qui suivent ne proposent que quelques repères souvent décrits par Bill Viola lui-même comme des jalons dans sa démarche et sa production artistiques.

Bill Viola est né en 1951 à New York.

Formation

Au College of Visual and Performing Arts de l’université de Syracuse dans l’État de New York :

  • il étudie la peinture et les arts graphiques mais prend ses distances vis-à-vis de l’enseignement très académique qui y est dispensé ;
  • à vingt ans, il intègre la section des studios expérimentaux, où il découvre des formes émergentes et expérimentales comme la vidéo et la musique électronique (il joue dans un groupe de rock et, plus tard, collaborera avec des musiciens sur des concerts de musique électronique ou des projets de paysage sonore). L’opportunité qui lui est donnée d’utiliser un tout nouvel équipement d’enregistrement vidéo, l’enregistreur portable Portapak de Sony, un ensemble caméra et magnétoscope à bande singulièrement léger et maniable pour l’époque, lui ouvre des possibilités nouvelles et orientera tout son travail et ses évolutions futures.

Premières bandes vidéo et installations

  • Tape 1 (1972)
  • Il Vapore (1975)
  • Four Songs (1976)
  • He Weeps for You (1976), installation présentée à la « Documenta 6 » de Kassel en 1977
  • The Reflecting Pool (1977-1979)

Ses premières expositions personnelles ont lieu à New York dès 1973.

De 1976 à 1981 : il est artiste résident au laboratoire de la chaîne de télévision new yorkaise WNET 13. Il collabore avec les principaux représentants de l’art vidéo à New York, comme Peter Campus et Nam June Paik dont il a auparavant été l’assistant, ou Frank Gillette, puis avec bien d’autres ensuite, en Italie.

1978 : début de la collaboration avec Kira Perov, photographe et vidéaste, son épouse depuis 1980, sa collaboratrice permanente et la directrice de son atelier.

Expériences

À six ans, il manque de se noyer dans un lac, où il joue avec son cousin. Lors d’un plongeon, oubliant de prendre sa respiration, il coule à pic. Il passe de longues secondes sous l’eau avant d’être repêché in extremis et vit une expérience physique et sensible très forte d’immersion, accompagnée selon ses propres termes d’une contemplation heureuse d’un monde subaquatique, dont la composante visuelle et esthétique influera fortement sur son œuvre à venir. Cet accident sera réinterprété plus tard par l’artiste comme une sorte de deuxième naissance, le lieu d’une prise de conscience intime des relations immémoriales entre disparition et mise au monde, baptême et révélation, et des traversées entre le monde terrestre et un « au-delà » à la fois accessible et inconnu. Ces notions fonderont sa vision du monde tout comme l’idée qu’il se fera de son rôle d’artiste : créer, pour le spectateur, des occasions d’un regard ralenti, intériorisé et spirituel sur la condition d’homme, dont il poursuit sans relâche le portrait.

La mort de sa mère, en 1991, qui précède de peu la naissance de son second fils, puis celle de son père en 1999 sont des expériences fortes et rapprochées qui trouvent un écho majeur dans sa production, dans laquelle il ne cesse de chercher des formes visuelles et esthétiques à la représentation de ces grandes interrogations que sont pour lui les passions et la souffrance mais aussi le passage et la transmission.

De nombreux séjours et voyages dans le monde entier nourrissent ses recherches sur toutes formes de spiritualités, à travers un questionnement sur le visible et l’invisible. Sa production artistique explore et met en forme quelques grandes interrogations, traditions ou idées religieuses dont il s’attache à pénétrer lui-même le plus possible les contextes physiques, sensibles et philosophiques. Il se rend dans le désert tunisien pour y filmer des mirages (Chott-El-Djerid), à Dharamsala en Inde où il rend visite au Dalaï Lama, dans les îles Fidji où il filme la cérémonie de marche sur le feu, au Japon où il séjourne pendant 18 mois pour des projets artistiques et étudier le bouddhisme zen, en Europe où il multiplie les échanges, collaborations artistiques et expositions, en Orient où il se passionne pour le soufisme…

Bill Viola évoque et commente souvent, dans ses interventions ou conférences, l’importance que revêt pour lui la rencontre des lieux, des personnes ou des œuvres de l’esprit. Quels que soient leur époque, leur ancrage géographique ou leur importance dans l’histoire des idées, elle provoque ou nourrit un nombre limité et repérable de questions ou d’affects qui hantent toujours sa vision : vie, mort, rêve, regard, temps, déserts, passions, acceptation, limites, douleur, conscience, identité…

Sur le plan technique, l’art de Bill Viola explore de nombreuses formes d’enregistrement et de transformation de l’image vidéographique puis numérique. L’artiste se saisit librement des nouvelles solutions technologiques pour rendre la présence visuelle et sonore de son travail plus efficace. Exhibant tout d’abord le dispositif pour lui-même (comme dans He Weeps for You ou Heaven and Earth, deux installations sollicitant le déplacement du corps et du regard du visiteur), Viola attribue à la technique une place d’autant plus discrète qu’elle est sophistiquée, toujours au profit d’une confrontation plus forte et plus personnelle du spectateur à ses images.

