Ou plutôt un peu de prose dans ce monde de poésie.
Je vous propose aujourd’hui, deux poètes des temps modernes, deux plumes habiles récitant leurs sentiments. Christian Bobin & Lucas Clavel.
L’un affamé d’amour et l’autre savourant le simple plaisir de vivre, une dégustation sans fin.
° Notre poète de l’amour Mr Clavel, du haut de ses 25 ans, s’enivre du plaisir sentimental, shooté au flirt, drogué à l’émoi mélancolique, et avide de tout frisson affectif. Il nous parle dans ses livres, comme si, nous, lecteurs, étions dans un échange épistolaire moderne avec lui même. Des mots d’amour comme s’ils se voulaient écrits pour nous, une drague d’un autre temps, font de la prose une caresse onirique. Il nous courtise de ses belles lignes lyriques, cherchant à atteindre le spectateur dans un dialogue de corps à cœur. Pour lui, il n’y a pas de mesure à l’amour quand bien même il est composé de plusieurs mètres… L’enjambement de ses vers embrassés nous invite dans cette idylle romanesque. C’est une balade amoureuse psychique.
Vous laisserez-vous séduire?
Lucas Clavel- L’ambidextrie des sentiments. Livre qui met en évidence son agilité à l’art de la séduction.
«Ne m’en veux pas, s’il te plaît, je vais certainement tenter de te séduire le long de ces pages, je ne sais pas faire grand-chose d’autre, mais je sais que ton cœur est épuisé, de frémir, de frétiller de vigueur au bout des hameçons tranchants des malintentionnés, mais tu verras, le mien est fait de coton, et je ne percerai de toi que ce que tu ouvres avec grâce. Alors tes caprices (encore inconscients) seront mes vœux, à ta guise ignorante j’irai remuer l’appétit que tu ne frôles qu’en songe, par peur de souffrance, et je comblerai ta faim avec l’imprudence de ma folie.»
« Les yeux bandés de ta beauté je contemple, l’aveuglement de la perfection que personne ne semble pouvoir déceler, et mon égoïsme est heureux de pouvoir se bercer d’illusion, la vision d’être le seul homme à pouvoir saisir entièrement l’image de ce que tu es. »
Ses livres: – Matin, midi, soir, et le reste du temps – Et mon cœur apprit à se taire – Et je t’aimerai encore – L’ambidextrie des sentiments
Il publie une fois par semaine un post instagram, comme une nouvelle lettre envoyée à ses lectrices, qui en semble bien folle. page insta
Cependant, ne vous laissez pas prendre au jeu des mots agiles, tomber amoureuse d’un livre serait bien futile.
° Notre deuxième belle plume est Christian Bobin, un oiseau au chant joyeux dans une acceptation de la vie telle quelle est. La recherche de l’essentiel, la compréhension que rien ne sert de le chercher, puisqu’il est là, partout, maintenant. Un homme qui semble avoir vécu une centaine de vies, comme sorties d’un réveil encore une fois. Une acceptation, une contemplation du jour d’aujourd’hui. À la recherche de l’exceptionnel ordinaire. L’essentiel sans l’immédiat.
«La mauvaise énergie, c’est vouloir tout tout de suite, les applaudissements avant même d’avoir commencé l’effort… Notre époque veut du survitaminé.»
Après avoir étudié la philosophie, il a travaillé pour la bibliothèque municipale d’Autun, il a également été élève infirmier en psychiatrie. Ses premiers textes, brefs et se situant entre l’essai et la poésie, Sa forme de prédilection est le fragment, une écriture concentrée faite de petits tableaux représentatifs d’un moment. Ses ouvrages tiennent à la fois ou séparément du roman, du journal et de la poésie en prose. À ce jour, Christian Bobin a publié plus d’une soixantaine d’ouvrages.
«Je pense que l’écriture est un travail de guérison. Elle a à voir avec quelque chose qui relève de la guérison. Pas uniquement ma propre guérison, mais une guérison de la vie. De la vie souffrante. De la vie mise à mal par les conditions modernes. Étrangement, pour guérir il faut d’abord rendre malade. Rendre malade d’émotions, rendre malade de beauté, vous voyez ? Mon travail, si j’en ai un, est de transmettre une émotion qui m’est venue. De faire en sorte que cette émotion soit contagieuse.»
« Nous n’avons que la vie la plus pauvre, la plus ordinaire, la plus banale. Nous n’avons, en vérité, que cela. De temps en temps, parce que nous sommes dans un âge plus jeune ou parce que la fortune, les bonnes faveurs du monde, viennent à nous, nous revêtons un manteau de puissance et nous nous moquons de cette soi-disant «mièvrerie». Mais le manteau de puissance va glisser de nos épaules, tôt ou tard… Non, je ne suis pas mièvre. Je parle de l’essentiel, tout simplement. Et l’essentiel, c’est la vie la plus nue, la plus rude, celle qui nous reste quand tout le reste nous a été enlevé. Je vais à l’essentiel. Je ne fais pas l’apologie de quelque chose qui serait simplet. La marguerite dans son pré, le plâtrier qui siffle, les planètes lointaines : voilà, au contraire, quelque chose qui est rude, émerveillant, parce que ces choses résistent à tout.»
Interview très intéressante et pleine de gaité de cœur, de joie offerte, il nous offre les outils pour recevoir, apercevoir, voir le monde. – Christian Bobin: «Nous ne sommes pas obligés d’obéir» Propos recueillis par François Busnel
Et je vous laisserai sur cette phrase de Bobin :
« Il faut que le noir s’accentue pour que la première étoile apparaisse.»
« C’est à force de broyer du noir, de se délecter du sombre, qu’on ne finit par ne bien voir, que dans l’ombre. Il est pourtant si éclatant, ce soleil qui rayonne, toujours fanfaronnant, des reflets qui résonnent »
Pauline Lecocq-DNAMDE-BIJ2- avril 2020.