browser icon
You are using an insecure version of your web browser. Please update your browser!
Using an outdated browser makes your computer unsafe. For a safer, faster, more enjoyable user experience, please update your browser today or try a newer browser.

TO THIS DAY

Posted by on 2013/04/12

Un slam de Shane Coyczan.

Le poète y raconte comment il a souffert de harcèlement scolaire.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=ltun92DfnPY[/youtube]

Traduction :

Quand j’étais petit, je croyais que les côtes de porc et les coups de karaté étaient la même chose. Je pensais que les deux voulaient dire « côtes de porc ». Et comme ma grand-mère trouvait ça mignon, et parce que j’adorais ça, elle me laissait continuer à dire ça. Pas de quoi en faire tout un fromage.

Un jour, avant que je ne réalise que les enfants gros ne sont pas faits pour grimper aux arbres, je suis tombé d’un arbre et j’ai récolté des bleus sur le côté droit de mon corps. Je ne voulais pas le dire à ma grand-mère parce que j’avais peur d’avoir des ennuis pour avoir joué à un endroit interdit. Quelques jours plus tard, le prof de sport a remarqué les bleus et m’a envoyé chez le principal. De là, j’ai été mis dans une autre petite pièce avec une dame très gentille qui m’a posé toutes sortes de questions sur ma vie à la maison. Je ne voyais pas pourquoi je mentirais. À mon niveau, ma vie était plutôt bonne. Je lui ai dit « Quand je suis triste, ma grand-mère me donne des coups de karaté ». Ça a donné lieu à une enquête à grande échelle, et j’ai été retiré de chez moi pour trois jours jusqu’à ce qu’ils se décident enfin à me demander d’où venaient mes bleus. Cette stupide petite histoire s’est rapidement répandue à travers l’école et j’ai gagné mon premier surnom : « Côte de porc ».

Aujourd’hui encore, j’ai les côtes de porc en horreur.

Je ne suis pas le seul gamin à avoir grandi de cette façon. Entouré de gens qui répétaient cette comptine à propos des bâtons et des pierres. Comme si les fractures étaient plus douloureuses que ces surnoms qu’on nous donnait – et on nous les a tous donnés. Alors nous avons grandi en pensant que personne ne tomberait jamais amoureux de nous. Que nous serions solitaires pour toujours. Que nous ne rencontrions jamais quelqu’un qui nous donnerait l’impression que le soleil est quelque chose qu’il a construit pour nous dans sa cabane à outils. Alors nos cœurs brisés nous donnaient le blues et nous essayions de nous vider pour ne plus rien sentir. Ne me dites pas que c’est moins douloureux qu’une fracture. Qu’une vie introvertie est quelque chose que les chirurgiens peuvent retirer. Que ça ne peut pas empirer – ça peut.

Elle avait huit ans… notre premier jour de CE2. Quand on l’a traitée de « moche ». Nous avons tous les deux été placés au fond de la classe pour ne plus être bombardés de boulettes de papier. Mais les couloirs de l’école étaient un champ de bataille et nous étions en sous-nombre, un jour misérable après l’autre. Nous restions à l’intérieur pendant la récré parce que dehors, c’était pire. Dehors, nous avions à courir, ou apprendre à rester immobiles comme des statues, ne donnant aucun signe de notre présence. En CM2, ils ont scotché un mot sur son bureau qui disait « Attention au chien ».

Aujourd’hui encore, malgré un mari aimant, elle ne se trouve pas belle à cause d’une tache de naissance qui couvre un peu moins de la moitié de son visage. Les gosses disaient qu’elle ressemblait à une réponse fausse que quelqu’un aurait essayé d’effacer sans y arriver totalement. Et ils ne comprendront jamais qu’elle élève deux enfants pour qui la définition de la beauté commence avec le mot « Maman ». Parce qu’ils voient son cœur avant de voir sa peau. Ils voient qu’elle a toujours été formidable.