PROBLÉMATIQUES

Conditions de présentation et de réception du travail de Bill Viola

Les installations vidéo de Bill Viola supposent souvent des espaces de grandes dimensions (gazomètre géant d’Oberhausen dans la Ruhr, cathédrale Saint-Paul à Londres, Grand Palais à Paris) plongés dans l’obscurité, sans limites immédiatement perceptibles. L’obscurité requise par l’artiste n’est pas seulement le gage d’une bonne visibilité de l’image vidéo, elle apparaît comme la mise en condition spirituelle et psychique du spectateur. De toute évidence, Bill Viola veut l’obliger à quitter le monde « réel » et le plonger dans un lieu incertain, sombre et possiblement inquiétant ; un lieu où les repères classiques de temps et d’espace ont disparu. Et il se pourrait bien que le spectateur des œuvres de Bill Viola soit comme le plongeur de The Reflecting Pool (1977-79) : même s’il suspend un temps son saut, hésitant au seuil de l’œuvre, il doit lui aussi se jeter à l’eau. Contrairement à James Turrell, qui avait fait construire au Confort moderne de Poitiers en 1991 une vraie piscine (sas obligatoire pour accéder à la lumière), Bill Viola s’en tient au constat que l’expérience de l’œuvre nécessite de la part de son spectateur un engagement fort : « Mon travail c’est comme un plongeon dans l’eau ; pour voir l’œuvre, il faut se mouiller. » La métaphore aquatique n’est pas anodine, tant les situations qui mettent les personnages filmés par Viola aux prises avec l’eau sont nombreuses. On prêtera donc une attention redoublée au motif de l’immersion (Ascension, 2000), de l’aspersion (The Raft, 2004), du plongeon ou même de la noyade dont on sait qu’elle fut, pour l’artiste, une expérience fondatrice. Car il ne serait pas déplacé de voir dans ces expériences lustrales la voie possible, pour le spectateur, d’une véritable révélation.

Le spectateur, sa place, son rôle

On se gardera bien de ramener les différentes façons de rencontrer les œuvres de Bill Viola à un schéma unique et univoque. On pourrait même engager les élèves à les distinguer :

  • Certaines propositions relèvent de ce qu’on appelle, depuis le début des années 1970 et à la suite d’artistes comme Bruce Nauman ou Dan Graham, un « dispositif ». Pour le dire vite, le dispositif se distingue de l’œuvre au sens classique en ce qu’il suppose une organisation matérielle et une orchestration des mouvements du spectateur ; configuration scénarisée et ouverte à la fois, il ménage des espaces à investir (le spectateur est dedans, pas devant) et des opérations à effectuer (s’approcher, se faufiler, tourner autour…). Pour toutes ces raisons, He Weeps for You (1976), Passage (1987), Heaven and Earth (1992) sont des dispositifs.
  • Certaines installations vidéo se rapprochent davantage de ce que l’on appelle des « environnements », au sens où l’espace de l’œuvre et l’espace du spectateur se confondent, le premier englobant le second. Avec The Dreamers (2013), l’espace tout entier devient aquatique, le spectateur se situant entre les sept écrans plasma et les multiples sorties son. On ne voit pas d’eau dans l’espace d’exposition, mais on la « perçoit ». On regarde des rêveurs endormis, certes, mais le sentiment que ce sont les rêveurs qui nous rêvent finit par s’imposer. Leur existence flottante, entre-deux, contamine la nature même de notre présence et la façon dont on vit (et voit) l’espace.
  • De façon presque analogue à l’environnement créé par les écrans de The Dreamers, le cycle d’images numériques intitulé Going Forth by Day (2002) oblige le spectateur à rentrer dans la lumière des projections qui se déploient simultanément sur tous les murs. Cette incorporation du regardeur dans l’espace de l’image projetée pourrait être rapprochée d’autres propositions : les vidéos à écrans et films multiples de Doug Aitken ; Zidane, un portrait du XXIe siècle de Douglas Gordon et Philippe Parreno (2006) ; ou This Nameless Spectacle de Jesper Just (2011).
  • Un autre groupe d’œuvres s’impose, ce sont les vidéos que l’on pourrait qualifier de « spéculaires », celles qui élaborent une représentation (même symbolique) du spectateur en invitant ce dernier à faire retour sur son activité. Par exemple, c’est le cas de la série Reverse Television, Portraits of Viewers créée en 1983-1984. Le téléspectateur se voit voir, mais sans savoir au juste qui est cet homme ou cette femme, calé(é) dans son fauteuil, qui nous regarde sans un mot. Une projection ? Notre mauvaise conscience ? Notre allié en résistance ?
  • Avec Man Searching for Immortality/Woman Searching for Immortality (2013), Viola confronte les spectateurs à leur quête ultime. Un homme et une femme, nus et âgés, s’auscultent à l’aide d’une lampe torche. Difficile de ne pas voir là comme la métaphore exacte de ce que nous, spectateurs, nous attendons de la vidéo, dont la lampe torche pourrait être le symbole : une inspection minutieuse, consciencieuse et fatalement lente de nous-mêmes.

