Sur quelles critères s’appuyer pour analyser un objet ?
Ce que nous apprend la sémantique : la trichonomie des objets
Daniele Quarante dans « Eléments de design industriel » cite CS Pierce, logicien américain dont la théorie des signes, transposé à l’analyse d’un objet ou d’un produit considéré comme porteur de signes, détermine un schéma trichotomique des signes, dans les dimensions syntactique, pragmatique et sémantique de l’objet.
La dimension syntactique
« …La syntaxe est l’ensemble des relations qui existent entre les unités (mots, signes, symboles) formant le vocabulaire.
C’est l’objet tel qu’il se présente, tel qu’il peut-être décrit par l’ordonnancement des ses éléments constitutifs. c’est la structure du produit…. »
La dimension pragmatique
« … Ce sont les lois fonctionnelles d’utilité et de performance du produit…. »
En arts appliqués, il est courant de parler de Forme/ fonction/ fiction (FFF) lorsqu’on analyse un objet. La forme correspondant à l’a dimension syntatique, la fonction à sa dimension pragmatique, la fixction à sa dimension sémantique.
La dimension sémantique
« …La dimension sémantique est la dimension de l’objet lui-même et de la chose signifiée. C’est la signification de l’objet. …
La dimension sémantique des produit nous donne le sens des objets. On rentre par cette description dans le domaine de la charge symbolique, du rang, de la valeur sociale de l’image et du champ infini des connotations…. »
Ce que nous apprend l’éthnologie
Notre travail d’inventaire se rapproche de celui de l’éthnologue.
Mais quel est le travail d’un éthnologue selon Claude Levi Strauss : c’est pour lui élargir la connaissance de l’homme en l’étendant aux sociétés les plus lointaines. Il s’agit de comprendre l’homme par la totalité de ses expériences et de ses réalisations.
MASSUE TLINGIT – ALASKA
Dans « La Pensée sauvage », Claude Levi-Strauss analyse une massue Tlingit qui sert à assommer le poisson. Pour lui, elle réunit toutes les dimensions d’un objet parfaitement conçu, qui reprend la trichotomie des objets selon Daniele Quarante. Elle est à la fois une oeuvre savante (une attention à la forme – dimension syntactique), un objet utilitaire (bien équilibré pour assommer le poisson – dimension pragmatique) et une oeuvre chargée de sens (un bricolage né de la forme du morceau de bois – dimension sémantique).
Clause Levi Strauss écrit à propos de la « (…) massue tlingit, en bois de cèdre, servant à assommer le poisson, que je regarde, posée sur un rayon de ma bibliothèque, (…)
L’artiste, qui l’a sculptée en forme de monstre marin, a souhaité que le corps de l’ustensile se confonde avec le corps de l’animal, le manche avec la queue, et que les proportions anatomiques, prêtées à une créature fabuleuse, soient telles que l’objet puisse être l’animal cruel, tuant d’impuissantes victimes, en même temps qu’une arme de pêche bien équilibrée qu’un homme manie avec aisance, et dont il obtient des résultats efficaces. Tout paraît donc structural dans cet ustensile, qui est aussi une merveilleuse œuvre d’art : aussi bien son symbolisme mythique que sa fonction pratique. Plus exactement, l’objet, sa fonction, et son symbole, semblent repliés l’un sur l’autre et former un système clos (…).»
LEVI-STRAUSS, La pensée sauvage (Ed. Plon, p 38)