De Fourier à Marijon

De Fourier à Marijon,
la transmission des idées

Les auteurs de manuels connaissent les éditions en usage dans leur domaine ; ils peuvent les suivre ou les renier ; les éditeurs incitent leurs auteurs à regarder les manuels en vogue et à s’en inspirer pour obtenir le succès commercial qu’ils escomptent. Il est donc tentant, par delà les changements de programmes, de rechercher des filiations entre les divers auteurs et de rechercher ce que l’un emprunte à l’autre pour le plus grand profit des élèves.

La cote XIX des écrits de Fourier mis en ligne sur le site Gallica, propose 104 vues de manuscrits de Fourier. Parmi ces vues, on trouve plusieurs états de ce qui semble être le début d’un traité de géométrie ; sans que l’on sache ni l’origine, ni la destination de ces écrits, on constate que Fourier est revenu dessus à plusieurs reprises avec pour chaque reprise des ratures, signe manifeste d’intérêt. Voici ainsi transcrit un extrait de l’un des états les plus abouti (vues 27 à 30), les autres états présentant sous une écritures plus rapides de nombreuses corrections ou ratures :
La géométrie considère les propriétés des figures tracées dans l’espace.
Le volume est une partie de l’espace. Lorsqu’un volume est divisé en deux parties, ce qui est commun à ces deux parties est une surface ; les surfaces terminent les volumes.
Si une surface est divisée en deux parties, ce qui est commun à ces deux parties est une ligne ; les lignes terminent les surfaces.
Lorsque qu’une ligne est divisée en deux parties, ce qui est commun aux deux parties est un point.
Lorsque les deux extrémités d’une ligne a b peuvent coïncider par superposition avec les deux extrémités a’ et b’ d’une autre ligne ; a sur a’, b sur b’ on exprime cette relation en disant que la distance ab des points a et b est égale à la distance a’b’ des points a’ et b’ (cette notion de l’équidistance ne dépend aucunement de la nature des lignes qui joignent l’une les points a et b, l’autre les points a’ et b’, elle exprime uniquement la possibilité de superposer en même temps les deux points a et a’ et les deux points b et b’.
Si l’on marque dans l’espace un point fixe A et si l’on considère tous les points m m’ m’’ etc tels que les distances Am, Am’, Am’’, Am’’’ sont égales entre elles la suite de tous ces points m m’ m’’ m’’’ etc forme la surface sphérique. Cette surface termine la sphère. Le point fixe A est le centre de la sphère.
Si l’on marque dans l’espace deux points A et B et si l’on considère tous les points m m’ m’’ m’’’ etc tels que la distance Am est égale à la distance Bm, la distance Am’ est la même que la distance Bm’, la distance Am’’ la même que la distance Bm’’, ainsi de suite pour tous les autres points m m’ m’’ m’’’ etc la sutie de tous ces points dont chacun est aussi éloigné de A que de B forme la surface plane ou le plan.
Si ayant marqué sur un plan deux points A et B, on considère tous les points m m’ m’’ m’’’ etc dont chacun est aussi éloigné de A que de B, la suite m m’ m’’ m’’’ etc forme une ligne droite.
Si ayant marqué sur un plan, un point A, on considère tous les points m m’ m’’ m’’’ etc tels que toutes les distances Am, Am’, Am’’, Am’’’ etc soient égales entre elles, la suite de tous ces points m m’ m’’ m’’’ etc est la circonférence du cercle. Elle termine le cercle dont A est le centre. La distance commune Am est le rayon.

Fourier est décédé en 1830, son introduction à la géométrie (où une autre similaire de lui-même ou d’un autre auteur) a sans doute été diffusée, puisqu’on trouve dans un manuel d’enseignement du début du XXe siècle destiné aux élèves préparant le brevet élémentaire (A. Marijon, Géométrie du brevet élémentaire, ouvrage conforme aux programmes de 1920, Hatier, 1923) une présentation qui s’en inspire manifestement, même si Marijon, qui s’adresse à de jeunes élèves est contraint de revenir à des considérations moins théoriques que celles qui animent Fourier dès qu’il lui faut définir la ligne droite.

A. Marijon, Géométrie du brevet élémentaire, Hatier, 1923, p.9 à 12

La filiation entre J. Fourier et A. Marijon étant constatée, reste à établir comment les idées du géomètre, théoricien de la chaleur, ont été transmises, un siècle plus tard, à l’auteur de manuels scolaires.

About cm1

R. Timon, né en 1944 a été instituteur, maître formateur, auteur de manuels pédagogiques avant d’écrire pour le Webpédagogique des articles traitant de mathématiques et destinés aux élèves de CM1, CM2 et sixième.

Category(s): analyse, généralités

2 Responses in other blogs/articles

  1. […] ici. Il n’est d’ailleurs pas impossible que Fourier se soit intéressé à la transmission de son savoir auprès de jeunes élèves (même si la preuve n’en est pas formellement […]

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