Éloge de la lenteur

La question du temps est au cœur de l’univers de Bill Viola, l’artiste assignant à la vidéo la tâche de « sculpter le temps ». Dans les premiers moments de sa recherche, Viola est encore marqué par l’enseignement de Nam June Paik dont il a été l’assistant, et dont il reprend le credo critique : « Il faut travailler contre la télévision. » Contre la télévision ne signifie pas contre l’appareil ou la technique, mais bien contre son utilisation médiatique, et notamment contre son rapport hystérique au temps. De ce point de vue, Reverse Television, déjà évoqué, apparaît comme l’une des rares tentatives de l’époque pour parasiter le système mainstream et rendre manifeste sa peur panique du vide. Ces portraits de téléspectateurs mutiques, parfaitement antispectaculaires dans leur « inaction », ont été diffusés à la télévision durant deux semaines, cinq fois par jour, pendant trente secondes chacun. Le tout sans qu’aucune annonce ne vienne les justifier (Fred Forest avait semblablement déchiré la « surface médiatique » quelques années plus tôt, dans une veine fluxus que n’aurait pas désavouée John Cage).

Une telle proposition a l’intérêt de miner du dedans le dispositif télévisuel et de glisser l’art là où il n’est pas, dans un format et sur une durée que l’institution artistique ne permet généralement pas. Doublement décalée donc ! On retiendra que l’étirement temporel et la perte des repères sont déjà au cœur du projet. À comparer avec Viewer, de Gary Hill (1996) pour voir ce qu’il en est de ce temps vidéographique très particulier où le personnage filmé, rompant le pacte fictionnel, regarde le spectateur dans les yeux. La question est : « Que se passe-t-il quand il ne se passe rien ? »

Si l’utilisation des caméras haute vitesse et l’effet magistral de ralenti qu’elles permettent sont devenus la signature de l’artiste, on pourra insister avec les élèves sur le fait que cette technique, récupérée aujourd’hui par l’industrie publicitaire, permettait initialement à Bill Viola de lutter contre l’accélération du commerce des images. Anne-Marie Duguet, à propos de Passage, écrivait en 1990 : « De ces durées étirées naissent d’étranges silences, de longs grondements assourdissants, ou des sortes de hurlements qui démentent les apparences. Le bonheur d’un anniversaire est contredit par un grincement d’enfer » (in Passages de l’image). Il faut dire que Passage n’avait pas été filmé en haute vitesse (la bande originale de 26 minutes avait été ralentie à 1/16’ de sa vitesse normale pour durer 6 heures 30) ; Viola malmenait à dessein la technique, pour obtenir une image-flux dont l’intensité émotionnelle était inversement proportionnelle à sa lisibilité. L’usage de la caméra haute vitesse (déjà utilisée par Yoko Ono dans Smile a permis ensuite à Viola d’obtenir des tableaux hypnotiques, tant par leur précision figurative que par l’ébranlement qu’ils font subir au système nerveux du spectateur : on ne sait pas ce qu’on voit quand on le voit, et l’identification des motifs et des situations se fait toujours avec retard. Dans Surrender (2001), l’image de l’homme et de la femme s’avère être un reflet ; dans Tristan’s Ascension (2005), l’élévation lente du corps, accompagné d’une cataracte d’eau, contredit toutes nos « incorporations » physiques, toutes nos certitudes visuelles.

