Deux cents lycéens ornais étaient réunis lundi 6 octobre au lycée Marguerite de Navarre à Alençon dans le cadre du prix Bayeux. L’occasion de discuter avec Edith Bouvier, journaliste reporter de guerre, de retour de Syrie. Rencontre.
Une histoire touchante.
Les premières questions résonnent dans l’auditorium. L’attaque d’Homs, son ressenti, ou son métier, les élèves s’interrogent. Les souvenirs remontent à la surface pour Edith Bouvier. « Ça a été l’horreur pour sortir de Syrie » raconte-t-elle. Victime d’un bombardement en février 2012, Edith avait été grièvement blessée, emportant avec elle une cicatrice sur sa jambe droite : « Cette cicatrice me permet de revenir à la réalité, elle me rappelle tous ces Syriens, mes confrères ». Une cicatrice en hommage à ses « copains » décédés sur place, Rémi Ochlik, photographe et Marie Colvin, journaliste. Mais aussi ceux dont elle était jalouse comme Camille Lepage, qu’elle regrette que les élèves n’aient pas connue. Elle évoque également l’écriture de son « bouquin » pour raconter tous ces événements qui sont désormais ancrés dans sa mémoire. « J’avais besoin de raconter mon histoire. […] Je ne croyais même pas ce que j’écrivais » dit-elle.
Son métier.
« La dernière fois, [sa dernière rencontre avec des lycéens], je répondais à des questions du genre : comment vous faites-pour vous laver ? Qu’est ce que vous mangez ? Aujourd’hui, c’était plus sur la Syrie, mon vécu, ma vie » annonce-t-elle à la fin de la rencontre. Edith se décrit comme une journaliste attendant « la brèche » pour retourner couvrir les conflits. C’est toujours munie de ses « gris-gris » – une simple toupie, un « truc » à bulle et quelques dès – qu’elle affronte le terrain. Elle avoue que ces derniers lui permettent de parler avec les enfants, les habitants. Puis elle détaille la composition de sa valise : des voiles, des baskets pourries, son ordinateur ou encore son gilet pare-balles qu’elle avoue ne porter que très rarement. « Il est accroché dans mon salon, des fois je le met, ça nous fait rire » plaisante-t-elle à ce sujet. Se décrivant comme assez mate, la reporter de guerre annonce pouvoir se fondre dans la population. La jeune Edith décrit également la peur du front, une peur omniprésente, mais qu’elle est obligée de gérer, pour rester professionnelle et une vie de famille compliquée à tenir : « mon copain devient un spécialiste des terrains où je ne dois pas aller » sourit-elle.
Des réponses remplies d’humour.
« J’aime bien les terrains de conflits, y a personne dans les hôtels » plaisante-t-elle suite à la question d’un élève. Les élèves sont souriants face à cette journaliste racontant son métier différemment. Elle aborde des sujets sensibles, comme la mort, avec beaucoup de légèreté : « j’espère que vous ne verrez jamais mon nom sur les stèles de Bayeux ». Depuis son retour de Syrie, elle reste informée de la situation sur place avec ses contacts. Elle dialogue toujours avec son médecin syrien l’ayant aidé en 2012 et avec les rebelles, qui l’ont aidée à sortir d’Homs. « Je leur ait dit qu’il ne prendront pas Damas, tant que je serais pas revenue » rigole-t-elle. La jeune journaliste free-lance annonce travailler avec les même personnes depuis le début de sa carrière : « c’est la famille que je me suis construite. J’aime raconter leur histoire. ».
L’entretien en tête à tête (ou presque…) avec la journaliste se termine sur des applaudissements fournis. Une manière de manifester la satisfaction des lycéens. Pour son futur professionnel, Edith Bouvier assure retourner dans les pays en guerre pour vivre sa passion, « raconter des horreurs ».
Léo PRUNIER, 1ESA