Bauhaus est une école d’art, de design et d’architecture, fondée en Allemagne par l’architecte Walter Gropius en 1919, à la suite de la fusion entre l’école des arts et de l’artisanat et l’académie des beaux-arts de la ville de Weimar. Le mot « Bauhaus » peut se traduire en français par « maison de la construction ». Son but était de faire disparaître les barrières qui existaient entre l’art et l’artisanat, entre les arts eux-mêmes et entre les hommes et les femmes. En effet, « toute personne ayant une bonne réputation et disposant d’une formation appropriée sera admise dans la mesure des places disponibles, quel que soit son âge ou son sexe » inscrit Walter Gropius dans le manifeste officiel du Bauhaus. Résultat : une utopie créative, vouée à la création artistique, tournée vers l’utilitaire, unifiant l’art, l’artisanat et l’industrie. À l’ouverture de Bauhaus : 84 femmes pour 79 hommes. Nous ne sommes pourtant qu’en 1919, n’est-ce pas merveilleux ?

Nous sommes en 2020, et je vais vous poser une question : pouvez-vous me donner des noms de femmes artistes Bauhaus ? Non ? La preuve, voici une phrase relevée de la page Wikipédia du Bauhaus : « Le programme du Bauhaus a suscité l’adhésion d’un grand nombre d’artistes d’avant-garde de toute l’Europe, parmi lesquels on peut citer Johannes Itten, Wassily Kandinsky, Paul Klee, Oskar Schlemmer, László Moholy-Nagy ou encore Marcel Breuer. » Tout s’explique, les femmes devaient sûrement être moins douées et créatives que leurs homonymes masculins ! C’est pour ça qu’on ne parle plus d’elles aujourd’hui ! Je rigole, il est temps de vous parler de l’œuvre qui m’a fait choisir le titre de l’article…

« Bauhaus : Un temps nouveau » est une minisérie Allemande, réalisé par Lars Kraume, diffusée sur Arte en 2019. 1919, nous assistons à la naissance de Bauhaus à travers les yeux de Dörte Helm (Anna Maria Mühe), une jeune femme issue de la grande bourgeoisie. L’établissement a accueilli les femmes à bras ouverts, mais les a toutes cantonnées à l’atelier de tissage. Dörte se rapproche de Walter Gropius (August Diehl), le directeur de l’école, elle voit en lui un mentor… Au fil de ses expérimentations artistiques et sexuelles, elle se libère. Au fil des épisodes, son émancipation intellectuelle se traduit dans ses tenues (très masculines) et dans sa coiffure (elle se coupe les cheveux à la garçonne.).
D’après Lars Kraume, Dörte était la plus rebelle des étudiantes. Dans la série, elle est le fer de lance du combat contre la domination masculine. Elle lutte pour que les femmes puissent avoir accès aux mêmes cours que les hommes dans Bauhaus. C’est un troublant récit de tentative d’émancipation d’une femme face à un homme puissant.

Cette série n’est pas désagréable à regarder mais je ne trouve pas qu’elle soit un chef d’œuvre (malgré le prix de la meilleure musique au festival Cannes Séries 2019 et cinq étoiles sur Télérama). Le sujet est intéressant : l’égalité des sexes. Un sujet très important à l’époque comme pour aujourd’hui. Ce qui me dérange, c’est que le réalisateur utilise le centenaire du Bauhaus pour propulser son œuvre au-devant de la scène avec un sujet qui va de sûr, ravir tout le monde. Les médias n’ont pas été très objectifs, la série a été encensée par la critique. Il y a la forme, mais pas le fond, on ne garde que le cadre spatio-temporel du Bauhaus, il n’y a pas assez de références à mon goût. Dörte est utilisé comme une hystérique féministe voulant que toutes les filles quittent l’atelier de tissage et prennent la place des hommes. On a l’impression qu’il n’y a qu’elle qui se bat et les autres femmes sont passives.
Ces frustrations m’ont cependant permis de faire des recherches. J’ai beaucoup lu et j’ai trouvé des réponses sur l’importance des femmes du Bauhaus, les Bauhausmädels (en allemand). Le féminisme dans Bauhaus n’était que de façade. Dans les notes de Gropius, on découvre qu’il qualifiait les femmes d’inaptes à la conception de bâtiments, car, selon lui, elles « étaient incapables de penser en trois dimensions« . Le travail du bois, la taille de la pierre et la peinture étaient pour lui le « travail le plus lourd » et ne leur était donc pas destiné. Il crée donc une classe pour les femmes, celle du textile. Cette classe convenait à la plupart d’entre-elles. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les femmes en Allemagne, mais ailleurs aussi étaient condamnées aux trois K : Kinder (enfants), Küche (cuisine) et Kirche (église). En comparaison, le Bauhaus représentait l’incarnation de la liberté. Mais certaines Bauhausmädels étaient frustrées de ne pas pouvoir choisir leur orientation et sont cependant arrivées à atteindre leurs buts et ces femmes ont réalisé des productions tout à fait remarquables comme vous pouvez le voir ci-dessous :



Pour conclure, je pense que les choses changent. Nonobstant mon agacement, le centenaire du Bauhaus a permis de faire sortir de l’ombre ces femmes cachées. De plus en plus de Bauhausmädels sont mises en avant, à la manière des écrivaines étudiées pour le bac de Français (Eh oui, Andrée Chedid est bien une femme). Alors voici les noms de quelques-unes d’entre elles : Anni Albers, Gunta Stölzl, Marianne Brandt, Ruth Hollós, Lucia Moholy et Gunta Stölzl.
Vous êtes en mesure de répondre à la question posée en début d’article, Bravo.
Antonin FALK/DNMADE Ho 2/ Février 2020