Mirages et moirages

La lenteur, c’est aussi celle qui affecte un corps venant vers nous depuis l’horizon quand ce corps est filmé avec un objectif 800 mm (Chott-El-Djerid, A Portrait in Light and Heat, 1979 ; procédé repris dans Walking on the Edge, 2012). La focale écrase les plans et la profondeur, on ne sait pas si ce corps avance ou recule. Il semble faire du surplace. Le seul mouvement assuré est celui du paysage qui, sous l’effet de la réverbération, se tord et ondoie à l’écran (hommage discret à Magnet TV de N. J. Paik). À nous de comprendre que les voyages de l’image et dans l’image intéressent autant l’artiste que les déplacements dans l’espace…

Narration et théâtralité

Viola, c’est une évidence, ne raconte pas d’histoires et l’intérêt proprement narratif de ses vidéos est nul. Qu’est-ce que « raconte » The Reflecting Pool ? Un homme vient depuis la forêt, s’approche du bassin, s’y jette, en sort ; The Quintet of the Astonished ? Un groupe de cinq personnes cadrées de manière serrée est pris d’émotion(s) ; Three Women ? Une femme et deux jeunes filles traversent et retraversent un rideau liquide… Cette pauvreté, voulue, caractérise le projet vidéographique de Viola, à mi-chemin entre l’image fixe, le cinéma et le théâtre. Il s’agit toujours de cristalliser des affects flottants et d’engager pour le spectateur un rapport au monde augmenté. Mais Viola, metteur en scène, se garde bien d’élaborer une catharsis totale ; la tension, si elle s’apaise, ne doit pas disparaître dans la tête et dans le cœur de celui qui regarde. D’où le recours à l’hyperthéâtralité, qui séduit et repousse dans le même mouvement.

Peintures

On aura beau jeu de repérer La Visitation de Pontormo (1528) derrière The Greetings (1995) ; L’Annonciation de Dieric Bouts (1445) derrière Four Hands (2001) ou le Christ aux outrages (le Couronnement d’épines), 1490-1500, de Jérôme Bosch derrière The Quintet of the Astonished (2000). Les fresques de Giotto dans la Chapelle des Scrovegni à Padoue (1305) trouvent un écho dans l’iconographie et la scénographie de Going Forth by Day, jusqu’au terme même de « fresques de lumière » que Viola utilise dans sa documentation de travail pour cette installation.

Montrer comment Viola s’inspire librement de l’iconographie renaissante pour activer des problématiques spatiales, corporelles, gestuelles, sensibles et expressives avec les moyens de la vidéo, voilà l’enjeu véritable. Car l’artiste parvient à imposer une écriture propre au médium en questionnant, avec un lyrisme inégalé, le pictural autant que l’image cinéma ; et c’est à cette écriture qu’on essaiera de familiariser les élèves.

SITOGRAPHIE

  • Le site internet de Bill Viola
  • Le site Culture.fr propose des ressources vidéo autour de l’exposition de Bill Viola au Grand Palais en 2014.
  • Des ressources photographiques sont disponibles sur le site de la Réunion des musées nationaux.
  • Jean-Paul Fargier a réalisé un film de 55 minutes sur Bill Viola intitulé Bill Viola, expérience de l’infini, en lien avec la rétrospective du X au X au Grand Palais.
    Le visionnage de ce film est très certainement un repère important pour la culture artistique des élèves et sur des notions qui s’y appréhendent : le son, la temporalité, l’émotion, le cheminement particulier de l’artiste dans son portrait de la condition humaine.
    Ce film, disponible en DVD, est également accessible en VOD ou téléchargement sur le site d’ARTE boutique. Vous trouverez par ailleurs un extrait de celui-ci sur Dailymotion.
    Le  site « À Louvre ouvert », recueil en ligne des ateliers d’écriture de professeurs de l’académie de Versailles en immersion au Musée du Louvre, dans le cadre de la rétrospective Bill Viola du Grand Palais de 2014.

ACTUALITÉ ARTISTIQUE

Bill Viola représente les États-Unis à la Biennale de Venise en 1995. Une première rétrospective de son œuvre est organisée aux États-Unis en 1982 par le Whitney Museum à New York, puis en Europe en 1983 par le musée d’Art moderne de la ville de Paris et plus récemment par le Grand Palais à Paris (2014).