Il était une branche brisée greffée sur un arbre généalogique différent. Adopté. Mais pas parce que ses parents avaient choisi un autre destin. Il avait trois ans quand il est devenu un cocktail : un tiers d’abandon, deux tiers de tragédie. Il a commencé une thérapie en quatrième. Il avait une personnalité faite de tests et de pilules, vivait les ascensions comme des montagnes, et les descentes comme des falaises. Quatre ou cinq tentatives de suicide, un tsunami d’antidépresseurs, et une adolescence à se faire surnommer « Popper ». 1% à cause des pilules, 99% à cause de la cruauté. Il a tenté de se suicider en seconde quand un gosse qui pouvait encore rentrer chez papa-maman a eu l’audace de lui dire « Passe à autre chose ». Comme si la dépression était quelque chose qu’on peut soigner avec un kit de premiers secours.

Aujourd’hui encore, il est une pile de TNT allumée aux deux extrémités, et pourrait vous décrire en détail la façon dont le ciel se courbe juste avant sa chute, et en dépit d’une armée d’amis qui le considèrent comme une inspiration, il reste un sujet de conversation entre des gens qui ne peuvent pas comprendre que parfois, se passer de drogues a moins à voir avec l’addiction qu’avec la santé mentale.

Nous ne sommes pas les seuls à avoir grandi de cette façon. Aujourd’hui encore, les gamins ont des surnoms. Les grands classiques étaient « Hey, débile ». « Hey, taré ». On dirait que chaque école a un arsenal de surnoms mis à jour chaque année, et si un gosse lâche prise à l’école, et que personne ne veut l’entendre, est-ce qu’il émet le moindre bruit ? Est-il simplement le bruit de fond d’une chanson passée en boucle, quand les gens disent des trucs comme « Les enfants peuvent être cruels » ? Chaque école était un cirque sous chapiteau, et les rois de la jungle étaient les acrobates, les dresseurs de lions, les clowns, les forains. Tout ça, c’était à des années-lumières de nous. Nous étions les freaks. Les gamins à pinces de homard et les femmes à barbes. Des bizarreries jonglant avec la dépression et la solitude, jouant au solitaire, au jeu de la bouteille, essayant d’embrasser les parties blessées de nos êtres et de guérir. Mais la nuit, pendant que les autres dormaient, nous marchions encore sur la corde raide. C’était un entraînement, et oui, certains sont tombés.

Mais je veux leur dire que tout ça, ce ne sont que des débris, des restes de la fois où nous avons finalement décidé de détruire tout ce que nous croyions être. Et si vous ne pouvez rien voir de beau en vous, trouvez un meilleur miroir. Regardez d’un peu plus près. Un peu plus longtemps. Parce qu’il y a quelque chose en vous qui vous a poussé à continuer malgré tous ces gens qui vous disaient d’abandonner. Vous avez mis un plâtre autour de votre coeur brisé et l’avez signé vous-même ; vous avez signé « Ils avaient tort ». Parce que vous n’apparteniez peut-être pas à un groupe ou une bande. Peut-être qu’ils décidaient de vous choisir en dernier pour le basket ou autre. Peut-être que vous veniez en exposé avec des bleus et des dents cassés, mais sans jamais les exposer, car comment garder les pieds sur terre quand tous ceux qui vous entourent veulent vous y enterrer ? Vous devez CROIRE qu’ils avaient tort.

Ils ont forcément tort. Pourquoi serions-nous encore là, sinon ? Nous avons grandi en apprenant à soutenir les autres, car nous nous reconnaissions à travers eux. Nous avons poussé à partir d’une racine : la certitude que nous n’étions pas ce qu’ils disaient. Nous ne sommes pas des voitures abandonnées, empilées, vides, sur une autoroute. Et si nous le sommes, d’une certaine façon, ne vous inquiétez pas. Il nous suffit de marcher pour trouver de l’essence. Nous sommes les membres honoraires de la classe « On l’a fait ». Pas les échos estompés de voix criant « les surnoms ne me blesseront jamais ». Bien sûr qu’ils nous blessaient. Mais nos vies continueront à être un spectacle d’équilibriste, qui a moins de liens avec la souffrance, et plus avec la beauté.

Laisser un commentaire