Ses travaux figurent dans les collections des plus grandes institutions (le Museum of Modern Art et le Guggenheim Museum à New York, le Centre Georges-Pompidou à Paris, la Tate Gallery à Londres, etc.).

Une vidéo de quatre heures (créée en 2004) pour le Tristan und Isolde de Richard Wagner mis en scène par son ami Peter Sellars a fait l’objet de nombreuses représentations.

Ses œuvres ont valu à Bill Viola un grand nombre de récompenses internationales. Il est dans le domaine de l’art vidéo un des artistes les plus exposés dans le monde.

Des informations à jour sur les expositions et événements en cours ou à venir, dans le monde et en Europe, sont disponibles sur le site de Bill Viola.
À retenir parmi les expositions actuellement en cours jusqu’à la fin 2015 ou le début 2016 :

  • Au Royaume-Uni : exposition « Bill Viola » à Auckland Castle, Angleterre, jusqu’en octobre 2015.
  • À Londres sont également visibles les deux pièces suivantes : Martyrs (2014) à la cathédrale Saint-Paul et à la Tate ModernTiny Deaths (1993).
  • En Italie, au Palazzo Fortuny à Venise, présentation de Man with His Soul (2013) dans le cadre de l’exposition « PROPORTIO », jusqu’en novembre 2015. À Florence, à la Galerie des Offices, est également exposé à titre permanent un Self-PortraitSubmerged (2013), où Bill Viola s’implique dans le même dispositif que ses sept « Dreamers » (2013) présentés au Grand Palais en 2014.
  • En France, retenons la présentation de Fire Woman (2005), Tristan’s Ascension (2005), Three Women (2008), à la 7e Biennale internationale d’art contemporain de Melle, église Saint-Pierre de Melle (Deux-Sèvres) jusqu’au 27 septembre 2015.

Bill Viola est représenté par les galeries :

Enfin, Réseau Canopé a mis en ligne un dossier sur Reflecting Pool dans sa collection « Mag film »

PROPOS DE L’ARTISTE

Les propos de l’artiste sur son travail ont fait l’objet d’enregistrements assez nombreux : conférences à l’occasion d’événements, d’expositions ou sur invitation d’universités américaines comme Berkeley (voir cette intervention).

Nous recommandons tout particulièrement deux vidéos accessibles en excellente qualité sur le site danois Lousiana Channel, l’une où l’artiste témoigne de ce qui nourrit ou traverse sa démarche : « Cameras are Souls Keepers » (« Les caméras sont des gardiens de l’âme ») ; et l’autre où il décrit l’importance de la nature sonore de son travail : « Bill Viola, The Tone of Being ».

 

 

Jan van Toorn – Je ne cherche pas, je trouve *

Disparition de Jan Van Toorn, figure majeure du graphisme néerlandais

Rappel

Un article de Max Bruinsma 

Une de mes images préférées dans l’œuvre de Jan van Toorn est une double page de son ouvrage de 1999 ‘Il faut cultiver notre jardin‘. Sur la page de gauche, une photo de deux hommes, visiblement d’origine moyen-orientale, se tenant les bras et souriant chaleureusement. Le plus grand et plus jeune des deux, penche sa tête vers l’autre comme pour lui chuchoter quelque chose à l’oreille, voire même l’embrasser sur la joue. La page de gauche présente une capture d’écran venant d’une page web en arabe, avec la photo de trois femmes visiblement agitées. Elles pleurent, se lamentent comme si elles assistaient à des funérailles. Une partie de cette page est cachée par un encart en papier opaque, sur lequel un texte demande si l’espace de la réalisation de soi est vraiment un espace privé. Les caractères sont bleus, et au dos, des caractères rouges avec la traduction néerlandaise brillent en transparence.

Quand on déplie l’encart, apparaît un fragment de photo d’un homme à l’air renfrogné tenant un fusil automatique. Son regard est dirigé vers nous, mais ce n’est pas nous, ou l’objectif, qu’il regarde. Ses yeux regardent derrière nous, et ce qu’ils voient n’est visiblement pas très réjouissant. Ce n’est qu’après avoir plié et déplié l’encart plusieurs fois qu’on réalise que l’homme au fusil à l’air renfrogné est sur la même photo que les deux hommes qui sourient. Tous les trois sont dans la même pièce – mais on dirait qu’ils sont sur deux planètes différentes…

Le montage de cette double page est exemplaire : la photo des trois hommes qui semblent célébrer la victoire (les deux hommes souriant en s’embrassant) et se souvenir des sacrifices que cela a demandé, ou anticiper ceux à venir (l’homme au fusil), contraste parfaitement avec celle des trois femmes pleurant leurs fils, mari, ou frère morts. Ce contraste est encore accru par l’encart, qui accentue les différences frappantes entre les hommes. Mais regardez les mains : celle de gauche attrape le bras de son ami, celle de droite tient son fusil comme elle tiendrait un bébé. Le texte sur l’encart, une citation du philosophe argentin Ernesto Laclau, affirme qu’il n’existe pas de moyen d’expression ‘neutre’ dans lequel ou par lequel les individus peuvent se réaliser. Tout est médiatisé, semble-t-il dire, même nos pensées les plus intimes. Et qu’y a-t-il de plus intime que l’amitié, que de tuer ou de perdre un proche ? Les photos symbolisent cette intimité, et soulignent l’idée représentée par la citation : que l’intime est politique et donc public. En y réfléchissant, cela est valable dans l’autre sens aussi, évidemment : le public est politique, et donc intime. Nous avons tendance à l’oublier.

Je décris cette double page en détail, parce qu’elle représente pour moi le summum de ce qu’un graphiste peut faire quand il agit en rédacteur. La photo de gauche (par le photographe palestinien Ahmad Abdul Rachman) est un chef-d’oeuvre d’observation, mais il acquiert encore plus d’épaisseur si on l’associe à la page web à gauche. Sa mise en page suggère qu’il s’agit d’une page d’actualités, et bien que la photo ne soit pas esthétiquement remarquable, elle est saisissante. C’est le décor qui la rend efficace à côté de la photo des hommes : ils mènent des guerres, font les gros titres et les veuves. Mais l’intervention la plus importante du graphiste, ici, est l’utilisation de l’encart. La petite feuille opaque rend la grande photo interactive : le lecteur doit agir de manière délibérée pour découvrir à la fois l’unité et le contraste que représente cette image. Tout dans cette double page, jusqu’à la légende écrite à la main, à gauche, est organisé soigneusement pour prouver au spectateur/lecteur que ce qu’ils voient/lisent est manipulé, assemblé par quelqu’un – le graphiste – pour leur faire prendre conscience de ce que le graphiste veut qu’ils voient. Déplier l’encart vous le fait réaliser physiquement.

Tout ceci est signé Jan van Toorn. La double page décrite ci-dessus est un exemple comme un autre de sa vision concise de ce que doit être la mission du graphiste, comme il l’a expliqué dans les années 1970 : « La provenance et le caractère manipulateur d’un message doivent se voir dans sa forme. » Prenons l’art, par exemple. Évidemment, on se dit communément que l’art est une haute expression culturelle, et qu’il est d’une valeur sociale inestimable. Mais il n’est bien entendu pas dénué d’intérêts économiques, et les discussions politiques autour de l’art tournent plus autour d’argent que de valeur. Je connais peu de dessins résumant ce débat avec autant d’habileté, voire même d’humour, que l’affiche de Van Toorn pour le musée Van Abbe à Eindhoven en 1971. Les acquisitions du musée l’année précédente sont écrites sur une liste de courses, avec le total de la dépense sous le trait rouge. L’affiche précise efficacement : « nous avons dépensé 273 969 florins de vos impôts pour ces oeuvres. Venez voir si nous avons bien fait. » Vus les noms et le montant, on peut considérer 36 ans plus tard qu’il s’agissait d’un bon investissement, mais à l’époque, il était impossible de ne pas comprendre qu’il s’agissait d’une annonce autant politique que culturelle.

* Pablo Picasso, cité dans l’affiche de 1984 de Van Toorn pour l’exposition « l’Homme et l’Environnement » au Beyerd Museum de Breda.

PDF : Jan van Toorn – article de Max Bruisma

Réhabiliter – Ressources – 5

Survivance et devenir

« Réhabiliter » – La question de l’impermanence – Ressources 3

Peindre l’impermanence

Dans la peinture de Monet le passage du temps, l’impermanence est visible, là où la persistance rétinienne joue avec l’usure de la réalité, jusqu’à l’abstraction.

User jusqu’à la trame

Dans ce sens, les peintre Expressionniste abstrait américain du mouvement colorfield se reconnaissent dans le travail de Monet.

Jackson Pollock, Mark Rothko, Barnett Newman, Clyfford Still, Helen Frankenthaler, Morris Louis, Philip Guston, Joan Mitchell, Mark Tobey, Sam Francis, Jean-Paul Riopelle et Ellsworth Kelly.

Joan-Mitchell-Chicago-1957

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